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11/02/2022 | FRANCE | N°20PA02386

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 11 février 2022, 20PA02386


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Tasca Aldo " società a responsabilità limitata " (SRL) a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 2012 à raison des bénéfices de sa succursale française.

Par un jugement n° 1814555 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enr

egistrée le 21 août 2020, la société Tasca Aldo SRL, représentée par Me Roumélian, avocat, demande à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Tasca Aldo " società a responsabilità limitata " (SRL) a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 2012 à raison des bénéfices de sa succursale française.

Par un jugement n° 1814555 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 août 2020, la société Tasca Aldo SRL, représentée par Me Roumélian, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement 1814555 du 23 juin 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens de l'instance.

La société Tasca Aldo soutient que :

- la somme de 180 000 euros a fait l'objet d'une imposition en Italie et ne peut donc être imposée en France sauf à créer une double imposition ;

- elle justifie de la commission supplémentaire qu'elle doit à la société Progetto, de la réalité de la prestation et de ce qu'un tel acte relève d'un acte normal de gestion.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 octobre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Le ministre fait valoir que les moyens invoqués par la société Tasca Aldo ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Fullana,

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Tasca Aldo SRL, société de droit italien, a ouvert une succursale en France spécialisée dans les travaux de construction. Cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, conduite selon la procédure de redressement contradictoire, à l'issue de laquelle elle a été assujettie, notamment, à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés. La société relève appel du jugement du 23 juin 2020 du tribunal administratif de Paris rejetant sa requête tendant à la décharge de cette imposition et des pénalités correspondantes.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. (...) " et aux termes de l'article 39 du même code " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Il résulte des articles 38 et 39 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, que le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. La prise en charge par une entreprise de dépenses dépourvues de contreparties ne relève pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages, l'entreprise a agi dans son propre intérêt. S'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que les avantages octroyés par une entreprise à un tiers constituent un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties. Dans l'hypothèse où l'entreprise s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite à l'administration d'apporter la preuve que cet avantage est, contrairement à ce que soutient l'entreprise, dépourvu de contrepartie, qu'il a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour l'entreprise ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

3. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.

4. Il résulte de l'instruction que la société Tasca Aldo SRL a conclu le 15 novembre 2010 une convention d'apporteur d'affaires avec la société Progetto Internazionale. Cette convention (dite contrat maître) prévoyait que la société Progetto Internazionale avait pour mission de signaler à la société Tasca Aldo SRL tout projet de travaux sur le territoire français pour un montant total supérieur à la somme de 1 500 000 euros et qu'en contrepartie, la société Progetto Internazionale percevrait une commission pour tout projet signalé et accepté à hauteur de 5 % des travaux confiés et dans la limite d'un montant de 300 000 euros. En exécution de cette convention, la société Tasca Aldo SRL a comptabilisé au titre de l'exercice 2011, et réglé au cours de cet exercice et du suivant, une commission de 300 000 euros à la société Progetto Internazionale en raison de la conclusion d'un ensemble de contrats avec la société Domaine de la Bergerie pour la construction de deux villas à Saint-Tropez pour un montant de 5 900 000 euros hors taxes. A la suite de la conclusion de trois avenants, les 17 novembre 2011, 5 avril 2012 et 25 juillet 2012 avec la société Domaine de la Bergerie portant sur des travaux supplémentaires ou modifications pour un montant supplémentaire de 1 153 052 euros HT, la société Tasca Aldo SRL et la société Progetto Internazionale ont conclu, le 26 septembre 2012, un avenant au contrat d'apporteur d'affaires pour prévoir une rémunération complémentaire de 200 000 euros correspondant à 18 % du montant des travaux supplémentaires commandés. La société Tasca Aldo SRL a déduit de son résultat imposable de l'exercice 2012 une somme de 200 000 euros correspondant à la commission prévue par l'avenant conclu le 26 septembre 2012. Elle produit deux factures d'un montant de 100 000 euros chacune établies par la société Progetto Internazionale, la première étant datée du 15 octobre 2012, la seconde du 2 juillet 2014 et justifie lui avoir réglé une somme de 20 000 euros.

5. L'administration a remis en cause la déductibilité de cette charge au titre de l'exercice 2012 à hauteur de 180 000 euros au motif qu'elle procédait d'un acte anormal de gestion, lequel s'apprécie à la date à laquelle cet acte est intervenu. Pour ce faire, l'administration fait valoir que la conclusion de cet avenant, survenue après la fin des travaux, ne correspond à aucune intervention de la société Progetto Internazionale, que la commission supplémentaire convenue de 200 000 euros, correspondant à 18 % des travaux supplémentaires commandés, représente une somme excessive par rapport au montant initialement convenu et non remis en cause, soit 5 % des travaux commandés sans pouvoir excéder un plafond de 300 000 euros. La société Tasca Aldo SRL se borne à contester l'immixtion de l'administration dans sa gestion, et à faire valoir que la commission en litige a été correctement inscrite en comptabilité et que les travaux effectués se justifient par l'entremise de la société Progetto Internazionale sur le fondement de l'avenant mentionné, sans produire aucun élément ni même explication propre à justifier de la réalité de prestations supplémentaires ou distinctes fournies par la société Progetto Internazionale, ou de l'accomplissement de diligences particulières au stade des négociations relatives aux travaux supplémentaires et modificatifs, de nature à justifier qu'un taux de 18 %, notablement supérieur au taux convenu initialement, puisse être retenu pour déterminer le montant des commissions dues à raison de la réalisation des travaux supplémentaires.

6. Dans ces conditions, eu égard aux éléments et explications respectivement fournies par l'administration et par le contribuable et en dépit de la circonstance que l'administration n'a pas remis en cause la totalité de la commission supplémentaire prévue par l'avenant conclu le 26 septembre 2012, cette dernière doit être regardée comme établissant que la charge en cause était dépourvue de contrepartie réelle et n'a pas été exposée dans l'intérêt propre de la société Tasca Aldo SRL. Dès lors, c'est à bon droit qu'elle a remis en cause la déduction en charge d'une somme de 180 000 euros comptabilisée au titre de cette commission.

7. En second lieu, aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. - (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, (...). ".

8. La société Tasca Aldo SRL ne peut utilement se prévaloir de la circonstance qu'elle a acquitté des impôts en Italie et qu'elle aurait subi une double imposition économique, l'imposition en litige étant déterminée conformément aux dispositions précitées de l'article 209, I du code général des impôts à raison des seuls bénéfices réalisés en France par son établissement inscrit au registre du commerce et des sociétés en France. En tout état de cause, elle ne justifie pas de l'existence d'une telle imposition en Italie.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Tasca Aldo SRL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation de ce jugement et de décharge doivent dès lors être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". Aux termes de l'article R. 761-1 du même code : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. ".

11. Les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Tasca Aldo SRL demande au titre des frais qu'elle a exposés. En outre, la présente instance n'ayant donné lieu à aucuns dépens, les conclusions présentées par la société Tasca Aldo SRL en application de l'article R. 761-1 du même code ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Tasca Aldo SRL est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Tasca Aldo Società a responsabilità limitata (SRL) et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Île-de-France.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président de chambre,

- M. Simon, premier conseiller,

- Mme Fullana, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 11 février 2022.

La rapporteure,

M. FULLANA Le président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20PA02386


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02386
Date de la décision : 11/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Acte anormal de gestion.


Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Maguy FULLANA
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : CABINET ARTESIA (AARPI)

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-02-11;20pa02386 ?
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