Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C..., épouse B..., a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 11 juillet 2019 par laquelle le directeur général de l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de la qualité d'apatride.
Par un jugement n° 1910078/6 du 15 avril 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 mai 2021 au greffe de la Cour administrative de Versailles et transmise par ordonnance du président de cette Cour du 2 juin 2021, et un mémoire enregistré le 21 janvier 2022, Mme C..., épouse B..., représentée par Me Gilles Piquois, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1910078/6 du 15 avril 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler la décision du 11 juillet 2019 du directeur général de l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides ;
3°) de mettre à la charge de l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée est entachée d'un vice de procédure, en l'absence de communication du compte-rendu de l'entretien avec l'OFPRA ;
- cette décision est entachée d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 janvier 2022, l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides, représenté par Me Jean-Alexandre Cano, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme C..., épouse B... D... la somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens invoqués par Mme C..., épouse B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 7 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 janvier 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention relative au statut des apatrides, signée à New-York le 28 septembre 1954 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Platillero,
- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Piquois, pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., épouse B..., née à Dacca au Bangladesh, a sollicité le 18 juillet 2018 auprès de l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) la reconnaissance de la qualité d'apatride. Par une décision du 11 juillet 2019, le directeur général de l'OFPRA a rejeté sa demande. Mme C... épouse B... relève appel du jugement du 15 avril 2021 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 812-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'office peut convoquer le demandeur à un entretien personnel. Le demandeur est entendu dans la langue de son choix, sauf s'il existe une autre langue qu'il comprend et dans laquelle il est à même de communiquer clairement. Lorsque l'entretien du demandeur nécessite l'assistance d'un interprète, sa rétribution est prise en charge par l'office (...) ".
3. Mme C... épouse B... soutient que la décision contestée a été prise au terme d'une procédure irrégulière, dès lors qu'aucun compte-rendu de l'entretien individuel dont elle a bénéficié auprès de l'OFPRA le 18 mars 2019 ne lui a été communiqué. Toutefois, les dispositions précitées de l'article R. 812-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pas plus qu'aucune autre disposition législative ou réglementaire ni aucun principe, n'imposaient au directeur général de l'Office de transmettre à Mme C... épouse B... un compte-rendu de cet entretien. Le moyen tiré du vice de procédure doit ainsi être écarté.
4. A cet égard, Mme C... épouse B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article R. 723-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, qui concernent les demandes d'asile et non les demandes de reconnaissance de la qualité d'apatride, de la directive 2005/85/CE du 1er décembre 2005, qui est relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres et ne s'applique pas à la reconnaissance de la qualité d'apatride, et de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dès lors que la décision contestée n'est pas régie par le droit de l'Union.
5. En second lieu, aux termes de l'article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides : " (...) Le terme apatride désigne une personne qu'aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation (...) ". Aux termes de l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, repris à l'article L. 582-1 du même code : " La qualité d'apatride est reconnue à toute personne qui répond à la définition de l'article 1er de la convention de New York, du 28 septembre 1954, relative au statut des apatrides. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux apatrides en vertu de cette convention. ". Aux termes de l'article L. 812-2 du même code, repris à l'article L. 582-2 : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides reconnaît la qualité d'apatride aux personnes remplissant les conditions mentionnées à l'article L. 812-1, au terme d'une procédure définie par décret en Conseil d'Etat ". Il incombe à toute personne se prévalant de la qualité d'apatride d'apporter la preuve qu'en dépit de démarches répétées et assidues, l'Etat de la nationalité duquel elle se prévaut a refusé de donner suite à ses démarches.
6. Pour rejeter la demande de reconnaissance de la qualité d'apatride, le directeur général de l'OFPRA a estimé que Mme C... épouse B... entrait dans le champ d'application de la loi sur la nationalité du Bangladesh, qu'elle ne démontrait pas en avoir perdu la nationalité et qu'elle n'établissait pas que les autorités bangladaises auraient refusé de la reconnaître comme ressortissante à l'issue de démarches sérieuses et réitérées.
7. Si la requérante se prévaut de son appartenance à la minorité biharie du Bangladesh et soutient que les autorités bangladaises auraient refusé de renouveler son passeport bangladais en 2016, elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations de nature à établir que les autorités bangladaises refuseraient de la reconnaître comme une ressortissante du Bangladesh. Elle ne justifie ainsi pas qu'elle aurait accompli des démarches répétées et assidues qui seraient demeurées vaines auprès de ces autorités pour être reconnue comme une telle ressortissante. En outre, Mme C... épouse B... s'est vue délivrer un passeport bangladais le 26 décembre 2001, renouvelé en 2011, alors que l'OFPRA a fait valoir en première instance que la délivrance d'un passeport pour les membres de la communauté biharie n'était pas possible en 2001. A cet égard, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'aucun élément de preuve ne serait apporté, dès lors que l'OFPRA a produit les éléments des sources d'information disponibles de nature à établir que les Biharis du Bangladesh ne pouvaient obtenir de documents de voyage en 2001, au motif qu'ils n'étaient pas reconnus comme ressortissants bangladais et ne pouvaient obtenir la nationalité bangladaise jusqu'à une décision de la Haute Cour du Bangladesh du 18 mai 2008, éléments dont la requérante ne conteste pas le bien fondé. Enfin, la circonstance que l'entretien avec l'OFPRA s'est déroulé en langue ourdou ne saurait établir que les autorités bangladaises ne reconnaissent pas Mme C... épouse B... comme une ressortissante du Bangladesh par application de la législation de cet Etat.
8. Dans ces conditions, Mme C... épouse B..., qui n'établit pas entrer dans le champ d'application des stipulations précitées de l'article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954, n'est pas fondée à soutenir que le directeur général de l'OFPRA les aurait méconnues en refusant de lui reconnaître la qualité d'apatride.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C..., épouse B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement et de la décision du 11 juillet 2019 du directeur général de l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides doivent dès lors être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OFPRA, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme C..., épouse B... demande au titre des frais qu'elle a exposés. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C..., épouse B... la somme que l'OFPRA demande au titre des frais exposés.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C..., épouse B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'OFPRA tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., épouse B... et à l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides.
Délibéré après l'audience du 2 février 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Platillero, président,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2022.
Le président assesseur, rapporteur
En application de l'article R. 222-26 du code
de justice administrative
F. PLATILLEROL'assesseur le plus ancien,
F. MAGNARD
Le greffier,
I. BEDRLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA02991