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11/03/2022 | FRANCE | N°21PA02488

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 11 mars 2022, 21PA02488


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 7 février 2018 par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de son syndrome anxiodépressif réactionnel et la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 19 avril 2018.

Par un jugement n° 813877/5-3 du 3 mars 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un m

émoire, enregistrés le 7 mai 2021 et le 27 octobre 2021, M. C..., représenté par Me Herce, dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 7 février 2018 par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de son syndrome anxiodépressif réactionnel et la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 19 avril 2018.

Par un jugement n° 813877/5-3 du 3 mars 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 mai 2021 et le 27 octobre 2021, M. C..., représenté par Me Herce, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 mars 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 7 février 2018 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 19 avril 2018 par lesquelles la sous-directrice des ressources humaines de la direction des services administratifs et financiers(DSAF) du Premier ministre a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de son syndrome anxiodépressif réactionnel et la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décisions contestées sont entachées d'incompétence ;

- la décision du 7 février 2018 est entachée d'une erreur de droit dès lors que pour justifier du refus d'imputabilité au service de la pathologie de M. C..., il a été relevé à tort qu'à la date d'établissement du certificat médical, il était démissionnaire du CNCCL ;

- la décision du 7 février 2018 est entachée d'un défaut de motivation dès lors qu'elle ne mentionne pas l'avis de la commission de réforme du 6 février 2018 et a été prise en méconnaissance des droits de la défense ;

- la commission de réforme, qui ne comportait pas un médecin psychiatre, était irrégulièrement composée ;

- la décision du 7 février 2018 est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur de qualification juridique des faits qui ne constituent pas une faute personnelle détachable du service.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 9 juillet et le 6 décembre 2021, le Premier ministre conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ;

- le décret n° 2012-1253 du 14 novembre 2012 ;

- le décret n° 2017-1531 du 3 novembre 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Briançon, rapporteure,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- et les observations de Me Herce, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 18 décembre 2009, M. C... a été intégré à compter du 1er septembre 2009 dans le corps des secrétaires administratifs des services du Premier ministre, en qualité de secrétaire administratif de classe normale puis nommé secrétaire général du Conseil national des communes " Compagnon de la Libération " (CNCCL), établissement public à caractère administratif composé des cinq communes " Compagnon de la libération " à compter du 21 mars 2013 pour une période de trois ans. Il a présenté un syndrome anxiodépressif à compter du 10 avril 2016. Placé en arrêt maladie à compter de cette dernière date, il a sollicité, le 16 octobre 2017, la reconnaissance de l'imputabilité au service de cette pathologie, qui a été refusée par une décision du 7 février 2018. Le 19 avril 2018, le requérant a formé un recours gracieux qui a été implicitement rejeté. M. C... relève appel du jugement du 3 mars 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 février 2018 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 19 avril 2018.

2. En premier lieu, si en vertu de l'article 6 du décret n° 2012-1253 du 14 novembre 2012, relatif au Conseil national des communes " Compagnon de la Libération ", le délégué national dirige l'établissement public, nomme les agents et a autorité sur l'ensemble des services et des personnels de l'établissement, la gestion administrative et financière concernant la situation de M. C..., agent appartenant au corps des secrétaires administratifs des services du Premier ministre, est assurée en application de l'article 1er du décret n° 2017-1531 du 3 novembre 2017 par la direction des services administratifs et financiers du Premier ministre.

3. D'une part, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement: "A compter du jour suivant la publication au journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : [ ... ] 2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs[ ... ].". Par suite, Mme D... A..., sous-directrice des ressources humaines à la direction des services administratifs et financiers du Premier ministre, renouvelée, par arrêté du Premier ministre du 9 janvier 2018, dans l'emploi pour une durée de deux ans, à compter du 1er février 2018, était compétente pour prendre la décision du 7 février 2018. D'autre part, le recours gracieux adressé le 19 avril 2018 à la direction des services administratifs et financiers du Premier ministre a fait l'objet d'une décision implicite de rejet qui, en tout état de cause, est réputée avoir été prise par la même autorité. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions contestées doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cette effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...). ". Et aux termes de l'article L. 211-5 de ce même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

5. Par la décision attaquée en date du 7 février 2018, le Premier ministre a refusé à M. C... le bénéfice des dispositions du 2ème alinéa du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, ouvrant droit au fonctionnaire, si l'accident est survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice des fonctions, de conserver l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Cette décision doit, dès lors, être regardée comme refusant un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir, au sens de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.

6. Toutefois, contrairement à ce que soutient M. C... et comme l'a relevé le tribunal, la décision du 7 février 2018 mentionne expressément que son dossier a été présenté le 6 février 2018 devant la commission de réforme qui n'a pas retenu la qualification d'accident de service en précisant que les faits relatés en date du 14 octobre 2015 se rattachent à une faute personnelle détachable du service. Par ailleurs, M. C... a été informé de la tenue de la commission de réforme par courriel du 29 janvier 2018 puis par courrier en recommandé réceptionné le 1er février 2018 et n'a pas sollicité la consultation de son dossier. Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation et de la méconnaissance des droits de la défense doivent être écartés.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Il est institué auprès de l'administration centrale de chaque département ministériel un comité médical ministériel compétent à l'égard des personnels mentionnés au 1er alinéa de l'article 14 ci-après. Ce comité comprend deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, pour l'examen des cas relevant de sa qualification, un spécialiste de l'affection pour laquelle est demandé le bénéfice du congé de longue maladie ou de longue durée prévu à l'article 34 (3e et 4e) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée (...). ". Il résulte de ces dispositions que, dans le cas où il est manifeste, eu égard aux éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée par un agent est nécessaire pour éclairer l'examen de son cas, l'absence d'un tel spécialiste est susceptible de priver l'intéressé d'une garantie et d'entacher ainsi la procédure devant la commission d'une irrégularité justifiant l'annulation de la décision attaquée.

