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02/03/2022 | FRANCE | N°21PA00339

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 02 mars 2022, 21PA00339


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, la société d'économie mixte de Montévrain a demandé au Tribunal administratif de Melun, d'une part, d'annuler la décision en date du 22 juin 2017 par laquelle l'administrateur général chargé de la direction de contrôle fiscal d'Île-de-France Est a rejeté sa réclamation préalable, d'autre part, de prononcer le rétablissement du déficit reportable qu'elle avait déclaré à hauteur de 400 000 euros au titre de l'exercice clos en 2009 et de 120 000 euros au titre de l'exe

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Par un jugement nos 1706433, 1707767 du 19 novembre 2020, le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, la société d'économie mixte de Montévrain a demandé au Tribunal administratif de Melun, d'une part, d'annuler la décision en date du 22 juin 2017 par laquelle l'administrateur général chargé de la direction de contrôle fiscal d'Île-de-France Est a rejeté sa réclamation préalable, d'autre part, de prononcer le rétablissement du déficit reportable qu'elle avait déclaré à hauteur de 400 000 euros au titre de l'exercice clos en 2009 et de 120 000 euros au titre de l'exercice clos en 2010.

Par un jugement nos 1706433, 1707767 du 19 novembre 2020, le Tribunal administratif de Melun a rejeté ces demandes, après les avoir jointes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 janvier 2021 et le 19 juillet 2021, la société d'économie mixte de Montévrain, représentée par Me Obadia, demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement nos 1706433, 1707767 du 19 novembre 2020 du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il a rejeté sa demande tendant au rétablissement du déficit reportable qu'elle avait déclaré à hauteur de 400 000 euros au titre de l'exercice clos en 2009 et de 120 000 euros au titre de l'exercice clos en 2010 ;

2°) de prononcer le rétablissement du déficit reportable qu'elle avait déclaré à hauteur de 400 000 euros au titre de l'exercice clos en 2009 et de 120 000 euros au titre de l'exercice clos en 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le Tribunal a irrégulièrement relevé d'office, sans respect du principe du contradictoire, le moyen tiré de ce que la requérante ne rapportait pas la preuve que les sommes en litige correspondent à des écritures de transfert de charges et non à des éléments du bénéfice imposable ;

- sa réclamation était recevable en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ;

- comme l'a jugé le Conseil d'Etat pour les exercices clos en 2006 et 2007, les sommes en litige, inscrites dans ses comptes de transfert de charges d'exploitation, ont pour seul objet d'inclure des frais de fonctionnement répercutés dans sa comptabilité analytique, sans constituer un produit définitivement acquis, et bénéficient de l'exonération prévue au 6° bis de l'article 207-1 du code général des impôts.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 avril 2021 et le 10 août 2021, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est dépourvue d'objet, le montant des déficits restant à reporter qui figurent au bilan de l'exercice clos au 31 décembre 2019 intègre les déficits nés des exercices clos en 2009 et 2010, reportés depuis ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le règlement n° 99-05 du comité de la réglementation comptable relatif au traitement comptable des concessions d'aménagement dans les sociétés d'économie mixte locales, homologué par un arrêté du ministre de l'économie et des finances du 14 décembre 1999 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,

- et les observations de Me Obadia, avocat de la société d'économie mixte de Montévrain.

Considérant ce qui suit :

1. Par trois conventions conclues en application de l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme les 7 janvier et 27 juillet 1995, la société d'économie mixte (SEM) de Montévrain a été chargée, aux risques et profits de la commune de Montévrain (Seine-et-Marne), concédante, de cessions ou locations portant sur des terrains que la SEM aura préalablement pourvus des aménagements, équipements généraux ou ouvrages nécessaires à leur utilisation, dans le cadre de trois zones d'aménagement concerté. A l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2009 et 2010, l'administration a, notamment, remis en cause l'exonération d'impôt sur les sociétés dont la société s'était prévalue sur le fondement des dispositions du 6° bis du 1 de l'article 207 du code général des impôts et de l'article 46 bis de l'annexe III à ce code, en tant que cette exonération portait sur la fraction de son bénéfice résultant de sommes, qualifiées de " rémunérations forfaitaires ", stipulées à son profit en application de l'article 21, premier alinéa, du cahier des charges de chacune de ces conventions. Elle a, par voie de conséquence, corrigé le déficit reportable que la SEM avait déclaré au titre de ces exercices. Par deux décisions en date respectivement du 22 juin 2017 et du 25 juillet 2017, l'administrateur chargé de la direction de contrôle fiscal d'Île-de-France Est et le directeur des finances publiques de Seine-et-Marne ont rejeté la réclamation présentée par la société le 28 décembre 2016 et tendant, entre autres, au rétablissement de ces déficits, à hauteur de 400 000 euros au titre de l'exercice clos en 2009 et de 120 000 euros au titre de l'exercice clos en 2010. Par un jugement du 19 novembre 2020 le Tribunal administratif de Melun, après les avoir jointes, a, d'une part, rejeté comme irrecevable sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'administrateur chargé de la direction de contrôle fiscal d'Île-de-France Est du 22 juin 2017, et d'autre part rejeté sa demande de rétablissement de ses déficits. La SEM fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande de rétablissement de ses déficits.

Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée par le ministre en défense :

2. Aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. /Relèvent de la même juridiction les réclamations qui tendent à obtenir la réparation d'erreurs commises par l'administration dans la détermination d'un résultat déficitaire ou d'un excédent de taxe sur la valeur ajoutée déductible sur la taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre d'une période donnée, même lorsque ces erreurs n'entraînent pas la mise en recouvrement d'une imposition supplémentaire. (...) ".

3. Dès lors qu'il n'est pas contesté qu'à la date du présent arrêt, la SEM n'a pas présenté d'exercice bénéficiaire susceptible de permettre, en application des dispositions de l'article 209 du code général des impôts, l'imputation des sommes en litige, le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à soutenir que le présent litige aurait perdu son objet.

Sur le bien fondé du jugement :

4. D'une part, aux termes du 6° bis du 1 de l'article 207 du code général des impôts, sont exonérés de l'impôt sur les sociétés : " Dans les conditions fixées par décret, les établissements publics et sociétés d'économie mixte chargés de l'aménagement par une convention contractée, en application du deuxième alinéa de l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme (...), pour les résultats provenant des opérations réalisées dans le cadre des procédures suivantes : / a.- zone d'aménagement concerté ; (...) ". Selon l'article 46 bis de l'annexe III à ce code : " Les établissements publics et sociétés d'économie mixte chargés de l'aménagement par une convention contractée en application du deuxième alinéa de l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme, sont exonérés de l'impôt sur les sociétés, sous les conditions énoncées à l'article 46 ter, pour la fraction de leurs bénéfices nets provenant soit de l'exécution des travaux d'aménagement, d'équipement général ou des ouvrages qu'ils effectuent sur des terrains dont ils ne sont pas propriétaires, soit des cessions ou locations portant sur des terrains ou immeubles qu'ils ont préalablement pourvus des aménagements, équipements généraux ou ouvrages nécessaires à leur utilisation ". L'article 46 ter de cette même annexe dispose : " L'exonération prévue à l'article 46 bis est subordonnée à la condition : / (...) 2° En ce qui concerne les sociétés d'économie mixte, qu'elles fonctionnent conformément aux dispositions de l'article R 321-21 du code de l'urbanisme et que les bénéfices dont l'exonération est demandée proviennent d'opérations effectuées par elles dans le cadre d'une convention publique d'aménagement prévue à l'article L. 300-4 du même code ".

5. D'autre part, aux termes de la première phrase du premier alinéa du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés ". Aux termes de l'article R. 321-21 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Les établissements publics et les sociétés d'économie mixte doivent tenir leur comptabilité conformément à un plan comptable particulier établi sur les bases du plan comptable général et approuvé par le ministre de l'économie et des finances ". Il résulte de l'annexe du règlement du 23 juin 1999 du Comité de la réglementation comptable relatif au traitement comptable des concessions d'aménagement dans les sociétés d'économie mixte locales, homologué par un arrêté du ministre des finances du 14 décembre 1999, que les sommes que le concessionnaire est habilité à imputer sur chaque opération en vue de couvrir ses frais de fonctionnement, dont le cahier des charges précise les modalités d'assiette et de taux et qui sont qualifiées de " rémunérations ", ont la nature d'un remboursement forfaitaire de frais à inscrire à un compte de transfert de charges. Il en résulte également qu'au cours de l'exécution d'une convention d'aménagement, le résultat intermédiaire provisoire de l'opération est neutralisé par le mouvement d'un compte de régularisation et qu'à l'issue de la concession, pour ce qui concerne les opérations d'aménagement concédées aux risques et profits du concédant, le solde de ce compte de régularisation est, s'il traduit un excédent des produits sur les charges, reversé à la collectivité territoriale concédante, le déficit étant, dans le cas contraire, comblé par une participation de cette collectivité.

6. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que les sommes ainsi inscrites dans des comptes de transferts de charges d'exploitation d'une société d'économie mixte, attributaire d'une concession d'aménagement, même si elles sont qualifiées de " rémunérations " par les conventions, ont pour seul objet de permettre l'affectation à l'opération d'une fraction, évaluée le cas échéant de manière forfaitaire, des frais de fonctionnement de la société et ne constituent pas, pour celle-ci, un produit définitivement acquis. Elles ne sauraient, par suite, être regardées comme constitutives d'un élément de bénéfice étranger aux opérations dont le résultat est exonéré d'impôt sur les sociétés en vertu du 6° bis du 1 de l'article 207 du code général des impôts et des articles 46 bis et 46 ter de l'annexe III à ce code.

7. Aux termes des stipulations du premier alinéa de l'article 21 de chacun des cahiers des charges des concessions d'aménagement attribuées à la SEM de Montévrain, rédigées de manière identique : " En contrepartie de ses frais généraux et de ses frais de fonctionnement, le concessionnaire perçoit, pour la mission qui lui est confiée à l'article 2, une rémunération maximale de 8 % de la somme des dépenses et recettes toutes taxes comprises de l'opération ". Aux termes de l'article 22 de ces mêmes cahiers des charges : " Après achèvement des opérations concédées, le bilan de clôture est arrêté et approuvé dans les conditions définies par la réglementation en vigueur. Le maire arrête, en accord avec le concessionnaire, le montant définitif de la participation financière de ce dernier aux travaux d'aménagement réalisés. / Lorsque le bilan de clôture des opérations fait apparaître un excédent, celui-ci est versé au concédant, sauf affectation différente convenue entre les parties ".

8. Ainsi que l'a définitivement jugé le Conseil d'Etat dans la décision n° 405649 du 14 février 2018, relative à la remise en cause par l'administration fiscale, pour les mêmes motifs, de la même exonération d'impôt sur les sociétés dont la SEM de Montévrain s'était prévalue au titre des exercices clos en 2006 et 2007, il résulte de l'instruction et n'est au demeurant pas contesté que les conventions d'aménagement dont la SEM de Montévrain est attributaire entrent dans les prévisions des articles 46 bis et 46 ter précitées de l'annexe III au code général des impôts.

9. Il résulte également de l'instruction que la " rémunération forfaitaire " stipulée par le premier alinéa de l'article 21 des cahiers des charges de ces conventions a pour seul objet de permettre, par l'affectation d'une fraction des frais de fonctionnement de la SEM à chacune des trois opérations en cause, d'en déterminer le résultat en application de l'article 22 de ces mêmes cahiers des charges. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que les sommes de 400 000 et 120 000 euros en litige, dont il est constant qu'elles lui ont été versées en application de ces stipulations, correspondent à des écritures de transfert de charges telles que celles mentionnées au point 4 ci-dessus, et qu'elles ne pouvaient être regardées comme un élément de bénéfice exclu du champ de l'exonération prévue au 6° bis du 1 de l'article 207 du code général des impôts. Elle est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que la SEM de Montévrain est fondée à demander la réformation de ce jugement en ce qu'il a statué sur sa demande de rétablissement de son déficit reportable pour les exercices clos en 2009 et 2010, et à demander ce rétablissement à hauteur de 400 000 euros au titre de l'exercice clos en 2009 et de 120 000 euros au titre de l'exercice clos en 2010.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le déficit reportable de la SEM de Montévrain est rétabli à hauteur de 400 000 euros au titre de l'exercice clos en 2009 et de 120 000 euros au titre de l'exercice clos en 2010.

Article 2 : L'Etat versera à la SEM de Montévrain une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le jugement nos 1706433, 1707767 du 19 novembre 2020 du Tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'économie mixte de Montévrain et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique).

Délibéré après l'audience du 8 février 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- Mme Jurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2022.

La rapporteure,

P. HAMONLe président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGISLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA00339


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00339
Date de la décision : 02/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Personnes et activités imposables.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : SELARL OBADIA et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-02;21pa00339 ?
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