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08/02/2022 | FRANCE | N°21PA00611

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 08 février 2022, 21PA00611


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 6 juillet 2019 par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer une carte de résident " résident de longue durée-UE ".

Par un jugement n° 2007617/1-1 du 16 décembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 février et 28 juin 2021, M. C..., représenté par Me Perriez, demande à l

a Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2007617/1-1 du 16 décembre 2020 du Tribunal administratif de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 6 juillet 2019 par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer une carte de résident " résident de longue durée-UE ".

Par un jugement n° 2007617/1-1 du 16 décembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 février et 28 juin 2021, M. C..., représenté par Me Perriez, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2007617/1-1 du 16 décembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 6 juin 2019 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les dispositions de l'article R. 314-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnaissent les objectifs de la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 et les dispositions de l'article 45 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la décision est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions de cette même directive ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la même convention en ce qu'elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale.

Par un mémoire du 10 juin 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 26 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant mauricien né le 17 novembre 1976, est entré en France en 1997. Le 19 mars 2018, il a sollicité la délivrance d'une carte de résident " résident de longue durée-UE ". Par une décision du 6 juin 2019, le préfet de police a rejeté sa demande. M. C... fait appel du jugement du 16 décembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de L. 314-8 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " Une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " est délivrée de plein droit à l'étranger qui justifie : 1° D'une résidence régulière ininterrompue d'au moins cinq ans en France au titre de l'une des cartes de séjour temporaires ou pluriannuelles ou de l'une des cartes de résident prévues au présent code, à l'exception de celles délivrées sur le fondement des articles L. 313-7, L. 313-7-1, L. 313-7-2 ou L. 313-13, du 3° de l'article L. 313-20, de l'article L. 313-21 lorsqu'il s'agit du conjoint ou des enfants du couple de l'étranger titulaire de la carte de séjour délivrée en application du 3° de l'article L. 313-20, des articles L. 313-23, L. 313-24, L. 317-1 ou du 8° de l'article L. 314-11. / Les années de résidence sous couvert d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " retirée par l'autorité administrative sur le fondement d'un mariage ayant eu pour seules fins d'obtenir un titre de séjour ou d'acquérir la nationalité française ne peuvent être prises en compte pour obtenir la carte de résident ; / 2° De ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur, indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles ainsi qu'aux articles L. 5423-1, L. 5423-2 et L. 5423-3 du code du travail. La condition prévue au présent 2° n'est pas applicable lorsque la personne qui demande la carte de résident est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code ; ". Aux termes de l'article R. 314-1-1 du même code : " L'étranger qui sollicite la délivrance de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " doit justifier qu'il remplit les conditions prévues aux articles L. 314-8, L. 314-8-1 ou L. 314-8-2 en présentant, outre les pièces mentionnées aux articles R. 311-2-2 et R. 314-1, les pièces suivantes : / (...) 2° La justification qu'il dispose de ressources propres, stables et régulières, suffisant à son entretien, indépendamment des prestations et des allocations mentionnées au 2° de l'article L. 314-8, appréciées sur la période des cinq années précédant sa demande, par référence au montant du salaire minimum de croissance ; lorsque les ressources du demandeur ne sont pas suffisantes ou ne sont pas stables et régulières pour la période des cinq années précédant la demande, une décision favorable peut être prise, soit si le demandeur justifie être propriétaire de son logement ou en jouir à titre gratuit, soit en tenant compte de l'évolution favorable de sa situation quant à la stabilité et à la régularité de ses revenus, y compris après le dépôt de la demande. (...) "

