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11/03/2022 | FRANCE | N°21PA02483

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 11 mars 2022, 21PA02483


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. Yvan Thiébaut a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 12 décembre 2017 par laquelle le Premier ministre lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle.

Par un jugement n° 1802509/5-3 du 3 mars 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 mai 2021 et le 27 octobre 2021, M. A..., représenté par Me Herce, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce

jugement du 3 mars 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 12 décembre 2017 ;

3°) d'ordonner le bénéfice ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. Yvan Thiébaut a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 12 décembre 2017 par laquelle le Premier ministre lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle.

Par un jugement n° 1802509/5-3 du 3 mars 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 mai 2021 et le 27 octobre 2021, M. A..., représenté par Me Herce, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 mars 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 12 décembre 2017 ;

3°) d'ordonner le bénéfice de la protection fonctionnelle et lui accorder le versement de la somme de 16 106,52 euros correspondant aux frais exposés ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le rejet de sa demande de protection fonctionnelle est entaché d'une erreur de droit, dès lors qu'elle reposait sur la tentative d'extorsion et de chantage à raison de ses fonctions ;

- seule une faute qui révèle des préoccupations d'ordre privé, qui procède d'un comportement incompatible avec les obligations qui s'imposent dans l'exercice de ses fonctions, ou qui, eu égard à sa nature, aux conditions dans lesquelles elle a été commise, aux objectifs poursuivis par son auteur et aux fonctions exercées est d'une particulière gravité serait détachable de ses fonctions.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 9 juillet et le 6 décembre 2021, le Premier ministre conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ;

- le décret n° 2012-1253 du 14 novembre 2012 ;

- le décret n° 2017-1531 du 3 novembre 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Briançon, rapporteure,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- et les observations de Me Herce, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. Yvan Thiébaut, secrétaire administratif de classe normale des services du Premier ministre, a sollicité le 22 juin 2017 le bénéfice de la protection fonctionnelle pour des " faits constitutifs de chantage " et " menaces physiques " dans le cadre de ses fonctions de secrétaire général du Conseil national des communes " Compagnon de la Libération " (CNCCL) et l'indemnisation de divers frais de procédure et de santé. Par une décision du 12 décembre 2017, le directeur des services administratifs et financiers du Premier ministre a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle. M. A... relève appel du jugement du 3 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant d'une part, à l'annulation de cette décision du 12 décembre 2017 et, d'autre part, à l'octroi d'une somme de 16 106,52 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis.

2. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I.-A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire (...). IV. -La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...). ".

3. D'une part, il appartient, en cas de refus de protection fonctionnelle, au requérant d'établir que les faits dont il a été victime sont en lien avec l'exercice de ses fonctions au sens des dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 comme il lui incombe de fournir à l'autorité administrative les éléments lui permettant de statuer sur sa demande. D'autre part, une faute d'un agent de l'Etat qui, eu égard à sa nature, aux conditions dans lesquelles elle a été commise, aux objectifs poursuivis par son auteur et aux fonctions exercées par celui-ci est d'une particulière gravité doit être regardée comme une faute personnelle justifiant que la protection fonctionnelle soit refusée à l'agent, alors même que, commise à l'occasion de l'exercice des fonctions, elle n'est pas dépourvue de tout lien avec le service.

4. Pour refuser à M. A..., le bénéfice de la protection fonctionnelle, le Premier ministre oppose le fait que les attaques dont il a fait l'objet sont détachables de ses fonctions de secrétaire général du CNCCL et de délégué permanent de l'association des cinq communes " Compagnon de la Libération ". Il ressort des pièces du dossier que le chantage dénoncé par le requérant porte sur des pratiques critiquables de son statut de curateur dans la gestion d'avoirs bancaires ainsi que sur le non-respect de la procédure d'enregistrement d'un don en numéraire et de la procédure comptable et financière dans l'utilisation des deniers publics pour l'équipement de son logement sans avoir obtenu l'accord de l'association.

5. D'une part, s'agissant de la fonction de curateur, exercée de 2007 à 2016, le Premier ministre s'appuie sur les faits reprochés dans le rapport de l'inspection générale de la Ville de Paris de juin 2016 concernant l'utilisation de la carte bancaire de la personne placée sous curatelle pour des notes de restaurant et différents achats. M. A... qui, en qualité de curateur doit pouvoir rendre compte de manière détaillée des dépenses de la personne protégée, n'apporte aucun élément permettant d'établir que les dépenses en cause ont été effectuées au bénéfice et dans l'intérêt de la personne placée sous curatelle et que les suspicions pesant sur sa gestion de la curatelle ne sont pas fondées. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport de l'inspection générale de la Ville de Paris, que le conseil d'administration du CNCCL n'a jamais pu se prononcer sur plusieurs dons qui n'ont pas été intégrés dans la comptabilité de l'établissement public, en méconnaissance de la procédure prévue à l'article L. 1121-2 du code général de la propriété publique. L'origine incertaine des fonds ayant par ailleurs conduit à une enquête de la brigade de la répression de la délinquance astucieuse. Les irrégularités constatées dans la gestion de ces dons et le non-respect de la procédure d'enregistrement, eu égard aux fonctions exercées par M. A..., qui même s'il n'avait pas la qualité de comptable public, sont d'une particulière gravité et doivent de ce fait être regardées comme constitutives d'une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions. Enfin, le rapport de l'inspection générale relève également que M. A..., qui occupait un logement officiellement concédé par nécessité absolue de service à compter du 1er janvier 2016 a fait équiper ce logement au moins en partie (lustres, couverts, linge de lit, etc.), par l'association des cinq communes " Compagnon de la Libération " sans que son conseil d'administration en soit informé et donc sans que celui-ci autorise ces dépenses. Comme l'a relevé le Tribunal, le Premier ministre ne fournit aucun détail sur les factures en cause, et M. A... justifie que ces dépenses n'ont aucun caractère d'ordre privé. Dans ces conditions, et alors même que l'association n'aurait pas autorisé ces dépenses, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces achats auraient été effectués dans son propre intérêt.

6. Les dispositions de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires établissent à la charge de la collectivité publique et au profit des fonctionnaires, lorsqu'ils ont été victimes d'attaques à l'occasion de leurs fonctions une obligation de protection sauf si une faute personnelle peut lui être imputée. Dans l'hypothèse où les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages trouvent leur origine dans au moins un fait constitutif d'une faute personnelle, l'administration, quand bien même un des faits qu'elle aurait retenus ne constituerait pas une telle faute personnelle, est fondé à refuser à l'agent le bénéfice de la protection fonctionnelle qu'il sollicite. Ainsi, dès lors que deux des trois faits reprochés à M. A... étaient constitutifs de fautes personnelles détachables de l'exercice de ses fonctions, l'administration était fondée à lui refuser le bénéfice de la protection fonctionnelle.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 décembre 2017 ainsi que ses conclusions indemnitaires. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Yvan Thiebaut et au Premier ministre.

Copie en sera adressée au Conseil national des communes compagnon de la libération.

Délibéré après l'audience du 18 février 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Briançon, présidente assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2022.

La rapporteure,

C. BRIANÇON

La présidente,

M. HEERS

La greffière,

V. BREME

La République mande et ordonne au Premier ministre en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA02483


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02483
Date de la décision : 11/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-10-005 Fonctionnaires et agents publics. - Statuts, droits, obligations et garanties. - Garanties et avantages divers. - Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Claudine BRIANÇON
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : HERCE MARCILLE POIROT-BOURDAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-11;21pa02483 ?
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