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16/02/2022 | FRANCE | N°20PA04073

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 16 février 2022, 20PA04073


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris à titre principal, de prononcer un sursis à statuer dans l'attente d'une décision du juge pénal, à titre subsidiaire, de prononcer la décharge ou la réduction, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007, de prononcer la décharge des amendes prévues à l'article 1736 IV bis du code général des impôts qui lui ont

été appliquées au titre des années 2012 à 2014 et de mettre à la charge de l'Etat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris à titre principal, de prononcer un sursis à statuer dans l'attente d'une décision du juge pénal, à titre subsidiaire, de prononcer la décharge ou la réduction, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007, de prononcer la décharge des amendes prévues à l'article 1736 IV bis du code général des impôts qui lui ont été appliquées au titre des années 2012 à 2014 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1914776/1-1 du 4 novembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a constaté un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement accordé en cours d'instance et rejeté le surplus de la demande de Mme B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 18 décembre 2020, 14 mai 2021 et 16 juin 2021, Mme B..., représentée par Me Stéphane Draï, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1914776/1-1 du 4 novembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer un sursis à statuer dans l'attente d'une décision du juge pénal ;

3°) subsidiairement, de prononcer la décharge ou la réduction des impositions litigieuses, en droits et majorations, et de l'amende appliquée au titre des années 2012, 2013 et 2014 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il y a lieu de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de l'action pénale engagée à l'encontre des gestionnaires de son patrimoine ;

- l'administration fiscale n'a pas mis en œuvre la procédure d'examen contradictoire de situation fiscale personnelle ou la procédure de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales alors qu'elle en avait l'obligation ;

- l'imposition ne résulte pas d'un contrôle sur pièces mais de l'exploitation du dossier de régularisation spontanément déposé ;

- la doctrine administrative référencée D. adm. 13 J-42, 10-8-1998 ; BOI-CF-DG-40-20 n° 10 et 20, 4-10-2017 prévoit que l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle et la vérification de comptabilité constituent la suite logique du contrôle sur pièces toutes les fois où il n'a pas permis de régulariser, du bureau, la situation du contribuable ;

- la demande de renseignements du 20 avril 2015 s'est révélée infructueuse et l'administration ne pouvait en tirer des conséquences par une proposition de rectification du 30 novembre 2016 ;

- le silence gardé pendant plus de 60 jours par l'administration après la lettre d'intention de régularisation du 15 juin 2015 constitue un renoncement à toute forme de contrôle ;

- l'administration a gardé le silence durant plus de 60 jours suivant le dépôt du dossier de régularisation le 13 mai 2016 et aurait dû en conséquence proposer une transaction ;

- le dépôt du dossier de régularisation, qui ne saurait être regardé comme une réponse à la demande de renseignement du 20 avril 2015 dans le cadre d'un contrôle sur pièces abandonné en raison du silence gardé par l'administration, ne saurait fonder la proposition de rectification ;

- l'administration a manqué à son devoir de loyauté en utilisant les éléments de la procédure de régularisation pour fonder sa rectification et en ne prenant pas en compte la totalité des éléments du dossier de régularisation ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée, l'administration n'expliquant pas les raisons pour lesquelles elle engage à son encontre une procédure de rectification contradictoire alors même qu'elle a déposé une demande de régularisation spontanée le 16 juin 2015, n'indiquant pas les éléments du contrôle sur pièces sur lequel elle s'est fondée et se bornant à retenir au titre des plus-values, sans autre explication, les sommes portées au crédit du compte UBS alors qu'il était établi, par la banque même, qu'il s'agissait du prix de cession et non des plus-values réalisées ;

- la preuve de la notification régulière de la proposition de rectification n'est pas apportée ;

- l'administration fiscale a adressé la proposition de rectification à son conseil qui n'était mandaté que pour suivre la procédure de régularisation ;

- la fondation Petit Corail créée par la banque n'est pas une société interposée au sens des dispositions de l'article 123 bis du code général des impôts ;

