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11/03/2022 | FRANCE | N°21PA01114

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 11 mars 2022, 21PA01114


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération nationale des étudiant.e.s en soins infirmiers (FNESI) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 2 juillet 2019 par laquelle le conseil d'administration de Sorbonne Université a instauré une tarification complémentaire aux droits d'inscription pour la formation initiale des élèves infirmiers au titre de l'année 2019-2020 et d'enjoindre à Sorbonne Université de rembourser les étudiants qui se seraient déjà acquittés de la " Cotisation des élèves infirmiers

" d'un montant de 39,10 euros.

Par un jugement n°1918830/1-2 du 19 janvier 2021...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération nationale des étudiant.e.s en soins infirmiers (FNESI) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 2 juillet 2019 par laquelle le conseil d'administration de Sorbonne Université a instauré une tarification complémentaire aux droits d'inscription pour la formation initiale des élèves infirmiers au titre de l'année 2019-2020 et d'enjoindre à Sorbonne Université de rembourser les étudiants qui se seraient déjà acquittés de la " Cotisation des élèves infirmiers " d'un montant de 39,10 euros.

Par un jugement n°1918830/1-2 du 19 janvier 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 mars 2021, la Fédération nationale des étudiant.e.s en soins infirmiers, représentée par Me Verdier, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 janvier 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 2 juillet 2019 et d'enjoindre à Sorbonne Université de rembourser les étudiants qui se seraient déjà acquittés de la " Cotisation des élèves infirmiers " d'un montant de 39,10 euros

3°) de mettre à la charge de Sorbonne Université une somme de 2500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La Fédération nationale des étudiant.e.s en soins infirmiers soutient que :

- le jugement méconnait les dispositions applicables au régime juridique des frais à charge des étudiants de l'enseignement supérieur et des étudiants en soins infirmiers, un institut de formation en soins infirmiers (IFSI) étant un établissement d'enseignement supérieur où s'applique le régime général relatif aux frais d'inscription ;

- l'université, tout comme l'IFSI, étaient soumis à l'article 48 de la loi de finances n° 51- 598 du 24 mai 1951 et aucun de ces établissements d'enseignements supérieurs ne pouvaient déroger à cette disposition législative en invoquant une convention de partenariat, permettant, en l'espèce, à Sorbonne Université d'instaurer des frais pour rémunération de services qu'elle délivre aux étudiants ne préparant pas de diplôme organisé par elle-même ;

- le Tribunal a considéré, à tort, que la FNESI ne pouvait pas se prévaloir, sur le fondement de l'article L.312-3 du code des relations entre le public et l'administration, de la note d'information interministérielle n° DGOS/RH1/DGESIP/2018/225 du 28 septembre 2018, en estimant qu'elle ne contenait " aucune disposition impérative à caractère réglementaire ".

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2021, Sorbonne Université représentée par la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la Fédération nationale des étudiant.e.s en soins infirmiers une somme de 3500 euros au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative.

L'université soutient que moyens soulevés par la FNESI ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- - le code de l'éducation ;

- la loi n° 51-598 du 24 mai 1951;

- l'arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d'Etat infirmier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Briançon, rapporteure,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- et les observations de Me Verdier, représentant la Fédération nationale des étudiant.e.s en soins infirmiers et de Me Coudray représentant Sorbonne université.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 2 juillet 2019, adoptée en vertu de la convention de partenariat relative à l'organisation des formations conduisant à la délivrance du diplôme d'Etat d'infirmier en vue de l'obtention d'un grade de licence, le conseil d'administration de Sorbonne Université a instauré une " cotisation des élèves infirmiers " d'un montant de 39,10 euros. La Fédération nationale des étudiant.e.s en soins infirmiers (FNESI) relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération en tant qu'elle a instauré cette cotisation complémentaire aux droits d'inscription pour la formation initiale des élèves infirmiers au titre de l'année 2019-2020.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Si en principe, le fait qu'une décision administrative ait un champ d'application territorial fait obstacle à ce qu'une association ayant un ressort national justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour en demander l'annulation, il peut en aller autrement lorsque la décision soulève, en raison de ses implications, notamment dans le domaine des libertés publiques, des questions qui, par leur nature et leur objet, excèdent les seules circonstances locales.