3. Aux termes de l'article 1er de la directive du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée a pour objet d'établir, aux termes de son article 1er : " les conditions d'octroi et de retrait du statut de résident de longue durée accordé par un Etat membre aux ressortissants de pays tiers qui séjournent légalement sur son territoire, ainsi que les droits y afférents " et " les conditions de séjour dans des Etats membres autres que celui qui a octroyé le statut de longue durée pour les ressortissants de pays tiers qui bénéficient de ce statut ". Aux termes du paragraphe 1 de son article 4 : " les Etats membres accordent le statut de résident de longue durée aux ressortissants de pays tiers qui ont résidé de manière légale et ininterrompue sur leur territoire pendant les cinq années qui ont immédiatement précédé l'introduction de la demande en cause ". Toutefois, aux termes du paragraphe 1 de l'article 5 : " les Etats membres exigent du ressortissant d'un pays tiers de fournir la preuve qu'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille qui sont à sa charge : a) de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille sans recourir au système d'aide sociale de l'Etat membre concerné. Les Etats membres évaluent ces ressources par rapport à leur nature et à leur régularité et peuvent tenir compte du niveau minimal des salaires et pensions avant la demande d'acquisition du statut de résident de longue durée (...) ".

4. Aux termes de l'article 45 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : "1. Tout citoyen de l'Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres. 2. La liberté de circulation et de séjour peut être accordée, conformément aux traités, aux ressortissants de pays tiers résidant légalement sur le territoire d'un État membre ". Aux termes de son article 52 : " les droits reconnus par la présente charte qui trouvent leur fondement dans les traités communautaires ou dans le traité sur l'Union européenne s'exercent dans les conditions et limites définies par ceux-ci ".

5. En premier lieu, les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être interprétées conformément aux objectifs de la directive du 25 novembre 2003, dont elles assurent la transposition et qui visent à permettre la délivrance d'un titre de séjour de longue durée, valable dans l'ensemble du territoire de l'Union, aux ressortissants de pays tiers résidant dans un Etat membre et remplissant certaines conditions, dont celle de disposer de ressources suffisantes pour ne pas être à la charge de l'Etat, ainsi qu'à uniformiser la définition des ressources prises en compte à cette fin.

6. Le requérant soutient qu'en fixant à cinq ans la période sur laquelle les ressources sont appréciées, l'article R. 314-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnait les objectives de la directive du 25 novembre 2003. Toutefois, eu égard aux caractéristiques du titre de séjour sollicité et compte tenu des dérogations offertes par l'article R. 314-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant dans certaines hypothèses la délivrance du titre sollicité en cas de ressources insuffisantes ou irrégulières sur la période de référence, la prise en compte d'une période suffisamment longue pour apprécier les ressources du demandeur ne méconnaît ni les objectifs de la directive précitée, ni l'article 45 de la charte des droits fondamentaux de l'Union.

7. En deuxième lieu, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

8. Il ressort des termes de la décision contestée que pour rejeter la demande de M. C... tendant à la délivrance d'une carte de résident, le préfet de police s'est fondé exclusivement sur le fait que les ressources du requérant pour les cinq années précédant la date de dépôt de sa demande étaient inférieures au salaire minimum de croissance. Toutefois dans son mémoire en défense devant le tribunal, le préfet de police a soutenu que le refus contesté était également motivé par la circonstance que si le requérant occupait un logement à titre gratuit cette circonstance ne suffisait pas à contrebalancer l'insuffisance de ces ressources. Ainsi contrairement à ce que soutient M. C..., le moyen tiré de l'erreur de droit résultant de ce que le préfet de police se serait uniquement fondé pour refuser le titre sollicité sur l'insuffisance de ses ressources par rapport au salaire minimum de croissance, sans procéder à l'examen particulier de sa situation exigé par le droit de l'Union européenne, doit en tout état de cause être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

10. Si M. C... soutient qu'il réside de manière ininterrompue sur le territoire français depuis 1997, qu'il travaille régulièrement depuis 2014 et qu'il n'a plus d'attaches familiales dans son pays d'origine, il est constant qu'il bénéficie d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler. Par suite, le simple refus de lui délivrer la carte de résident ne peut, par lui-même, être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme portant atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit dès lors être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- Mme Élodie Jurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2022.

La rapporteure,

E. A...Le président,

C. JARDIN

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA00611 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00611
Date de la décision : 08/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour. - Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Elodie JURIN
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : PERRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-02-08;21pa00611 ?
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