- la somme retenue à titre de plus-value n'est que le prix de cession des titres ;

- l'article 1736 IV bis du code général des impôts, qui renvoie à l'article 1649 AB du même code déclaré inconstitutionnel, est inapplicable ;

- l'amende ne saurait être supérieure à 1 500 euros pour les années 2012, 2013 et 2014, les Etats concernés ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires ;

- les majorations sont contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de son âge et de son état de santé ;

- dès lors qu'elle a de bonne foi procédé à la régularisation, le taux de 15 % est applicable ;

- c'est à tort que l'administration fiscale a appliqué le coefficient de 1,25 prévu par les dispositions du 7 de l'article 158 du code général des impôts à la base imposable aux contributions sociales ;

- par une décision du 16 mars 2017, le Conseil constitutionnel a censuré l'amende proportionnelle de 5 % et de 12,5 % en jugeant que le législateur a instauré une sanction manifestement disproportionnée à la gravité des faits qu'il a entendu réprimer.

Par des mémoires en défense enregistrés les 13 avril et 7 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 10 juin 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,

- et les observations de Me Riou, substituant Me Draï, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... relève appel du jugement du 4 novembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'ensemble des impositions supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, des pénalités pour manquement délibéré, des intérêts de retard au titre des années 2006 et 2007 et des amendes de l'article 1736 IV bis du code général des impôts au titre des années 2012 à 2014 dont le montant reste en litige.

Sur la procédure d'imposition :

2. L'administration fiscale a adressé à Mme B..., le 20 avril 2015, une demande de renseignements relative à ses comptes bancaires ouverts à l'étranger à compter de l'année 2006. Celle-ci a répondu le 16 juin 2015 en communiquant l'adresse d'un compte bancaire à Riga en Lettonie et a exprimé son souhait de régulariser sa situation. Le 29 juin 2015, l'administration a répondu à Mme B... par un courriel lui demandant la production d'un certain nombre de documents. Le 13 mai 2016, Mme B... a déposé une demande de régularisation pour un compte bancaire UBS, détenu à Bâle en Suisse depuis 1999 au nom d'une fondation de droit du Lichtenstein, dont elle était l'unique ayant-droit, ainsi que des déclarations rectificatives de revenus encaissés à l'étranger au titre des année 2006 à 2014. Elle a également, à la demande des services fiscaux, produit le 16 juin 2016 des déclarations des plus et moins-values de cessions de valeurs mobilières, droits sociaux et titres portés sur ce compte suisse au titre des années 2006 à 2014. L'administration fiscale, après avoir réintégré les revenus issus de ses avoirs suisses dans ses revenus déclarés, a adressé à la requérante le 30 novembre 2016, suivant la procédure contradictoire, une proposition de rectification portant sur ses revenus 2006 à 2007 imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, et mettant à sa charge les amendes prévues à l'article 1736 IV bis du code général des impôts au titre des années 2012 à 2014.

3. En premier lieu, les démarches et investigations de l'administration décrites au point 2., qui n'ont donné lieu ni à un contrôle de cohérence des revenus déclarés de la requérante et de sa situation patrimoniale, ni à un examen de l'ensemble de ses comptes bancaires, ne révèlent la mise en œuvre d'aucune opération caractéristique d'un examen de situation fiscale personnelle à l'encontre de Mme B.... Elles ne nécessitaient par suite pas que le service engage à l'égard de l'intéressée un tel examen, sans que Mme B... puisse utilement invoquer à ce titre le délai dans lequel est intervenue la proposition de rectification établie à l'issue du contrôle sur pièces initié par la demande du 15 avril 2015. Mme B... n'ayant par ailleurs pas fait l'objet d'une taxation sur le fondement des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, elle ne saurait en tout état de cause pas valablement soutenir que l'administration aurait dû mettre en œuvre la procédure prévue à l'article L. 16 du même livre. La doctrine administrative référencée D. adm. 13 J-42, 10-8-1998 ; BOI-CF-DG-40-20 n° 10 et 20, 4-10-2017 est relative à la procédure d'imposition et n'est par suite pas invocable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

4. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que l'administration a, dès le 20 avril 2015, interrogé Mme B... sur l'existence des comptes qu'elle détenait à l'étranger. Mme B... ne remplissait par suite pas les conditions de la circulaire du

21 juin 2013 qui ne concerne que les contribuables personnes physiques détenant des avoirs à l'étranger, qui se font connaître auprès de l'administration fiscale et qui rectifient spontanément leur situation fiscale passée.

