La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/03/2022 | FRANCE | N°21PA01907

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 17 mars 2022, 21PA01907


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Kassab a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période comprise entre le 1er octobre 2012 et le 31 décembre 2014.

Par un jugement n° 1821090 du 17 février 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 avril 2021 et l

e 4 juin 2021, la SELARL Kassab, représentée par Me Verdier, demande à la Cour :

1°) d'annuler le j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Kassab a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période comprise entre le 1er octobre 2012 et le 31 décembre 2014.

Par un jugement n° 1821090 du 17 février 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 avril 2021 et le 4 juin 2021, la SELARL Kassab, représentée par Me Verdier, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1821090 du 17 février 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période comprise entre le 1er octobre 2012 et le 31 décembre 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ensemble des actes pris en charge totalement ou partiellement par l'assurance maladie devaient être exonérés de taxe sur la valeur ajoutée ;

- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires est erronée ;

- l'administration fiscale a méconnu le principe de non-discrimination ;

- le rescrit n° 2012/25, repris par la doctrine référencée BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10, permet, par mesure de tempérament, l'exonération des actes de chirurgie esthétique effectués antérieurement au 1er octobre 2012 ;

- l'administration fiscale a méconnu l'avant-dernier paragraphe du rescrit n° 2012/25, repris par la doctrine référencée BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 mai 2021 et le 16 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés du 17 mai 1977 ;

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la décision du 11 mars 2005 de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie relative à la liste des actes et prestations pris en charge ou remboursés par l'assurance maladie ;

- l'arrêt n° C-91/12 du 21 mars 2013 de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Aggiouri ;

- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Amadieu-le Claire, substituant Me Verdier, avocat de la société Kassab.

Considérant ce qui suit :

1. La société Kassab, qui exerce une activité de chirurgie esthétique, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration l'a notamment assujettie, selon la procédure de rectification contradictoire, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période comprise entre le 1er octobre 2012 et 31 décembre 2014. A la suite de l'entretien avec le supérieur hiérarchique de la vérificatrice, ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont fait l'objet d'un dégrèvement partiel. La société Kassab relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires restant à sa charge.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. Le 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, pris pour la transposition des dispositions du c) du 1° du A de l'article 13 de la directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés du 17 mai 1977, repris au c) du paragraphe 1 de l'article 132 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, prévoit que sont exonérés de taxe sur la valeur ajoutée " les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées [...] ".

3. Il résulte, d'une part, des dispositions des directives mentionnées au point 2, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans son arrêt Skatteverket c. PFC Clinic AB du 21 mars 2013, que seuls les actes de médecine et de chirurgie esthétique dispensés dans le but " de diagnostiquer, de soigner et, dans la mesure du possible, de guérir " des personnes qui, par suite d'une maladie, d'une blessure ou d'un handicap physique congénital, nécessitent une telle intervention, poursuivent une finalité thérapeutique et doivent, dès lors, être regardés comme des " soins dispensés aux personnes " exonérés de taxe sur la valeur ajoutée. Il en va, en revanche, différemment lorsque ces actes n'obéissent en aucun cas à une telle finalité.

4. D'autre part, il résulte des dispositions combinées des articles L. 6322-1 et R. 6322-1 du code de la santé publique que les actes de chirurgie esthétique, qui n'entrent pas dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie au sens de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale, sont des actes qui tendent à modifier l'apparence corporelle d'une personne, à sa demande, sans visée thérapeutique ou reconstructrice. Les actes de médecine ou de chirurgie esthétique à finalité thérapeutique relèvent des dispositions de l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, aux termes desquelles la prise en charge par l'assurance maladie est subordonnée à l'inscription sur la liste qu'elles mentionnent. Cette liste prévoit le remboursement des actes de médecine ou de chirurgie esthétique répondant, pour le patient, à une indication thérapeutique, évaluée le cas échéant sur entente préalable de l'assurance maladie.

5. Les dispositions du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, interprétées conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, doivent par suite être regardées comme subordonnant l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des actes de médecine et de chirurgie esthétique non à la condition que ces actes fassent l'objet d'un remboursement effectif par la sécurité sociale mais à celle qu'ils entrent dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie, ce qui suppose leur inscription sur la liste prévue par l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, établie selon des critères objectifs et rationnels. Toutefois, la seule inscription d'un acte sur la liste mentionnée au point précédent ne saurait suffire à le faire entrer dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie, certains actes pouvant avoir, selon les circonstances, une visée thérapeutique ou une visée non thérapeutique, l'assurance maladie subordonnant le remboursement de certains de ces actes inscrits à un accord préalable délivré au cas par cas.

6. Pour mettre à la charge de la SELARL Kassab les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, l'administration fiscale a considéré que certains actes chirurgicaux qu'elle avait pratiqués pendant la période en litige ne pouvaient bénéficier de l'exonération prévue au 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts dès lors qu'ils n'avaient pas été pris en charge par l'assurance maladie.

7. En premier lieu, la société Kassab soutient que les actes chirurgicaux mentionnés sur les devis qu'elle produit - qui seuls peuvent être regardés comme attestant des prestations effectivement réalisées, à la différence des tableaux, réalisés par ses soins, répertoriant les opérations chirurgicales qu'elle aurait pratiquées au cours de la période en litige - devraient être exonérés de taxe sur la valeur ajoutée, dès lors qu'ils seraient, selon elle, inscrits sur la liste intitulée " classification commune des actes médicaux " (CCAM).

