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11/02/2022 | FRANCE | N°20PA04263

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 11 février 2022, 20PA04263


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Café Ruc a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2010 et 2011, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, ainsi que des majorations et pénalités correspondantes et de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts mise à sa charge au titr

e de l'année 2012.

Par un jugement n° 1814901 du 21 octobre 2020, le tribunal admin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Café Ruc a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2010 et 2011, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, ainsi que des majorations et pénalités correspondantes et de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts mise à sa charge au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1814901 du 21 octobre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 décembre 2020, et un mémoire, enregistré le 27 mai 2021 et non communiqué, la SA Café Ruc, représentée par Me Morisset et Me Lopez, avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement 1814901 du 21 octobre 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2010 et 2011, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, ainsi que des majorations et pénalités correspondantes et de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts mise à sa charge au titre de l'année 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SA Café Ruc soutient, s'agissant des périodes d'imposition 2010 et 2012, que :

- le jugement est irrégulier en raison d'une erreur de droit quant à la portée des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- il est également irrégulier dès lors que le principe du contradictoire, les droits de la défense et le droit à un procès équitable ont été méconnus ;

- il est entaché d'une dénaturation des faits ;

- il est entaché d'une omission de réponse aux moyens tirés du défaut d'information concernant l'utilisation du guide sur la procédure de lecture de caisse et du caractère théorique du redressement en litige en conséquence de l'absence de communication des documents techniques nécessaires ;

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues ;

- les impositions mises à sa charge ne sont pas fondées dès lors que l'administration ne produit pas la documentation technique du logiciel permettant de vérifier la pertinence des constatations réalisées, de justifier le rejet de la comptabilité et la méthode de reconstitution des recettes qui est nécessairement radicalement viciée ;

- les majorations et pénalités qui en découlent sont infondées ;

- sa requête est recevable dès lors qu'elle a été introduite dans le délai d'appel.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 mars 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Le ministre fait valoir que la requête est irrecevable en raison de sa tardiveté et que les moyens invoqués par la SA Café Ruc ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Fullana,

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,

- les observations de Me Morisset, représentant la société Café Ruc,

- et les observations de M. B..., inspecteur des finances publiques, représentant le ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme (SA) Café Ruc, qui exerce une activité de restauration, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, étendue au 31 mai 2013 s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue de cette vérification, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2010 et 2011, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2010 et 2012 ainsi que les majorations et pénalités correspondantes et l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts au titre de l'année 2012 ont été mis en recouvrement. La société relève appel du jugement du 21 octobre 2020 du tribunal administratif de Paris rejetant sa requête tendant à la décharge des impositions en litige.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de la relance :

2. Selon les dispositions de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le jugement du tribunal administratif de Paris du 21 octobre 2020 a été notifié à la SA Café Ruc le 26 octobre 2020. Le délai d'appel de deux mois prévu par les dispositions précitées de l'article R. 811-2 du code de justice administrative, qui est un délai franc, expirait le 27 décembre 2020. Ce jour étant un dimanche, le délai a été prolongé jusqu'au premier jour ouvrable suivant cette date, soit le 28 décembre 2020 à 23h59. A cet égard, est sans incidence la circonstance que le jugement du 21 octobre 2020 a été transmis par l'application informatique " Télérecours " à son représentant pour information et reçu le 23 octobre 2020, dès lors que ni les dispositions de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ni celles du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 n'étaient applicables et qu'en tout état de cause, les courriers de notification du jugement étaient dépourvus d'ambiguïté quant à la date de notification à prendre pour l'exercice des voies de recours. Par suite, la requête d'appel de la SA Café Ruc, enregistrée le 28 décembre 2020 à 23h49, n'est pas tardive. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de la relance tirée de la tardiveté de la requête ne peut qu'être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. En premier lieu, la SA Café Ruc soutient que le tribunal a omis de répondre au moyen tiré du défaut d'information concernant l'utilisation par l'administration du guide sur la procédure de lecture de caisse dont l'existence n'a pas été portée à sa connaissance et de ce que la communication des documents techniques était nécessaire pour apprécier le caractère vicié de la méthode de reconstitution. La circonstance, à la supposer établie, que le tribunal aurait insuffisamment répondu à l'intégralité de l'argumentation présentée à l'appui de ces moyens ne saurait toutefois constituer une omission de réponse à ce moyen dès lors que le tribunal s'est expressément prononcé aux points 5 et 14 du jugement attaqué sur les éléments en cause de son argumentation. Par suite, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'omission à statuer.

5. En second lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. La SA Café Ruc ne peut donc utilement soutenir que le tribunal a entaché sa décision d'une erreur de droit quant à la portée des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et de dénaturation des faits de l'espèce pour demander l'annulation du jugement attaqué. En outre, si la SA Café Ruc soutient que le jugement est entaché d'une violation du contradictoire, des droits de la défense et du droit à un procès équitable en l'absence de communication de la documentation technique du logiciel et du guide de procédure de lecture de caisse, il ressort de ses écritures qu'elle entend ainsi remettre en cause le bien-fondé du jugement attaqué et non la régularité de la procédure suivie devant le tribunal. Un tel moyen doit donc être également écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

6. Aux termes de l'article L. 76 B du même livre : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a effectivement utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent.

7. Contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que l'administration aurait utilisé des renseignements relatifs à l'utilisation par la requérante d'un logiciel déterminé, obtenus de tiers antérieurement au contrôle inopiné, pour établir les impositions litigieuses. A cet égard, ni le contenu de l'annexe 1 de la proposition de rectification qui expose les caractéristiques générales du logiciel de gestion de la facturation des caisses utilisées et donne en exemple des tickets de caisse qui ne sont pas ceux de la requérante, ni la référence, dans le courrier de l'administration du 16 avril 2014 adressé dans le cadre des échanges sur la proposition de rectification afférente à l'année 2010, à la documentation du logiciel, alors que ce courrier renvoie expressément à l'annexe 1 de la proposition de rectification et non à une documentation externe, ne sont de nature à établir que l'administration ne disposait pas, comme elle le soutient, des connaissances relatives aux fonctionnalités du logiciel de caisse, couramment utilisé par les entreprises de restauration, ni qu'elle aurait nécessairement eu besoin d'obtenir cette information auprès de tiers, alors que le vérificateur était un inspecteur A... la cellule de contrôle informatisé de la direction spécialisée du contrôle fiscal d'Ile-de-France Ouest. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B précité doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

S'agissant de la charge de la preuve :

8. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69. ".

S'agissant de l'impôt sur les sociétés de l'exercice clos en 2010 et de la taxe sur la valeur ajoutée de l'année 2010 :

9. Pour rejeter la comptabilité de la SA Café Ruc pour l'année 2010, le service a relevé que le système de caisses enregistreuses de marque " Pi électronique " de la société produit des fichiers qui sont transférés, par un stockage sous clef USB, sur un logiciel de caisse dénommé " Prores " qui permet d'éditer les états journaliers. Pour établir que la requérante avait effacé des enregistrements, l'administration a eu recours à un rapprochement des fichiers de données en simple lecture sans remise à zéro, et dans laquelle apparaissent l'ensemble des fichiers provisoires ayant été utilisés par l'application, avec les fichiers définitifs conservés. Les différences entre les données de ces fichiers, provisoires et définitifs, s'expliquent par des suppressions de lignes de tickets dans l'enregistrement final de conservation. Le vérificateur s'est appuyé sur le fait que, selon son analyse du fonctionnement du logiciel des caisses utilisées, chaque ligne du fichier, qu'il s'agisse notamment des lignes d'articles commandés, des lignes de règlement ou des lignes de pied de ticket comportait une clé de contrôle calculée selon un algorithme appliqué à chacun des éléments de la ligne et en a déduit que les lignes strictement identiques devaient comporter des clés de contrôle identiques. A partir du traitement des données, il a identifié 1 953 lignes de règlement identiques comportant des sommes de contrôle différentes et en anomalie, traduisant une modification des données postérieures à leur extraction de caisse.

10. En se bornant à demander la documentation technique du logiciel, seulement au stade de la réclamation préalable, à soutenir que l'administration ne démontre pas " les présupposés techniques sur lesquelles elle fonde ses rappels ", et à invoquer l'existence d'un nombre de clés de contrôle limité à 1 296, lequel ne fait pas obstacle à ce que des lignes strictement identiques reçoivent une clé de contrôle identique, la SA Café Ruc ne remet pas sérieusement en cause les constats matériels effectués par l'administration, qui traduisent une modification massive et récurrente des données remontées des caisses sur la période en cause. Dès lors, ces seuls éléments ont permis à l'administration de regarder la comptabilité qui lui était présentée comme étant entachée de graves irrégularités et procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires de la SA Café Ruc pour l'exercice 2012.

11. En revanche, pour reconstituer les recettes de la SAS Café Ruc pour l'année 2010, le service s'est exclusivement appuyé sur la conclusion que le vérificateur a tirée du mode de fonctionnement de l'algorithme générant les clés de contrôle, selon laquelle des lignes différentes devaient nécessairement comporter des clés de contrôle différentes. S'agissant des lignes de règlement, le service en a déduit que des lignes de règlement correspondant à un mode de règlement et/ou à un montant de règlement différent devaient générer des clés de contrôle différentes et a alors identifié 933 fichiers en anomalie sur un total de 991 fichiers au motif que ces fichiers comportaient des lignes de règlement comportant des sommes de contrôle identiques en fonction du mode de règlement alors qu'elles correspondaient à des montants réglés différents. Le service a ensuite reconstitué le montant des recettes éludées à partir du différentiel du montant moyen réglé par ticket constaté dans les fichiers sans anomalie et celui constaté dans les fichiers comportant ce type d'anomalies. La SA Café Ruc expose toutefois que la proposition de rectification reproduit des extraits des fichiers provisoires et non falsifiés qui font effectivement apparaître des lignes de règlement comportant des clés de contrôle identiques pour des montants différents et sont ainsi de nature à remettre en cause les conclusions de l'administration selon lesquelles une telle situation est nécessairement révélatrice d'une anomalie. En outre, le nombre de clés de contrôle, dont il est constant qu'il est limité à 1 296 tous fichiers confondus, est trop limité pour qu'à chaque ligne de ticket distincte soit attribuée une clé de contrôle propre. Par suite et alors que l'administration n'a fourni aucune explication complémentaire sur le fonctionnement de l'algorithme générant les clés de contrôle, la SA Café Ruc démontre que la méthode de reconstitution, qui se fonde exclusivement sur le principe selon lequel des lignes de contrôle différentes doivent nécessairement générer des clés de contrôle différentes, est radicalement viciée dans son principe. Dans ces conditions, la société requérante doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe, compte tenu de l'avis favorable de la commission départementale des impôts, de l'absence de bien-fondé des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui résultent de cette reconstitution du chiffre d'affaires de l'exploitation pour l'année 2010.