5. En troisième lieu, si la demande de renseignement du 20 avril 2015 indiquait qu'en l'absence de nouveau courrier dans un délai de soixante jours à compter de la réponse du contribuable, ce dernier pouvait considérer que l'examen ponctuel était clos, il résulte de l'instruction que Mme B... a répondu le 16 juin 2015 à cette demande et que dès le 29 juin 2015, l'administration a fait suite à cette réponse par une nouvelle demande de communication de documents. Mme B... ne saurait par suite valablement soutenir que le silence de l'administration a mis fin au contrôle sur pièces. La circonstance que Mme B... n'ait répondu à la demande du 20 avril 2015 qu'après l'expiration du délai d'un mois fixé par cette demande ne permet pas non plus de considérer que le contrôle sur pièces aurait été abandonné. Par ailleurs, aucune disposition légale ou réglementaire ne faisait obstacle à ce que l'administration ne tire les conséquences de ce contrôle sur pièces que le 30 novembre 2016 en adressant à Mme B... une proposition de rectification. Il suit de là que l'argumentation de la requérante relative au fait que l'administration ne pouvait tirer les conséquences d'un contrôle sur pièces ne peut qu'être écartée.

6. En quatrième lieu, la circonstance que la réponse du 16 juin 2015 se présentait comme une demande de régularisation, sans d'ailleurs évoquer spécifiquement la circulaire du 21 juin 2013, et que l'administration ait répondu en se référant à cette circulaire, est sans portée, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, Mme B... ne répondait pas aux conditions posées par cette circulaire, et que les courriers ou courriels adressés par l'administration à l'intéressée n'ont jamais reconnu à cette dernière le droit de se prévaloir de la procédure de transaction instituée par ladite circulaire. La requérante ne saurait par suite valablement soutenir qu'en lui adressant une proposition de rectification le 30 novembre 2016, l'administration aurait méconnu son devoir de loyauté.

7. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. " Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter, outre la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base des rectifications, les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications, et qui sont nécessaires pour permettre au contribuable de former ses observations de manière entièrement utile. La proposition de rectification du 30 novembre 2016 indiquait notamment les éléments du contrôle sur lequel elle s'est fondée, ainsi que le montant des plus-values taxables en faisant référence aux documents bancaires fournis par la contribuable elle-même. Elle était ainsi, et quelles que soient les erreurs qui auraient pu être commises sur le montant des plus-values, conforme aux dispositions précitées, alors même qu'elle ne précisait pas les motifs pour lesquels l'administration n'avait pas mis en œuvre les prescriptions de la circulaire du 21 juin 2013. Elle a par ailleurs été régulièrement adressée au conseil de la requérante chez lequel l'intéressée avait élu domicile le 24 octobre 2016, et lui est d'ailleurs effectivement parvenue, ainsi que l'établissent l'accusé de réception produit au dossier et la circonstance qu'il a été répondu à cette proposition de rectification. Contrairement à ce qui est soutenu, et compte tenu des circonstances rappelées aux points 2., 4. et 6. du présent arrêt, le fait que l'élection de domicile ait été présentée comme faite dans le cadre de la procédure de régularisation ne faisait pas obstacle à ce que l'administration adresse sa proposition de rectification au conseil de l'intéressée. Ce dernier a d'ailleurs répondu à la proposition de rectification et Mme B... n'a en tout état de cause été privée à cet égard d'aucune garantie de la procédure contradictoire. Compte tenu de tout ce qui précède, Mme B... n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'impôt sur le revenu :