8. Toutefois, d'une part, si les actes référencés BAMA004 (réparation de perte de substance cutanée de la paupière par lambeau local ou autogreffe), QEMA005 (mastoplastie unilatérale de réduction), LMMA009 (cure de hernie de la paroi abdominale antérieure), LMMA007 (réfection de la paroi lombale avec prothèse) et BADA 002 (suspension bilatérale de la paupière supérieure au muscle frontal, avec autogreffe), figurent sur la classification commune des actes médicaux fixée par la décision de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) du 11 mars 2005, dans sa rédaction alors en vigueur, qui constitue la liste prévue par l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, les devis produits par la société Kassab ne permettent pas de vérifier que les recettes résultant de ces opérations auraient été retenues par le service parmi les recettes soumises à la taxe sur la valeur ajoutée.

9. D'autre part, si les actes référencées QEMA013 (mastoplastie bilatérale de réduction), QZFA030 (exérèse de lésion superficielle de la peau par excision d'une zone cutanée de plus de 200 centimètres carrés), QZFA036 (exérèse de lésion superficielle de la peau par excision d'une zone cutanée de moins de 5 centimètres carrés), QZFA007 (exérèse de lésion sous-cutanée sus-faciale), CAMA013 (plastie bilatérale d'oreille décollée), BAFA008 (résection bilatérale cutanée, musculaire et/ou graisseuse au niveau des paupières supérieures, par abord cutané), QEMA006 (reconstruction du sein par pose d'implant prothétique), GAMA007 (septoplastie nasale), QEMA003 (mastoplastie unilatérale d'augmentation, avec pose d'implant prothétique) et QBFA005 (dermolipectomie abdominale avec transposition de l'ombilic), figurent dans la classification commune des actes médicaux fixée par la décision de l'UNCAM du 11 mars 2005, cette décision précise que le remboursement de ces actes ne peut intervenir que " sous conditions " et pour les quatre derniers, après un accord préalable de l'assurance maladie. Ainsi, et si, comme le soutient la société Kassab, l'absence de remboursement effectif ne pas fait obstacle à ce que ces actes puissent bénéficier d'une exonération de taxe sur la valeur ajoutée, la seule circonstance que ces actes figurent dans la classification commune des actes médicaux fixée par la décision de l'UNCAM du 11 mars 2005 ne suffit pas, par elle-même, à les faire regarder comme des actes remboursables, et pouvant donc bénéficier d'une exonération de taxe sur la valeur ajoutée en application du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts. Il appartient dès lors à la société requérante d'établir que ces actes présentaient une indication thérapeutique. Or, en l'espèce, la seule circonstance que le chirurgien ayant pratiqué ces actes les a regardés comme présentant une indication thérapeutique ne suffit pas, en l'absence de précision supplémentaire, à établir une telle indication. C'est donc à bon droit que l'administration fiscale, qui n'a pas méconnu le principe de non-discrimination, a remis en cause l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée appliquée par la société requérante à ces prestations.

10. En second lieu, la société Kassab soutient que les chiffres d'affaires pris en compte par le service seraient erronés. Toutefois, il résulte de l'instruction que le service s'est fondé, pour établir les rectifications, sur les chiffres d'affaires retenus dans le cadre des déclarations de résultats déposés par la société requérante, dont il a retranché les montants figurant dans les relevés du système national inter-régime (SNIR) correspondant aux honoraires remboursés par l'assurance maladie - montants qu'il a reconstitués pour la période comprise entre le 1er octobre 2012 et le 31 décembre 2012. Ainsi qu'il a été dit précédemment, la société Kassab n'établit pas que d'autres prestations que celles ayant fait l'objet d'un remboursement effectif par l'assurance maladie étaient en l'espèce remboursables. Elle n'établit pas davantage que la reconstitution du montant des actes remboursés par l'assurance maladie au titre de la période comprise entre le 1er octobre 2012 et le 31 décembre 2012 serait erronée. Par suite, le moyen doit être écarté.

Sur l'interprétation de la loi fiscale :

11. En premier lieu, si la société Kassab soutient que certaines opérations chirurgicales auraient dû bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue, " par mesure de tempérament ", par le dernier paragraphe du rescrit n° 2012/25, repris par la doctrine référencée BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10, pour les " actes de médecine et de chirurgie esthétique effectués antérieurement au 1er octobre 2012 ", elle se borne à produire, outre un tableau récapitulatif, des documents élaborés par ses soins comportant, sous une date, la mention de l'opération réalisée, assortie d'une mention manuscrite parfois difficilement lisible. Ainsi, ces seuls éléments ne permettent pas de vérifier les allégations de la société requérante selon lesquelles certaines opérations, réalisées avant le 1er octobre 2012 et dont le paiement aurait été effectué après cette date, n'auraient pas été déjà été prises en compte par l'administration au titre des prestations devant être exonérées de taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, ce moyen doit être écarté.

12. En second lieu, la société Kassab n'est pas fondée à se prévaloir de l'avant-dernier paragraphe du rescrit n° 2012/25, repris par la doctrine référencée BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10, lequel paragraphe ne donne pas de la loi fiscale une interprétation différente dont celle dont il a été fait application.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Kassab n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Kassab est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL Kassab et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera à la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 17 février 2022, où siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mars 2022.

Le rapporteur,

K. AGGIOURILa présidente,

H. VINOT

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA01907


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01907
Date de la décision : 17/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-02 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Exemptions et exonérations.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : VERDIER

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-17;21pa01907 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award