3. La délibération du conseil d'administration de Sorbonne Université relative aux droits de scolarité des élèves des Instituts de formations des soins infirmiers rattachés à une université soulève une question qui, par sa nature et son objet, pose une question relative à l'exigence constitutionnelle de la gratuité de l'enseignement, notamment de l'enseignement supérieur public, et doit ainsi être regardée comme excédant les seules circonstances locales. Par suite, la FNESI qui, en vertu de l'article 3 de ses statuts, a pour but de " défendre et d'améliorer les droits matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des étudiant.e.s en soins infirmiers et d'exprimer leurs positions sur tous sujets les concernant " a un intérêt lui donnant qualité pour agir dans la présente instance.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 719-4 du code de l'éducation : " Les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (...)reçoivent des droits d'inscription versés par les étudiants et les auditeurs. (...) " et aux termes de l'article 48 de la loi susvisée du 24 mai 1951 : " Seront fixés par arrêtés du ministre intéressé et du ministre du budget : (...) Les taux et modalités de perception des droits d'inscription, de scolarité, d'examen, de concours et de diplôme dans les établissements de l'Etat ". Par ailleurs, aux termes de l'article 20 de l'arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d'Etat infirmier : " L'organisation des épreuves d'évaluation et de validation est à la charge des instituts ".

5. Il résulte de ces dispositions que les établissements publics d'enseignement supérieur doivent, pour déterminer les droits d'inscription, de scolarité, d'examen, de concours et de diplôme des formations en vue de l'obtention de diplômes nationaux organisées par ces établissements, s'en tenir au montant fixé par un arrêté pris par le ministre chargé de l'enseignement supérieur et du ministre du budget. Par ailleurs, si les établissements d'enseignement supérieur peuvent percevoir, en sus des droits d'inscription en vue de l'obtention d'un diplôme national, des rémunérations pour services rendus, cette faculté ne leur est offerte qu'à la condition que les prestations correspondantes soient facultatives et clairement identifiées.

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier, comme l'a jugé le Tribunal, que la formation conduisant au diplôme d'Etat d'infirmier ne relève pas des formations organisées par Sorbonne Université mais est organisée par les Instituts de formations des soins infirmiers qui lui sont rattachés. Ainsi, les Instituts de formations des soins infirmiers conventionnés avec les universités sont les seuls habilités à percevoir les droits d'inscription et de scolarité fixés par arrêté ministériel pris sur le fondement de l'article 48 de la loi du 24 mai 1951.

7. D'autre part, la contribution, instaurée par la délibération contestée, qui donne accès à différents services (bibliothèques, ressources en ligne, restaurants universitaires et certifications informatiques) ainsi qu'à la délivrance d'une carte européenne étudiante et d'un certificat de scolarité ne peut être regardée, eu égard à son caractère forfaitaire et obligatoire, comme une rémunération pour services rendus mais constitue un supplément de droits d'inscription qui, ne pouvait, en vertu de l'article 48 de la loi du 24 mai 1951, être fixé par l'université.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la FNESI est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Aux termes de l'article L.911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". S'il appartient à l'autorité administrative de tirer toutes les conséquences du jugement par lequel un acte réglementaire a été annulé, l'exécution de ce jugement n'implique pas que le juge, saisi sur le fondement des dispositions précitées, enjoigne à l'administration de revenir sur les mesures individuelles prises en application de cet acte. Il s'ensuit notamment que ce juge n'a pas à ordonner le remboursement d'une somme perçue sur le fondement d'un acte à caractère réglementaire annulé pour excès de pouvoir.

10. Le présent arrêt, qui prononce l'annulation de la délibération du 2 juillet 2019 relative aux droits annuels de scolarité en formation initiale au titre de l'année universitaire 2019- 2020 en tant qu'elle a instauré une " cotisation des élèves infirmiers ", n'implique pas que la Cour enjoigne au président de Sorbonne université de rembourser aux étudiants les sommes perçues à ce titre. Par suite, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Fédération nationale des étudiant.e.s en soins infirmiers (FNESI), le versement de la somme que Sorbonne université demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de Sorbonne université une somme de 1500 euros à verser à la Fédération nationale des étudiant.e.s en soins infirmiers sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 19 janvier 2021 et la décision du 2 juillet 2019 par laquelle le conseil d'administration de Sorbonne Université a instauré une tarification complémentaire aux droits d'inscription pour la formation initiale des élèves infirmiers au titre de l'année 2019-2020 sont annulés.