8. Aux termes de l'article 123 bis du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : "1. Lorsqu'une personne physique domiciliée en France détient directement ou indirectement 10 % au moins des actions, parts, droits financiers ou droits de vote dans une personne morale, un organisme, une fiducie ou une institution comparable, établi ou constitué hors de France et soumis à un régime fiscal privilégié, les bénéfices ou les revenus positifs de cette personne morale, organisme, fiducie ou institution comparable sont réputés constituer un revenu de capitaux mobiliers de cette personne physique dans la proportion des actions, parts ou droits financiers qu'elle détient directement ou indirectement lorsque l'actif ou les biens de la personne morale, de l'organisme, de la fiducie ou de l'institution comparable sont principalement constitués de valeurs mobilières, de créances, de dépôts ou de comptes courants. /Pour l'application du premier alinéa, le caractère privilégié d'un régime fiscal est déterminé conformément aux dispositions de l'article 238 A par comparaison avec le régime fiscal applicable à une société ou collectivité mentionnée au 1 de l'article 206 ".

9. En premier lieu, il résulte de l'instruction que Mme B..., domiciliée en France, était l'unique ayant-droit économique d'une fondation nommée " Petit Corail ", dotée de valeurs mobilières et de différents actifs, et dont le compte bancaire se trouvait en Suisse à la banque UBS de Bâle. La circonstance que cette fondation ait été " créée par la banque " ne saurait être utilement invoquée, les modalités de constitution de cette fondation ne faisant pas obstacle à ce que Mme B... dispose des fonds et des actifs dont elle était dotée.

10. En deuxième lieu, il résulte des annexes II et III à la réponse aux observations du contribuable du 28 mars 2017 que le vérificateur s'est fondé sur les informations issues des états bancaires de la banque UBS, et s'agissant des plus-values réalisées en 2006 et 2007, a, pour chaque opération de cession, utilisé le prix de cession diminué du prix d'acquisition déterminé à partir de la moyenne pondérée de la valeur d'acquisition des titres apparaissant sur les états bancaires, la banque UBS lui ayant fourni les prix moyens pondérés d'acquisition sauf pour une opération, pour laquelle, en l'absence d'élément, il a considéré que le prix d'acquisition était nul. En se bornant à faire valoir, de manière sommaire et sans apporter la moindre précision chiffrée ni le moindre document complémentaire à l'appui de son moyen, que le service vérificateur aurait retenu le prix de cession et non le montant réel de la plus-value réalisée, Mme B... ne conteste pas valablement les modalités de détermination par l'administration, à partir des éléments en sa possession, des plus-values litigieuses.

En ce qui concerne les cotisations sociales :

11. Si Mme B... fait valoir que c'est à tort que l'administration fiscale a appliqué le coefficient de 1,25 prévu par les dispositions du 7 de l'article 158 du code général des impôts à la base imposable aux contributions sociales, il résulte en tout état de cause de l'instruction que le service a renoncé à cette majoration dans le cadre de la réponse aux observations du contribuable. Le moyen est par suite sans objet.

En ce qui concerne les amendes de l'article 1736 IV bis du code général des impôts au titre des années 2012 à 2014 :

12. En premier lieu, à l'appui de sa contestation dirigée contre ces amendes, Mme B... se prévaut de la décision n° 2016-951 du 21 octobre 2016, par laquelle le Conseil Constitutionnel a jugé que les dispositions du 2ème alinéa de l'article 1649 AB du code général des impôts, dans leur rédaction issue de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013, sont contraires à la Constitution. Par cette décision, le Conseil Constitutionnel ne s'est prononcé que sur la constitutionnalité des dispositions du 2ème alinéa de l'article 1649 AB du code général des impôts concernant l'institution d'un registre public des trusts, alinéa dont il n'a pas été fait application dans le présent litige. Cette décision ne faisait par suite pas obstacle à ce que l'administration applique l'amende forfaitaire prévue par l'article 1736 IV bis du code général des impôts à l'administrateur d'un trust dont le bénéficiaire réside en France et qui a failli aux obligations déclaratives résultant du premier alinéa de l'article 1649 AB du code général des impôts.

