Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2021856/5-3 du 14 avril 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 14 mai 2021, Mme D..., représentée par
Me Ngounou, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 25 novembre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que la commission du titre de séjour aurait dû être saisie ;
- elle a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendue ;
- le préfet n'a pas saisi la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que sa situation aurait dû être examinée sur le fondement de la convention franco-camerounaise et de la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet de police qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les observations de Me Ngounou, avocat de Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... D..., ressortissante camerounaise née le 2 avril 1970 à Yaoundé, relève appel du jugement du 14 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 25 novembre 2020 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...). / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".
3. Mme D... soutient qu'elle vit de manière continue en France depuis le
6 novembre 2009 et que le préfet de police était donc tenu de saisir la commission du titre de séjour. Pour écarter ce moyen, le tribunal administratif a retenu que les pièces produites par la requérante au titre des années 2012, 2013 et 2014 ne permettaient pas, compte tenu de leur faible nombre et de leur nature, d'établir une présence habituelle de la requérante au titre de ces trois années.
4. Toutefois, au titre de l'année 2012, Mme D... a notamment produit, en première instance, un courrier médical faisant état d'examens réalisés le 5 janvier 2012 et un courrier d'une mutuelle en date du 6 avril 2012. Pour cette même année, la requérante produit de nouvelles pièces en appel, notamment un relevé de livret A faisant état de frais de remplacement de carte au 3 décembre 2012. En outre, s'agissant de l'année 2013, en plus d'un formulaire de demande de l'aide médicale d'Etat du 4 février 2013 et d'un bulletin de situation faisant état d'une entrée à l'hôpital Bichat le 17 octobre 2013 déjà produits en première instance, l'intéressée verse au dossier d'appel un relevé bancaire mentionnant des retraits bancaires du mois de mars 2013. Enfin, s'agissant de l'année 2014, la requérante, qui avait déjà produit devant le tribunal administratif des résultats d'examen microbiologique faisant état d'un prélèvement du 13 janvier 2014, deux certificats médicaux datés des 21 juillet 2014 et 6 août 2014, de même que des résultats de laboratoire édités le 8 juillet 2014, produit devant le juge d'appel une attestation de chargement de forfait Navigo du 1er juillet au 1er décembre 2014. Dans ces conditions, Mme D... justifie résider en France habituellement depuis plus de dix ans à la date de la décision en litige et est, par suite, fondée à soutenir que le préfet de police a entaché sa décision d'un vice de procédure en ne saisissant pas la commission de titre de séjour préalablement à l'édiction de cette décision.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 25 novembre 2020 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur l'injonction :
6. Le présent arrêt implique que le préfet de police réexamine la demande de Mme D..., après avoir saisi la commission du titre de séjour. Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2021856/5-3 du 14 avril 2021 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté en date du 25 novembre 2020 du préfet de police sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la demande présentée par Mme D... après avoir saisi la commission du titre de séjour, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme D... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,
- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2022.
Le président-rapporteur,
I. A...L'assesseure la plus ancienne,
M. B...
Le greffier
E. MOULINLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA02645