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08/02/2022 | FRANCE | N°21PA00437

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 08 février 2022, 21PA00437


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé son admission au séjour, lui a retiré son attestation de demandeur d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par une ordonnance n° 2010259 du 14 décembre 2020, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête

enregistrée le 25 janvier 2021, M. B..., représenté Me Gonidec, demande à la Cour :

1°) de l'ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé son admission au séjour, lui a retiré son attestation de demandeur d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par une ordonnance n° 2010259 du 14 décembre 2020, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 25 janvier 2021, M. B..., représenté Me Gonidec, demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler l'ordonnance n° 2010259 du 14 décembre 2020 du Tribunal administratif de Melun ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 novembre 2020 du préfet du Val-de-Marne ;

4°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne, à titre principal de lui délivrer un titre de séjour et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Gonidec au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité ;

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- il a été pris en méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- il méconnaît l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant refus de délai de départ volontaire est illégale à raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;

La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Jurin a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant guinéen, né le 20 février 1992, est entré en France 2017. Par un arrêté du 20 novembre 2020, le préfet du Val-de-Marne a refusé son admission au séjour, lui a retiré son attestation de demandeur d'asile et a prononcé, sur le fondement du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... interjette appel de l'ordonnance du 14 décembre 2020, par laquelle le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté susmentionné.

Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991, visée ci-dessus : " Dans les cas d'urgence (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président (...) ".

3. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'admettre, à titre provisoire, M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

4. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur : " (...) / I bis- L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II du même article L. 511-1 peut, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. / La même procédure s'applique lorsque l'étranger conteste une obligation de quitter le territoire fondée sur le 6° du I dudit article L. 511-1 et une décision relative au séjour intervenue concomitamment. Dans cette hypothèse, le président du tribunal administratif ou le juge qu'il désigne à cette fin statue par une seule décision sur les deux contestations. / L'étranger qui fait l'objet d'une interdiction de retour prévue au sixième alinéa du III du même article L. 511-1 peut, dans le délai de quinze jours suivant sa notification, demander l'annulation de cette décision. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté a été notifié au requérant le 26 novembre 2020 et que le délai de recours contentieux de quinze jours a donc commencé à courir à compter de cette date. Or, M. B... a saisi le Tribunal administratif de Melun le 11 décembre 2020, avant l'expiration du délai de recours contentieux. M. B... est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa requête comme étant tardive. Par suite, l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit être annulée.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. B... présentée devant le Tribunal administratif de Melun.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire et de la décision fixant le pays de renvoi :

7. En premier lieu, les décisions attaquées mentionnent les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les éléments de faits relatifs à la situation administrative et personnelle du requérant qui en constituent le fondement. Il ne ressort pas de cette motivation que le préfet s'est abstenu de procéder à un examen approfondi de sa situation.

8. En deuxième lieu, si aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant.

9. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

10. En l'espèce, M. B... a pu présenter les observations sur sa situation qu'il estimait utiles dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile. Il n'allègue pas avoir sollicité en vain un entretien auprès des services préfectoraux, ni même avoir été empêché de présenter des observations ou des documents avant que ne soit prise la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté querellé a été pris en méconnaissance du principe du contradictoire.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci (...) ".

12. Il ressort des pièces du dossier que le recours présenté par M. B... aux fins d'annulation de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 juillet 2019 a été rejeté par une décision de la Cour nationale du droit d'asile lue en audience publique le 9 octobre 2020. M. B... bénéficiait donc du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à cette date, et non jusqu'à celle de la notification de la décision, en application de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

13. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...) ".

14. M. B... est célibataire et sans charge de famille. Il a vécu dans son pays au moins jusqu'à l'âge de 25 ans et n'est entré en France, selon ses déclarations, qu'en 2017. Dans ces conditions, quand bien même il n'aurait jamais troublé l'ordre public ou suivrait des études et bénéficierait d'un contrat de travail, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet du Val-de-Marne n'a pas davantage commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

15. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

16. Si M. B... soutient qu'il encourt des risques pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine, il n'apporte toutefois, aucun élément de preuve au soutien de ses allégations et n'établit donc pas qu'il encourrait des risques personnels et effectifs pour sa sécurité alors, au demeurant, que sa demande de reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, rejet confirmé par la Cour nationale du droit d'asile, comme il a déjà été dit, et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Val-de-Marne n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.

Sur la légalité de la décision portant délai de départ volontaire :

17. Il résulte de ce qui précède, que le moyen, invoqué à l'encontre de la décision distincte fixant le délai de départ volontaire, et tiré de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire doit être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander à la Cour l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 20 novembre 2020. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles au titre des frais liés au litige ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : M. B... est admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : L'ordonnance n° 2010259 du 14 décembre 2020 du Tribunal administratif de Melun est annulée.

Article 3 : Le surplus de la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Melun et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- Mme Jurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 février 2022

La rapporteure,

E. JURINLe président,

C. JARDIN

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA00437 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00437
Date de la décision : 08/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-01-02 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. - Légalité externe. - Motivation.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Elodie JURIN
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : GONIDEC

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-02-08;21pa00437 ?
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