8. Il ressort des pièces du dossier que, lors de sa séance du 6 février 2018, la commission de réforme était saisie, en premier lieu, de l'appréciation de l'imputation au service de l'accident déclaré survenu le 14 octobre 2015 et, à supposer que cet accident soit reconnu imputable au service, en second lieu, à l'imputabilité de sa maladie, à savoir un état dépressif majeur, à cet accident. Si la commission ne s'est pas adjoint de médecin spécialiste en psychiatrie, elle disposait d'une expertise psychiatrique ainsi que de l'ensemble du dossier de l'intéressé en vue de se prononcer sur l'existence d'un accident de service, condition préalable à l'examen de l'imputabilité de sa maladie à un tel accident. Toutefois, dès lors que la commission s'est bornée à apprécier l'existence d'un accident de service, émettant un avis défavorable à sa reconnaissance qui n'impliquait pas qu'elle examinât l'imputation au service de la maladie de M. C..., l'absence d'un spécialiste en psychiatrie au sein de la commission de réforme n'a pas été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision, prise à la suite de cet avis, et n'a pas privé l'intéressé d'une garantie. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la commission de réforme doit être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " (...) Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service (...). ".

10. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal est présumé présenter, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service, le caractère d'un accident de service. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce.

11. Le requérant a déclaré le 16 octobre 2017 auprès de la sous-direction des ressources humaines de la direction des services administratifs et financiers avoir été victime d'un accident de service ayant été destinataire le 14 octobre 2015 à 21 heures 09 sur son téléphone professionnel d'un SMS de menaces qu'il a qualifié de " chantage avec début d'exécution " et " menaces physiques à l'occasion de mes fonctions de secrétaire général de l'Ordre de la Libération " et qui est à l'origine de son état dépressif.

12. Par la décision attaquée, la sous-directrice des services administratifs et financiers du Premier ministre a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre M. C... au motif que " le certificat initial d'accident établi le 15 décembre 2017 indique une date d'accident au 12 avril 2016 ", date à laquelle il était démissionnaire de l'Ordre et en arrêt maladie depuis le 10 avril précédent et que, de surcroît, " la qualification d'accident de service n'a pas été retenue car les faits relatés se rattachent à une faute personnelle détachable du service ".

13. Si comme l'a relevé le tribunal, le premier motif s'est révélé erroné, le second motif se rapporte à des faits ayant fait l'objet d'un audit de l'inspection générale de la Ville de Paris, en sa qualité de commune " Compagnon de la Libération ", qui a rendu son rapport en juin 2016 après saisine du procureur de la République de Paris en mai 2016 et d'un rapport sur le CNCCL, de diffusion restreinte, du contrôle général des armées en décembre 2016.

14. Les faits reprochés à M. C... relatifs, d'une part, aux pratiques critiquables dans l'exercice de ses fonctions de curateur dans la gestion d'avoirs bancaires d'un agent de la Ville de Paris, mis à disposition du CNCCL, d'autre part, au non-respect de la procédure d'enregistrement de plusieurs dons en numéraire et de la procédure comptable et financière dans l'utilisation des deniers publics pour l'équipement de son logement sans avoir obtenu l'accord de l'association, constituent des manquements d'une particulière gravité eu égard aux fonctions exercées par M. C... qui ont pu être qualifiés de fautes personnelles, détachables de l'exercice des fonctions de secrétaire général et de délégué permanent de l'association des cinq communes " Compagnon de la Libération ". En outre, M. C... n'a informé sa hiérarchie de l'existence des menaces dont il a fait l'objet par téléphone et par courrier à partir du mois d'octobre 2015 uniquement lorsque la Ville de Paris a, en accord avec les autres membres du CNCCL, décidé de diligenter une enquête en janvier 2016. Ainsi, et alors même que c'est à raison de ses fonctions qu'un chantage a été exercé sur lui, les menaces, injures et diffamations dont il a fait l'objet ne peuvent être regardés comme constitutifs d'un accident de service. Par suite, les décisions contestées opposant un refus à la demande de reconnaissance d'accident de service ne sont entachées ni d'erreur d'appréciation ni d'erreur dans la qualification juridique des faits.

15. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au Premier Ministre.

Copie en sera adressée au Conseil national des communes " Compagnon de la Libération ".

Délibéré après l'audience du 18 février 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Briançon, présidente assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2022.

La rapporteure,

C. BRIANÇON

La présidente,

M. HEERS

La greffière,

V. BREMELa République mande et ordonne au Premier ministre en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA02488


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02488
Date de la décision : 11/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie. - Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Claudine BRIANÇON
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : HERCE MARCILLE POIROT-BOURDAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-11;21pa02488 ?
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