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07/03/2022 | FRANCE | N°21PA06214

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 07 mars 2022, 21PA06214


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat SPASAF CFDT Groupe Air France a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 2 juin 2021 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de la région d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral relatif au plan de sauvegarde de l'emploi de la société ACNA SA.

Par un jugement n° 2106904 du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Melun a, d'une part, annulé la décision du directeur r

gional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat SPASAF CFDT Groupe Air France a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 2 juin 2021 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de la région d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral relatif au plan de sauvegarde de l'emploi de la société ACNA SA.

Par un jugement n° 2106904 du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Melun a, d'une part, annulé la décision du directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de la région d'Ile-de-France du 2 juin 2021 et, d'autre part, a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2021, la société ACNA SA, représentée par

Me Sadaoui, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2106904 du 14 octobre 2021 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande présentée par le syndicat SPASAF CFDT Groupe Air France devant le tribunal administratif de Melun ;

3°) de mettre à la charge du syndicat SPASAF CFDT Groupe Air France le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le jugement attaqué a écarté la fin de non-recevoir tirée de l'absence de qualité à agir du syndicat SPASAF CFDT Groupe Air France ; en effet, il n'a pas été établi que le bureau syndical aurait régulièrement autorisé préalablement l'engagement de la requête, ni qu'il l'aurait ratifiée postérieurement, ni même qu'il en aurait été informé ;

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, le périmètre d'appréciation de la proportionnalité des moyens du plan de sauvegarde de l'emploi par rapport au groupe doit être restreint au territoire national ; c'est ainsi à bon droit que le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de la région d'Ile-de-France a apprécié cette proportionnalité par rapport au groupe SERVAIR, les autres sociétés du groupe Gategroup étant situées à l'étranger ;

- le vice de procédure, à le supposer établi, consistant en n'avoir pas pris en considération le moyen du groupe Gategroup n'aurait, s'il n'avait pas été commis, pas modifié le sens de la décision litigieuse dans la mesure où la crise économique connue par le secteur aéronautique, tant en France qu'à l'étranger, est la crise la plus grave qu'il ait connue et que fin 2020, le chiffre d'affaires consolidé du groupe Gategroup (périmètre mondial) s'élevait à 1 552,5 millions de francs suisses, soit une baisse de 68,7% par rapport à 2019, soit une baisse plus importante que celle du chiffre d'affaires restreint au périmètre national qui a été de 64% ; ainsi, l'appréciation des moyens du plan de sauvegarde de l'emploi par rapport aux moyens du groupe Gategroup au niveau mondial n'aurait pas influencé le sens de la décision contestée ;

- à titre subsidiaire, les moyens développés en première instance par le syndicat SPASAF CFDT Groupe Air France, tirés de ce que l'administration aurait manqué à son obligation de contrôle du plan de reclassement et de l'adéquation entre les mesures du plan de sauvegarde de l'emploi et les moyens du groupe et de ce que les catégories professionnelles définies par le document unilatéral seraient irrégulières doivent être écartés.

Par un mémoire, enregistré le 4 janvier 2021, le syndicat SPASAF CFDT Groupe Air France, représenté par Me Cotza, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement la somme de 4 000 euros soit mis à la charge de la société ACNA SA sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société ACNA SA ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, qui n'a pas présenté de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,

- et les observations de Me Pouillaude, avocat de la société ACNA SA, et de Me Cotza, avocat du syndicat SPASAF CFDT Groupe Air France, en présence de Mme C..., représentant la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Considérant ce qui suit :

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

1. Une personne morale est régulièrement engagée par l'organe tenant de ses statuts le pouvoir de la représenter en justice, sauf stipulation de ces statuts réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif. Il appartient à la juridiction administrative saisie, qui en a toujours la faculté, de s'assurer, le cas échéant, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour agir au nom de cette partie. Tel est le cas lorsque cette qualité est contestée sérieusement par l'autre partie ou qu'au premier examen l'absence de qualité du représentant de la personne morale semble ressortir des pièces du dossier. A ce titre, si le juge doit s'assurer de la réalité de l'habilitation du représentant de la personne morale qui l'a saisi, lorsque celle-ci est requise par les statuts, il ne lui appartient pas, en revanche, de vérifier la régularité des conditions dans lesquelles une telle habilitation a été adoptée.

