Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2020 par lequel le préfet de Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2008876 du 25 mai 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 25 juin 2021, M. C..., représenté par Me Debbagh, demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement ;
3°) d'annuler cet arrêté ;
4°) d'enjoindre au préfet de Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié ", dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve pour ce dernier de renoncer à la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient aucun ordre de priorité dans l'examen d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour ; dès lors, le tribunal ne pouvait considérer que le préfet était tenu d'examiner sa demande au titre de sa vie privée et familiale puis au titre de sa qualité de salarié, alors même que sa demande n'a été formulée qu'en qualité de salarié ;
- contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, il est recevable à soulever le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision lui refusant un titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale à raison de l'illégalité du refus de titre sur lequel elle se fonde.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour
- elle est illégale à raison de l'illégalité l'obligation de quitter le territoire sur laquelle elle se fonde.
La requête a été communiquée au préfet de Seine-Saint-Denis, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Briançon.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C... ressortissant tunisien, né le 1er juillet 1962, est entré en France le 24 janvier 2011. Il a sollicité, le 11 décembre 2018, son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié, sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 16 juillet 2020, le préfet de Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de deux ans. M. C... relève appel du jugement du 25 mai 2021 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire :
2. M. C... n'a pas fait déposer de dossier de demande auprès du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris. Par suite, ses conclusions tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire doivent être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 devenu L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ".
4. L'article L. 313-14 permet, pour les personnes qui ne satisfont pas aux conditions fixées par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour la délivrance des cartes de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-11 ou portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " sur le fondement du 1° de l'article L. 313-10 et qui sollicitent leur régularisation, un régime d'admission exceptionnelle au séjour. Il ressort des termes de l'avis du Conseil d'Etat du 8 juin 2010, M. B... et autres, n° 334793, relatif à l'application des dispositions précitées, que, en présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peut constituer, en l'espèce, un motif exceptionnel d'admission au séjour. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet et le Tribunal auraient fait une inexacte application de l'article L.313-14 ne peut qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, en ce qui concerne les ressortissants tunisiens, l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail stipule que : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". L'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' ".
6. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
7. Il résulte de ce qui vient d'être dit que si un ressortissant tunisien ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au titre de son activité professionnelle, il est toutefois recevable à soulever le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces mêmes dispositions dans le cadre de l'exercice du pouvoir discrétionnaire du préfet. Contrairement à ce que soutient M. C..., le Tribunal en mentionnant que " M. C... qui, en sa qualité de ressortissant tunisien, ne peut utilement se prévaloir du volet " salarié " de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de procéder à sa régularisation dans le cadre de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation " a examiné ce moyen.
8. En troisième lieu, M. C... soutient qu'eu égard à la durée de sa présence en France depuis 2013 et à son intégration professionnelle, sa situation relève de motifs exceptionnels. Toutefois, si le requérant soutient être entré régulièrement en France en 2011 et s'être maintenu sur le territoire français depuis cette date, soit durant huit ans à la date de l'arrêté en litige, cette circonstance ne saurait, à elle seule, être regardée comme constituant un motif exceptionnel. Par ailleurs, M. C... qui ne justifie d'une activité professionnelle rémunérée qu'entre juillet 2017 et janvier 2019, soit 19 mois à la date de l'arrêté en litige ne constitue pas davantage un motif pour une régularisation exceptionnelle pouvant relever du pouvoir discrétionnaire du préfet. Par suite, c'est sans erreur manifeste d'appréciation que le préfet de Seine-Saint-Denis a pu rejeter sa demande.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour :
9. Eu égard au rejet des conclusions à fin d'annulation à l'encontre de la décision portant refus de séjour, M. C... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées au titre des frais d'instance doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La demande de M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire est rejetée.
Article 2 : La requête de M. C... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 18 février 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente de chambre,
- Mme Briançon, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2022.
La rapporteure,
C. BRIANÇON
La présidente,
M. HEERS
La greffière,
V. BREME
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA03561 2