12. Il résulte de ce qui précède que la SA Café Ruc est ainsi fondée à obtenir la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge, auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice 2010. Les impositions n'étant pas fondées en principal, la SA Café Ruc est également fondée à obtenir la décharge des pénalités et majorations correspondantes.

S'agissant de l'impôt sur les sociétés de l'exercice clos en 2011 :

13. La société requérante conteste l'ensemble des impositions supplémentaires mises à sa charge. Toutefois, elle ne formule aucun moyen s'agissant de l'unique rectification d'impôt sur les sociétés de l'exercice clos en 2011, à savoir les avantages en nature occultes. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à demander la décharge de cette imposition.

S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée de l'année 2012 :

14. Pour rejeter la comptabilité de la société pour l'année 2012, le service a relevé que le système de caisses enregistreuses de marque " Pi électronique " de la société produit des fichiers qui sont transférés, par un stockage sous clef USB, sur un logiciel de caisse dénommé " Prores " qui permet d'éditer les états journaliers. Pour établir que la requérante avait effacé des enregistrements, l'administration a eu recours à un rapprochement des fichiers de données en simple lecture sans remise à zéro, et dans laquelle apparaissent l'ensemble des fichiers provisoires ayant été utilisés par l'application, avec les fichiers définitifs conservés. Les différences entre les données de ces fichiers, provisoires et définitifs, s'expliquent par des suppressions de tickets dans l'enregistrement final de conservation. Ce retraitement s'est accompagné d'une modification de la numérotation des tickets afin de tenir compte des tickets supprimés mais sans modifier l'information " numéro de ticket suivant " qui permet de déterminer le nombre de tickets déjà émis par la caisse. A titre d'exemple, le service a relevé que, dans le fichier définitif de la RAZ (remise à zéro) du 10 septembre 2012, le " numéro de ticket suivant " indiqué était le numéro 104 alors que le dernier ticket émis par la caisse 2 portait le numéro 89. A partir de la comparaison des fichiers, l'administration a ainsi identifié, sur la période du 7 septembre au 31 décembre 2012, 1 869 tickets supprimés et a reconstitué les recettes éludées à partir du montant moyen du ticket réglé sur l'année 2012.

15. En premier lieu, en se bornant à demander la documentation technique du logiciel, seulement au stade de la réclamation préalable, à soutenir que l'administration ne démontre pas " les présupposés techniques sur lesquelles elle fonde ses rappels " et à critiquer la méthode retenue dans le cadre de la vérification de comptabilité portant sur l'exercice 2010 qui est différente, la société ne remet pas sérieusement en cause les constats matériels effectués par l'administration, qui traduisent une modification massive et récurrente des données remontées des caisses sur la période en cause. Dès lors, ces éléments ont permis à l'administration de regarder la comptabilité qui lui était présentée comme étant entachée de graves irrégularités et procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires de la société requérante pour l'exercice 2012.

16. En second lieu, le moyen tiré de ce que la méthode de reconstitution des recettes est radicalement viciée, qui n'est assorti d'aucune argumentation propre de la société à qui incombe la charge de la preuve, doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points précédents.

17. Il résulte de ce qui précède que la SA Café Ruc n'est pas fondée à demander la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2012. Dès lors, les conclusions en décharge des majorations et pénalités ainsi que de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts, présentées par seule voie de conséquence du caractère non fondé de ces impositions, doivent être rejetées.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande en tant qu'elle porte sur la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de l'année 2010, ainsi que des majorations et pénalités correspondantes. Ce jugement doit, dès lors, être annulé dans cette mesure et la décharge desdites impositions doit être prononcée.

Sur les frais liés au litige :

19. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SA Café Ruc et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La société anonyme (SA) Café Ruc est déchargée, en droits, pénalités et majorations, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la SA Café Ruc la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Café Ruc et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Île-de-France.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président de chambre,

- M. Simon, premier conseiller,

- Mme Fullana, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 11 février 2022.

La rapporteure,

M. FULLANA Le président,

S. CARRERELa greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA04263 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA04263
Date de la décision : 11/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Généralités.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Maguy FULLANA
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SELARL AVODIA

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-02-11;20pa04263 ?
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