2. Aux termes de l'article 6.4.9 des statuts du syndicat SPASAF CFDT Groupe Air France, le bureau syndical " autorise ou ratifie l'engagement de toute action juridique en application de l'article 10.4- Personnalité des présents Statuts. / Entre deux réunions du bureau syndical, le secrétaire général a mandat pour ester en justice. Si tel était le cas une information devrait être faite lors du Bureau syndical suivant ".

3. D'une part, le syndicat SPASAF CFDT Groupe Air France a produit en première instance un pouvoir daté du 19 juillet 2021 signé par son secrétaire général, M. D... B..., aux termes duquel : " La CFDT Groupe Air France SPASAF décide de contester la décision de la DRIEETS portant homologation du PSE de la société ACNA en date du 2 juin 2021. / A cette fin, il confie au cabinet LPS Avocats le soin d'effectuer les diligences requises devant le tribunal administratif compétent. / Ceci fait pour faire valoir ce que de droit. ". D'autre part, le syndicat SPASAF CFDT Groupe Air France a produit l'ordre du jour de la réunion du 7 septembre 2021 de son bureau syndical mentionnant un " point juridique ", la convocation des membres à cette réunion et le relevé de décisions du bureau syndical du 7 septembre 2021, aux termes duquel : " Délibération sur l'action en justice PSE/ACNA. Nous demandons aux Membres du BS de confirmer l'engagement de la procédure devant le Tribunal administratif afin de contester la décision prise par la DIRECCTE/ DRIEETS le 2 juin 2021 portant homologation du document unilatéral fixant le contenu du PSE de la société ACNA. Adopté à l'unanimité ".

4. Il résulte de ce qui précède que le secrétaire général du syndicat SPASAF CFDT Groupe Air France, aux termes des stipulations précitées du deuxième paragraphe de l'article 6.4.9 des statuts du syndicat, avait mandat pour ester en justice entre deux réunions du bureau syndical, comme il l'a fait par l'acte daté du 19 juillet 2021, et que, conformément à ces stipulations, une information sur cette action a été faite lors du bureau syndical du 7 septembre 2021. D'une part, la société requérante ne saurait utilement soutenir qu'aucune ratification de l'engagement d'une procédure devant la juridiction administrative n'a été effectuée dès lors que les stipulations précitées du deuxième paragraphe de l'article 6.4.9 des statuts du syndicat n'exigent seulement, dans l'hypothèse où le secrétaire général, qui a mandat pour ester en justice, exerce une action en justice entre deux réunions du bureau syndical, qu'une information soit faite lors du bureau syndical suivant, ce qui en l'espèce a été fait lors de la séance du 7 septembre 2021, sans qu'il soit besoin, de plus, de mentionner la juridiction administrative compétente. D'autre part, la société requérante ne peut utilement soutenir ni que le relevé de décisions du 7 septembre 2021 du bureau syndical n'a pas été signé par les participants à cette réunion, ne permettant pas ainsi d'établir la réalité de la présence des membres du bureau syndical et la réalité du vote lors de cette séance, ni que l'ordre du jour de la séance du 7 septembre 2021 serait imprécis et ne préciserait pas la ratification d'un mandat pour agir en justice, ni que cet ordre du jour n'est pas signé et daté, ce qui ne permet pas de vérifier qu'ont bien été respectées les stipulations de l'article 5.2.4 du règlement intérieur qui prévoient que l'ordre du jour doit être adressé aux membres du bureau syndical au moins huit jours avant la date de la réunion, ces branches de la fin de non-recevoir étant inopérantes au regard de la qualité à agir du syndicat. Par suite, les premiers juges ont à bon droit écarté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir du syndicat SPASAF CFDT Groupe Air France.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. Aux termes de l'article L. 1233-57-3 du code du travail : " En l'absence d'accord collectif ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié (...) le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe (...) ".

6. Lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il appartient ainsi à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier la conformité de ce document et du plan de sauvegarde de l'emploi dont il fixe le contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables, en s'assurant notamment du respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des dispositions des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du même code. A ce titre elle doit, au regard de l'importance du projet de licenciement, apprécier si les mesures contenues dans le plan sont précises et concrètes et si, à raison, pour chacune, de sa contribution aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés, elles sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire à ces objectifs compte tenu, d'une part, des efforts de formation et d'adaptation déjà réalisés par l'employeur et, d'autre part, des moyens dont disposent l'entreprise et, le cas échéant, l'unité économique et sociale et le groupe.

7. D'une part, pour l'application de ces dispositions, les moyens du groupe s'entendent des moyens, notamment financiers, dont dispose l'ensemble des entreprises placées, ainsi qu'il est dit au I de l'article L. 2331-1 du code du travail, sous le contrôle d'une même entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce, ainsi que de ceux dont dispose cette entreprise dominante, quel que soit le lieu d'implantation du siège de ces entreprises.

8. Par la décision litigieuse du 2 juin 2021, le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de la région d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral relatif au plan de sauvegarde de l'emploi de la société ACNA SA au motif notamment " que le plan de sauvegarde de l'emploi est proportionné aux moyens dont disposent l'entreprise ACNA SA et le groupe SERVAIR, compte tenu notamment des moyens dévolus au plan de sauvegarde de l'emploi ; ", alors qu'il ressort des pièces du dossier que si la société ACNA SA appartient au groupe SERVAIR, dont le siège social se situe en France, ce dernier est lui-même détenu majoritairement, depuis le 1er janvier 2019, par le groupe Gategroup, dont les sièges sociaux sont situés en Suisse et aux Etats-Unis. Par suite, dès lors qu'il ne ressort ni du motif précité de la décision contestée, qui se borne à mentionner les moyens du groupe Servair, ni d'aucune autre pièce du dossier que le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de la région d'Ile-de-France, qui n'a disposé et sollicité d'informations que sur le groupe Servair, aurait, pour estimer suffisantes les mesures du plan de sauvegarde de l'emploi, tenu compte des moyens dont disposait le groupe Gategroup, alors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'appréciation des moyens du groupe ne se limite pas au territoire national, la décision litigieuse est entachée d'une erreur de droit, comme l'ont à bon droit estimé les premiers juges, ce moyen ainsi tiré de l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi, qui devait être examiné en priorité, étant à lui seul de nature à fonder l'annulation de la décision contestée du 2 juin 2021.

9. D'autre part, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.

10. L'erreur de droit commise par le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de la région d'Ile-de-France qui, pour estimer suffisantes les mesures du plan de sauvegarde de l'emploi dont s'agit, n'a pas tenu compte des moyens dont disposait le groupe Gategroup n'étant pas un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, la société ACNA SA ne peut utilement soutenir qu'elle n'aurait pas, en l'espèce, exercé une influence sur le sens de la décision prise.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société ACNA SA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision du directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de la région d'Ile de France du 2 juin 2021.

Sur les frais liés à l'instance :

12. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais liés à l'instance. Dès lors, les conclusions présentées à ce titre par la société ACNA SA doivent être rejetées.

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société ACNA SA le paiement au syndicat SPASAF CFDT Groupe Air France de la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société ACNA SA est rejetée.

Article 2 : La société ACNA SA versera au syndicat SPASAF CFDT Groupe Air France une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société ACNA SA, au syndicat SPASAF CFDT Groupe Air France et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Copie en sera délivrée à la direction régionale et interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère.

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mars 2022.

Le président-rapporteur,

I. A...L'assesseure la plus ancienne,

M.D. JAYER

Le greffier,

E. MOULINLa République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA06214


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06214
Date de la décision : 07/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. - Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SCP LEGENDRE-PICARD-SAADAT

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-07;21pa06214 ?
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