Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Riso France a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner Sorbonne Université à lui payer :
- la somme de 9 305,51 euros au titre des factures impayées ainsi que les pénalités de retard calculées sur la base de 1,5 fois le taux d'intérêt légal à compter de la date d'exigibilité des factures outre une indemnité forfaitaire de recouvrement à hauteur de 80 euros ;
- la somme de 24 048,75 euros au titre de dommages et intérêts pour la résiliation anticipée des contrats de maintenance ;
- la somme de 68 351,28 euros correspondant aux loyers de sous-location des machines restant à payer jusqu'aux termes des contrats.
Par un jugement n° 192267/3-3 du 11 février 2020, le Tribunal administratif de Paris a condamné Sorbonne Université à verser à la société Riso France une somme de
6 263,07 euros TTC au titre des factures impayées émises respectivement les 4 septembre 2017
et 3 octobre 2017 et rejeté le surplus des conclusions.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 14 mai 2020 et les mémoires enregistrés les 3 et 14 février 2022, la société Riso France, représentée par Me Bertrand, demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du 11 février 2020 sauf en ce qui concerne la validité des contrats et la condamnation au paiement des factures ;
2°) à titre principal, de condamner Sorbonne Université à lui verser la somme de 52 470 euros au titre de l'indemnité de résiliation anticipée du contrat de maintenance et la somme de 68 531,28 euros au titre des loyers restant à payer jusqu'aux termes des contrats de location prévus les 15 octobre 2019 et 17 décembre 2020 ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner Sorbonne Université à lui verser la somme de 36 196,73 euros en retenant au titre de la marge nette perdue un taux de 70,34%, et à titre infiniment subsidiaire, en retenant un taux de 47,8% la somme de 24 448,13 euros en raison de la résiliation anticipée du contrat de maintenance et la somme de 68 531,28 euros au titre des loyers restant à payer jusqu'aux termes des contrats de location prévus les 15 octobre 2019 et 17 décembre 2020 ;
4°) à titre infiniment subsidiaire, de désigner un expert ;
5°) de mettre à la charge de Sorbonne Université une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la validité des contrats ainsi que le paiement des factures impayées s'élevant à la somme de 6263,07 euros doivent être confirmée ;
- l'université ne pouvait résilier le contrat prématurément sans en supporter les conséquences et le paiement de l'indemnité de résiliation correspondant à la somme de tous les loyers relatifs à la maintenance jusqu'à la fin des contrats ou à titre subsidiaire la marge nette perdue.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 18 août 2020 et le 14 février 2022, Sorbonne Université, représentée par Me Michelin, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la société Riso France une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'université soutient que seule reste en débat la question des préjudices allégués dont le montant est supérieur à la réclamation préalable et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics,
- le décret n°2017-596 du 21 avril 2017,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Briançon, rapporteure,
- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,
- et les observations de Me Boissinot, représentant Sorbonne Université.
Considérant ce qui suit :
1. Le 23 septembre 2013, l'université Pierre et Marie Curie devenue Sorbonne Université, a conclu avec la société Riso France, sous le n°38317, un premier contrat de location-maintenance d'une imprimante pour une durée de vingt-quatre trimestres, puis le 26 novembre 2014, sous le n°43010, un second contrat de location-maintenance d'une imprimante pour une durée de vingt-quatre trimestres, la maintenance afférente à cette imprimante étant rattachée au contrat n° 38317. Par une décision en date du 26 octobre 2017, l'Université Pierre et Marie Curie a informé la société de sa décision de résilier ces deux contrats à compter du 15 novembre 2017. Faute d'accord sur le montant d'une indemnité de résiliation, la société Riso France a, par un courrier en date du 14 novembre 2018, adressé à l'université Pierre et Marie Curie une demande indemnitaire qui a été rejetée par lettre du 8 janvier 2019. La société Riso France relève appel du jugement du 11 février 2020 en tant que le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande indemnitaire au titre de la résiliation anticipée de ces deux contrats.
Sur l'application de l'article 16 du contrat de maintenance :
2. Aux termes de l'article 16 du contrat, relatif aux conséquences de la résiliation : " La résiliation du présent contrat, quelle qu'en soit la cause et quelle que soit la partie qui en est l'origine, ne fait pas obstacle au paiement par le CLIENT du prix de la totalité des copies faisant l'objet de l'engagement Volume-copie annuel au titre de toutes les années de la durée prévue au contrat telle que mentionnée à l'encart 'MODALITES DU CONTRAT' augmentée d'une indemnité de 10%. (...) ".
3. En vertu de l'interdiction faite aux personnes publiques de consentir des libéralités, un contrat administratif ne peut légalement prévoir une indemnité de résiliation ou de non-renouvellement qui serait, au détriment de la personne publique, manifestement disproportionnée au montant du préjudice subi par le cocontractant du fait de cette résiliation. L'article 16 précité prévoit une indemnité de résiliation contractuelle augmentée de 10% sans lien avec un quelconque préjudice. Cette indemnité ne tient pas compte des charges dont la résiliation du contrat dispense la société Riso France, notamment en termes d'entretien. En outre, la somme demandée est supérieure au chiffre d'affaires maximal auquel elle aurait pu prétendre si elle avait exécuté les deux contrats jusqu'à leur terme. Ainsi, l'indemnité prévue par l'article 16 des conditions générales des deux contrats en cause est manifestement disproportionnée par rapport au montant du préjudice résultant, pour la société Riso France, des dépenses qu'elle a exposées et du gain dont elle a été privée.
4. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'écarter l'application de l'article 16 des conditions générales applicables au contrat de maintenance.
Sur l'application des règles générales en matière de contrats administratifs :
5. Au soutien de ses conclusions indemnitaires, la société Riso France se prévaut également des règles générales applicables aux contrats administratifs.
6. En vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, la personne publique cocontractante peut toujours, pour un motif d'intérêt général, résilier unilatéralement un tel contrat, sous réserve des droits à indemnité de son cocontractant. Si l'étendue et les modalités de cette indemnisation peuvent être déterminées par les stipulations contractuelles, l'interdiction faite aux personnes publiques de consentir des libéralités fait toutefois obstacle à ce que ces stipulations prévoient une indemnité de résiliation qui serait, au détriment de la personne publique, manifestement disproportionnée au montant du préjudice subi par le cocontractant du fait de cette résiliation. Si, dans le cadre d'un litige indemnitaire, l'une des parties ou le juge soulève, avant la clôture de l'instruction, un moyen tiré de l'illicéité de la clause du contrat relative aux modalités d'indemnisation du cocontractant en cas de résiliation anticipée, il appartient à ce dernier de demander au juge la condamnation de la personne publique à l'indemniser du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de la résiliation du contrat sur le fondement des règles générales applicables, dans le silence du contrat, à l'indemnisation du cocontractant en cas de résiliation du contrat pour un motif d'intérêt général.
En ce qui concerne l'indemnisation au titre des loyers de maintenance :
7. Au soutien de ses conclusions indemnitaires relatives aux prestations de maintenance, la société Riso France, qui n'est pas limitée dans son montant par sa demande indemnitaire préalable, demande le paiement d'une somme de 52 470 euros au titre des loyers de maintenance non perçus, et à titre subsidiaire, la somme de 36 196,73 euros en retenant au titre de la marge brute perdue un taux de 70,34%, et à titre infiniment subsidiaire, la somme de 24 448,13 euros en retenant un taux de 47,8%. Le contrat n°38317 a été signé le 23 septembre 2013, avec un terme fixé au 23 septembre 2019 et a été résilié avec effet au 15 novembre 2017, soit 22 mois et 9 jours avant son terme. Le contrat n°43010, dont la maintenance est rattachée au contrat précédent, signé le 26 novembre 2014 avec un terme initialement fixé au 26 novembre 2020 a été résilié avec effet au 15 novembre 2017, soit 36 mois avant son terme. La requérante soutient que les prix ont été calculés en fonction de la durée des contrats, toutefois, comme il a été dit au
point 3, elle ne peut prétendre au paiement de l'indemnité prévue par l'article 16 des conditions générales des deux contrats en cause. Si elle sollicite à titre subsidiaire, soit une indemnisation de 36 196,73 euros prenant en compte une " marge commerciale brute " de 70,34% dont elle déduit des coûts de main d'œuvre soit une indemnisation de 24 448,13 euros pour une marge nette de 47,8%, en s'appuyant sur une attestation du commissaire aux comptes sur l'ensemble des activités de Riso France en date du 8 juillet 2020, les seuls documents qu'elle produit ne permettent pas d'établir la réalité du préjudice subi allégué.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, qu'aucune somme ne peut être allouée à la société Riso au titre de l'indemnité des loyers de maintenance.
En ce qui concerne l'indemnisation au titre des loyers des machines :
9. Au soutien de ses conclusions indemnitaires relatives aux loyers des machines, la société Riso France demande le paiement d'une somme de 68 531,28 euros. D'une part, il résulte de l'instruction que la société Riso a été mise en mesure de récupérer les machines en cause dans un délai maximal de 5 jours ouvrés à compter de la date de résiliation fixée au 15 novembre 2017, soit à compter du 20 novembre 2017, selon les termes de la décision de résiliation en litige, confirmés par des échanges de courriels. Pour soutenir que les deux machines en litige ne lui ont pas été restituées, la société soutient que l'Université devait respecter des modalités de restitution qu'elle a elle-même fixées sans que ces modalités ressortent des pièces contractuelles produites au dossier. Dans ces conditions, la société doit être regardée comme ayant été mise en mesure de récupérer les machines en litige. D'autre part, si la société Riso fait valoir que l'obsolescence rapide de ce type de machines, mises en service respectivement en 2013 et 2014, et dont les feuilles de relevés compteurs attestent que les trois machines ont respectivement atteint 3,5millions, 4,5 millions et 1,3 millions de copies, a pour conséquence leur absence totale de valeur vénale sur le marché du matériel d'occasion, ce seul élément ne suffit pas à justifier de l'absence de toute possibilité d'une nouvelle location. Par suite, le préjudice ne présente qu'un caractère éventuel, la société ayant par ailleurs contribué au préjudice qu'elle allègue. Dès lors, les conclusions à fin d'indemnisation des loyers des machines doivent être rejetées.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Riso n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'indemnisation au titre des loyers de maintenance et des loyers des machines. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Riso France la somme demandée par Sorbonne université au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E:
Article 1er : La requête de Riso France est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de Sorbonne Université tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Riso France et à Sorbonne Université.
Délibéré après l'audience du 18 février 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente de chambre,
- Mme Briançon, présidente assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2021.
La rapporteure,
C. BRIANÇON
La présidente,
M. HEERS
La greffière,
V.BREME
La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA01320