Article 2 : Sorbonne Université versera à la Fédération nationale des étudiant.e.s en soins infirmiers une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de Sorbonne Université présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la Fédération nationale des étudiant.e.s en soins infirmiers et à Sorbonne Université.

Délibéré après l'audience du 18 février 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Briançon, présidente assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2022.

La rapporteure,

C. BRIANÇON

La présidente,

M. HEERS

La greffière,

V. BREMELa République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA01114


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01114
Date de la décision : 11/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ASSOCIATIONS ET FONDATIONS - QUESTIONS COMMUNES - CONTENTIEUX - INTÉRÊT POUR AGIR - RECOURS D'UNE ASSOCIATION NATIONALE CONTRE UNE DÉCISION ADMINISTRATIVE LOCALE - PRINCIPE - ABSENCE D'INTÉRÊT POUR AGIR - EXCEPTION - QUESTIONS EXCÉDANT LES CIRCONSTANCES LOCALES [RJ1] - EXISTENCE EN L'ESPÈCE - S'AGISSANT D'UNE DÉLIBÉRATION DU CONSEIL D'ADMINISTRATION D'UNE UNIVERSITÉ PARISIENNE INSTAURANT UNE « COTISATION » OBLIGATOIRE EN COMPLÉMENT DES DROITS D'INSCRIPTION ET METTANT EN CAUSE LA GRATUITÉ DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR.

10-01-05-02 Si, en principe, le fait qu'une décision administrative ait un champ d'application territorial fait obstacle à ce qu'une association ayant un ressort national justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour en demander l'annulation, il peut en aller autrement lorsque la décision soulève, en raison de ses implications, notamment dans le domaine des libertés publiques, des questions qui, par leur nature et leur objet, excèdent les seules circonstances locales. ...La délibération du conseil d'administration d'une université parisienne instaurant une tarification complémentaire aux droits d'inscription pour la formation initiale des élèves des Instituts de formations des soins infirmiers rattachés à l'université soulève une question qui, par sa nature et son objet, pose une question relative à l'exigence constitutionnelle de la gratuité de l'enseignement, notamment de l'enseignement supérieur public, et doit ainsi être regardée comme excédant les seules circonstances locales. Par suite, une fédération nationale d'étudiants en soins infirmiers qui, en vertu de ses statuts, a pour but de « défendre et d'améliorer les droits matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des étudiant.e.s en soins infirmiers et d'exprimer leurs positions sur tous sujets les concernant » a un intérêt lui donnant qualité pour en demander l'annulation.

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - INTÉRÊT POUR AGIR - EXISTENCE D'UN INTÉRÊT - SYNDICATS - GROUPEMENTS ET ASSOCIATIONS - RECOURS D'UNE ASSOCIATION NATIONALE CONTRE UNE DÉCISION ADMINISTRATIVE LOCALE - PRINCIPE - ABSENCE D'INTÉRÊT POUR AGIR - EXCEPTION - QUESTIONS EXCÉDANT LES CIRCONSTANCES LOCALES [RJ1] - EXISTENCE EN L'ESPÈCE - S'AGISSANT D'UNE DÉLIBÉRATION DU CONSEIL D'ADMINISTRATION D'UNE UNIVERSITÉ PARISIENNE INSTAURANT UNE « COTISATION » OBLIGATOIRE EN COMPLÉMENT DES DROITS D'INSCRIPTION ET METTANT EN CAUSE LA GRATUITÉ DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR.

54-01-04-02-02 La délibération du conseil d'administration d'une université parisienne instaurant une tarification complémentaire aux droits d'inscription pour la formation initiale des élèves des Instituts de formations des soins infirmiers rattachés à l'université soulève une question qui, par sa nature et son objet, pose une question relative à l'exigence constitutionnelle de la gratuité de l'enseignement, notamment de l'enseignement supérieur public, et doit ainsi être regardée comme excédant les seules circonstances locales. Par suite, une fédération nationale d'étudiants en soins infirmiers qui, en vertu de ses statuts, a pour but de « défendre et d'améliorer les droits matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des étudiant.e.s en soins infirmiers et d'exprimer leurs positions sur tous sujets les concernant » a un intérêt lui donnant qualité pour en demander l'annulation.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 4 novembre 2015, Association Ligue des droits de l'homme, n° 375178, p. 375 ;

CE, 7 février 2017, Association Aides et autres, n°392758.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Claudine BRIANÇON
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : VERDIER

Origine de la décision
Date de l'import : 31/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-11;21pa01114 ?
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