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23/02/2022 | FRANCE | N°21PA05239

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 23 février 2022, 21PA05239


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du

25 mai 2021 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a décidé son transfert aux autorités slovènes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2106877 du 16 août 2021, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 septembre 2021 et le 19 janvier 2022,

M. B..., représenté par Me An

drivet, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au pré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du

25 mai 2021 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a décidé son transfert aux autorités slovènes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2106877 du 16 août 2021, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 septembre 2021 et le 19 janvier 2022,

M. B..., représenté par Me Andrivet, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale et de procéder à son examen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du

26 juin 2013, dès lors notamment que le résumé de l'entretien individuel ne comporte pas l'ensemble des informations pertinentes qu'il a fournies, notamment concernant son arrestation par les autorités slovènes et l'examen de sa demande d'asile par ces dernières ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 572-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la Slovénie présente des défaillances systémiques dans la procédure et le traitement des demandes d'asile ;

- il a été arrêté et détenu par les autorités slovènes et n'a pas reçu d'informations sur ses droits ; il n'a en outre pas bénéficié de conditions d'accueil conformes, garantissant la confidentialité ;

- il craint d'être renvoyé dans son pays d'origine en cas de transfert en Slovénie ou, à tout le moins, en Croatie, pays avec lequel la Slovénie a passé un accord bilatéral ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du 13 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Mantz a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant pakistanais né le 2 février 1972, est entré irrégulièrement sur le territoire français et a présenté une demande d'asile au guichet unique des demandeurs d'asile de Paris le 7 mai 2021. La consultation du fichier " Eurodac " ayant permis d'établir, le 7 mai 2021, que ses empreintes digitales avaient été relevées par les autorités slovènes le 21 juillet 2020, le préfet de Seine-et-Marne a saisi ces autorités d'une demande de reprise en charge le 14 mai 2021. Celles-ci ont fait connaître leur accord le 25 mai 2021. Par un arrêté du même jour, le préfet de Seine-et-Marne a ordonné le transfert de M. B... vers la Slovénie. L'intéressé relève appel du jugement du 16 août 2021 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / [...] 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national [...] ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié, le 7 mai 2021, d'un entretien individuel assuré par un agent de la préfecture de Seine-et-Marne. Le préfet de Seine-et-Marne a produit, en annexe de ses écritures de première instance, un résumé de cet entretien contenant les principales informations fournies par le demandeur à cette occasion. Si M. B... soutient que ce résumé ne comporte pas l'ensemble des informations pertinentes qu'il a fournies, relatives notamment à son arrestation par les autorités slovènes et l'examen de sa demande d'asile par ces dernières, il n'établit pas avoir donné à l'agent qualifié en vertu du droit national ayant mené l'entretien des informations autres que celles contenues dans ce résumé. L'intéressé n'établit en outre pas ni même n'allègue qu'il aurait été lors de cet entretien privé de la possibilité de faire valoir toutes observations utiles. Par ailleurs, cet entretien s'est déroulé avec le concours d'un interprète qualifié de l'agence ISM interprétariat dont le nom, le prénom et l'adresse sont indiqués, en langue ourdou, langue comprise par l'intéressé qui a d'ailleurs déclaré que " les renseignements me concernant sont exacts ". Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'entretien individuel se serait déroulé dans des conditions ne garantissant pas sa confidentialité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé : Accès à la procédure d'examen d'une demande de protection internationale " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers (...) sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, (...). La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. 2. (...)/ Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. /Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable devient l'Etat membre responsable. 3. (...) ". Aux termes de l'article L. 572-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " La procédure de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile ne peut être engagée dans le cas de défaillances systémiques dans l'Etat considéré mentionné au 2 de l'article 3 du règlement (UE)

n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ".

5. M. B... invoque les dispositions qui précèdent en faisant valoir l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Slovénie, ainsi que le traitement dégradant qu'il soutient avoir subi dans un centre de rétention de ce pays. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, d'une part, eu égard au niveau de protection des libertés et droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. D'autre part, en l'espèce, si le requérant joint à ses écritures d'appel un extrait de rapports d'une organisation non gouvernementale relatif au traitement des demandeurs d'asile en Slovénie ainsi qu'un rapport réalisé par le médiateur des droits de l'homme de la République de Slovénie, institution non gouvernementale, le caractère général de ces documents ne leur confère pas une force probante suffisante pour justifier les allégations de l'intéressé quant à l'existence de défaillances systémiques qui affecteraient la procédure d'examen des demandes d'asile en Slovénie et au traitement dégradant qu'il aurait personnellement subi au centre de rétention slovène, et constituer des motifs sérieux et avérés de croire que sa demande d'asile ne serait pas traitée par les autorités slovènes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par suite, le requérant doit être considéré comme n'apportant pas d'éléments circonstanciés susceptibles de renverser la présomption précitée. Ainsi, M. B... n'établit ni l'existence de défaillances systémiques dans le traitement des demandes d'asile par les autorités slovènes, ni que son transfert vers la Slovénie l'exposerait à des traitements inhumains ou dégradants. En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les autorités slovènes, n'évalueront pas, avant de procéder à un éventuel éloignement de M. B..., les risques auxquels il serait exposé en cas de retour dans son pays d'origine ou, le cas échéant, en Croatie. Il suit de là que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 et de celles de l'article L. 572-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la violation de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être également écartés.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 18 février 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente,

- Mme Briançon, présidente-assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2022.

Le rapporteur,

P. MANTZLa présidente,

M. HEERSLa greffière,

V. BREME

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05239


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05239
Date de la décision : 23/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03-03-01


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : ANDRIVET

Origine de la décision
Date de l'import : 01/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-02-23;21pa05239 ?
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