Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 26 avril 2018 par laquelle la ministre chargée des transports l'a licencié pour insuffisance professionnelle et d'ordonner sa réintégration.
Par un jugement n° 1815294 du 1er juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 1er septembre 2020, 9 novembre 2020 et 9 novembre 2021, M. A..., représenté par Me Viegas demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1815294 du 1er juillet 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 26 avril 2018 de la ministre chargée des transports ;
3°) d'ordonner sa réintégration ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce que les premiers juges n'ont pas répondu à l'intégralité des moyens soulevés à l'appui de sa demande ;
- la décision attaquée est entachée d'erreur d'appréciation, dès lors que l'insuffisance professionnelle n'est pas caractérisée ;
- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que les faits reprochés relèvent de la procédure disciplinaire et non d'une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle ;
- elle est entachée d'un détournement de pouvoir dès lors que le licenciement a été en réalité prononcée pour un motif disciplinaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2021, la ministre de la transition écologique, représentée par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. A... le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 2005-1215 du 26 septembre 2005 ;
- le décret n° 2008-404 du 25 avril 2008 ;
- le décret n° 2011-1317 du 17 octobre 2011 ;
- le décret n° 2015-1784 du 28 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,
- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique,
- et les observations de Me Poupot, pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a été recruté par voie de détachement en 2004 par la direction générale de l'aviation civile et affecté sur un poste d'adjoint à la cheffe de la mission des affaires européennes et internationales. Le 20 juin 2007, M. A... a été intégré dans le corps des attachés d'administration de l'aviation civile. A compter de 2010, le requérant a été affecté sur un poste de chargé d'affaires au sein du bureau de la coordination interministérielle de la sûreté de la sous-direction de la sûreté et de la défense de la direction du transport aérien rattaché à la direction générale de l'aviation civile (DGAC). Par une décision du 26 avril 2018, la ministre des transports l'a licencié pour insuffisance professionnelle. M. A... relève appel du jugement du 1er juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à sa réintégration.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si M. A... soutient que le tribunal administratif de Paris n'a pas répondu à l'intégralité des moyens qu'il avait soulevés dans sa demande, il n'assortit pas ses allégations des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé, alors qu'une telle omission ne ressort pas des termes du jugement. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Le licenciement pour insuffisance professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé, s'agissant d'un agent contractuel, ou correspondant à son grade, s'agissant d'un fonctionnaire, et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ses fonctions. Toutefois, une telle mesure ne saurait être subordonnée à ce que l'insuffisance professionnelle ait été constatée à plusieurs reprises au cours de la carrière de l'agent ni qu'elle ait persisté après qu'il a été invité à remédier aux insuffisances constatées. Par suite, une évaluation portant sur la manière dont l'agent a exercé ses fonctions durant une période suffisante et révélant son inaptitude à un exercice normal de ses fonctions est de nature à justifier légalement son licenciement.
4. En premier lieu, selon l'article 2 du décret du 25 avril 2008 portant dispositions statutaires relatives au corps des attachés d'administration de l'aviation civile, ceux-ci exercent, notamment, les fonctions dévolues aux attachés d'administration en application de l'article 2 du décret n° 2005-1215 du 26 septembre 2005, à savoir la participation à la conception, à l'élaboration et à la mise en œuvre des politiques publiques ministérielles et interministérielles. Aux termes de l'article 3 du décret du 17 octobre 2011 portant statut particulier du cops interministériel des attachés d'administration de l'Etat, dans lequel M. A... a été intégré à compter du 30 décembre 2015, en application de l'article 4 du décret du 28 décembre 2015 relatif à l'intégration des membres du corps des attachés d'administration de l'administration civile dans le corps interministériel des attachés d'administration de l'Etat : " Les attachés d'administration de l'Etat participent à la conception, à l'élaboration et à la mise en œuvre des politiques publiques ministérielles et interministérielles. / A ce titre, ils sont chargés de fonctions de conception, d'expertise, de gestion, ou de pilotage d'unités administratives (...) ".
5. Pour prononcer le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. A..., la ministre chargée des transports s'est fondée sur le manque d'implication, de diligence et de rigueur dans l'exécution de son travail, son absence d'autonomie dans la réalisation de ses missions qui ne présentent pas de difficultés particulières, son attitude passive et attentiste et ses difficultés relationnelles persistantes. Le requérant soutient que l'insuffisance professionnelle qui lui est reprochée n'est pas établie dès lors qu'il a toujours donné satisfaction et que le poste de chargé d'affaires au sein du bureau de la coordination interministérielle de la sûreté, sur lequel il a été affecté, était dépourvu de toutes fonctions effectives.
6. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que contrairement à ce que le requérant soutient, le poste de chargé d'affaires au bureau de la coordination interministérielle de la sûreté sur lequel il a été affecté en 2010, en replacement d'un autre fonctionnaire, comportait des missions effectives, correspondant à son grade, comme en atteste notamment la description qui en est faite dans l'avis de vacances d'emploi publié au printemps 2010, qui mentionne notamment la définition de la politique de formation des agents de l'Etat dans le domaine de la sûreté et le suivi de sa mise en œuvre par l'Ecole nationale de l'aviation civile (ENAC), la participation à l'élaboration de politique qualité en matière de sûreté de la DGAC, la participation à l'élaboration de la réglementation et à la rédaction du Programme nationale de sûreté (PNS), pour les parties formation et qualité, et la participation à la définition et le suivi de la politique de coopération internationale dans le domaine de la sûreté.
7. D'autre part, les difficultés persistantes rencontrées par M. A... pour accomplir les tâches qui lui étaient confiées sont suffisamment établies par les pièces du dossier, en particulier par le rapport du 29 janvier 2018 établi par la sous-directrice des personnels et par le compte-rendu d'entretien professionnel réalisé au titre de l'année 2016, dans lequel le chef de bureau conclut que " M. A... ne dispose d'aucune qualité d'un cadre A : Pas d'autonomie, aucune force de proposition, en attente permanente de l'assistance de sa hiérarchie. Pour lui, le vocable " livrables ", " échéances ", " dates de livraison ", ne peut pas s'appliquer à ses activités ". Les difficultés ainsi relevées sont également attestées par les échanges de messages électroniques produits par les parties attestant d'un manque d'autonomie et d'initiative de M. A... dans l'exécution de ses tâches ainsi qu'un manque de rigueur et de diligence alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les tâches qui étaient attribuées à l'intéressé dépassaient par leur nature ou leur niveau celles qui peuvent être normalement confiées à un attaché d'administration. En outre, si M. A..., n'a fait l'objet d'aucune évaluation concrète au titre des années 2012 à 2015, en l'absence de fonctions effectivement exercées, il ressort des pièces du dossier que cette situation était imputable non à l'administration mais au requérant, qui refusait d'exécuter les tâches qui lui étaient confiées. Au demeurant, les difficultés ainsi relevées étaient déjà mises en avant antérieurement à 2013 ainsi qu'en attestent les comptes-rendus d'entretien professionnel au titre des années 2011 et 2012 ou, s'agissant de son précédent poste de chargé de mission pour la zone géographique Proche-Moyen Orient à la Mission de la coopération internationale, les lettres qui lui ont été adressées par sa supérieure hiérarchique, en date du 4 novembre 2009, du 11 mars 2010, ainsi que la note du 24 août 2012 adressée par cette même supérieure hiérarchique au directeur du transport aérien et tenant lieu d'entretien d'évaluation pour 2010. Si M. A... soutient qu'il était dans l'impossibilité d'exercer normalement ses fonctions en raison des agissements répétés de ses supérieurs hiérarchiques successifs, constitutifs de harcèlement moral, un tel harcèlement ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi que l'a par ailleurs déjà jugé la présente Cour dans son arrêt n° 15PA01445 du 8 décembre 2016, devenu définitif. Enfin, la circonstance que M. A... avait donné entière satisfaction jusqu'en 2006 n'est pas de nature à faire obstacle à ce que son insuffisance professionnelle, constatée sur une période continue et suffisamment longue, puisse être relevée. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision prononçant son licenciement reposerait sur une appréciation erronée de sa valeur professionnelle.
8. En second lieu, la circonstance que certains des faits retenus pour justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle seraient susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire, n'est pas, par elle-même, de nature à entacher cette mesure d'illégalité, dès lors que l'administration se fonde sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent au regard des exigences de capacité qu'elle est en droit d'attendre d'un fonctionnaire de son grade. S'il est vrai que certains agissements de M. A... auraient pu faire l'objet d'une sanction disciplinaire, le licenciement de l'intéressé a, ainsi qu'il a été dit au point 6 du présent jugement, été prononcé pour insuffisance professionnelle et non pour un motif disciplinaire. Par suite, en prenant la décision attaquée, la ministre n'a pas commis d'erreur de droit, ni entaché sa décision de détournement de pouvoir.
9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquences, celles à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme que la ministre de la transition écologique demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la ministre de la transition écologique sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre de la transition écologique.
Délibéré après l'audience du 17 février 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 mars 2022.
La rapporteure,
C. VRIGNON-VILLALBALa présidente,
H. VINOT
La greffière,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA02540 2