13. En deuxième lieu, si Mme B... fait valoir que, par une décision n° 2016-618 du 16 mars 2017, le Conseil Constitutionnel a décidé de censurer l'amende proportionnelle prévue par les dispositions de l'article 1736 IV bis du code général des impôts en jugeant que le législateur a instauré une sanction manifestement disproportionnée à la gravité des faits qu'il a entendu réprimer, il est constant que l'administration a fait application de l'amende forfaitaire prévue par ces dispositions. Ce moyen est par suite dépourvu de portée.

14. En troisième lieu, Mme B... fait valoir que l'amende ne saurait être supérieure à 1 500 euros pour les années 2012, 2013 et 2014, les Etats concernés ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires. Ce moyen ne peut qu'être écarté dès lors qu'il a trait aux conditions d'application du 2 du IV de l'article 1736 du code général des impôts, qui sanctionne les infractions à l'article 1649 A du même code, alors qu'il a été fait à Mme B... application de l'article 1736 IV bis du code général des impôts qui sanctionne l'administrateur d'un trust qui n'a pas respecté l'obligation de déclaration instituée par l'article 1649 AB du même code.

En ce qui concerne les intérêts de retard :

15. Par voie de conséquence de ce qui a été dit aux points 2. à 11., Mme B... ne saurait valablement contester les intérêts de retard mis à sa charge.

En ce qui concerne les majorations pour manquement délibéré :

16. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 4. que les dispositions de la circulaire du 21 juin 2013 ne peuvent être valablement invoquées dans le présent litige dès lors que contrairement à ce qu'elle soutient, Mme B... n'a pas spontanément régularisé sa situation. Mme B... n'est par suite pas fondée à demander l'application du taux de 15 % prévu par cette circulaire.

17. En second lieu, Mme B... se prévaut d'un arrêt rendu le 15 novembre 2016, concernant la loi norvégienne, par lequel la Cour européenne des droits de l'homme a admis un traitement différencié compte tenu de l'âge et de l'inexpérience du contribuable. En l'espèce, le dossier fiscal de Mme B... fait apparaître qu'elle est à l'origine du placement de ses avoirs en Suisse sur le compte d'une fondation déclarée au Liechstenstein, pays dans lequel cette structure, dont elle est la seule bénéficiaire, n'était pas imposable. Agée de 70 ans en 2007, elle opérait ses prélèvements sur ses comptes en Suisse et ne pouvait ignorer que la non déclaration de ses comptes et le placement de ses avoirs dans des pays à fiscalité privilégiée n'étaient pas autorisés et qu'ils avaient pour objet d'échapper à l'imposition. Elle ne fait d'ailleurs pas valoir un état de santé particulièrement dégradé l'ayant mis dans l'incapacité d'en prendre conscience. Mme B... n'est, par suite et en tout état de cause, et alors même que le compte bancaire en Suisse dont elle a hérité de son mari en 1994 aurait été ouvert par celui-ci, pas fondée à soutenir que les pénalités qui lui ont été appliquées méconnaitraient la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'elles ne seraient pas adaptées à sa situation personnelle.

18. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de l'action pénale engagée contre les gestionnaires de patrimoine qui auraient appréhendé les sommes en litige, la requérante ne développant aucun moyen dont l'examen nécessiterait une telle attente, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction nationale de vérification des situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 2 février 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Platillero, président,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2022.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président assesseur,

En application de l'article R. 222-26 du code

de justice administrative

F. PLATILLERO

Le greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20PA04073


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA04073
Date de la décision : 16/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PLATILLERO
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : CABINET STEPHANE DRAÏ

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-02-16;20pa04073 ?
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