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08/02/2022 | FRANCE | N°20PA02277

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 08 février 2022, 20PA02277


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti pour un montant de 63 951 euros au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014.

Par un jugement n° 1807074/1-2 du 14 avril 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 août 2020, M. B..., représenté par Me Jacquot puis par Me Turon, de

mande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1807074/1-2 du 14 avril 2020 du Tribunal admin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti pour un montant de 63 951 euros au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014.

Par un jugement n° 1807074/1-2 du 14 avril 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 août 2020, M. B..., représenté par Me Jacquot puis par Me Turon, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1807074/1-2 du 14 avril 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle suivante : " L'article 132-1-c de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, qui prévoit que " les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'Etat membre concerné " sont exonérés de TVA, et tel qu'il a été interprété par la Cour, notamment dans son arrêt C-91/12 du 21 mars 2013, impose-t-il à une administration fiscale de tenir compte de la qualification donnée par une autorité sanitaire sur un acte médical et indiquée dans la classification faite de cet acte par cette même autorité ' " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'a pas été donné suite à sa demande de rencontre avec l'interlocuteur départemental formulée par son courrier du 23 novembre 2016 ;

- l'administration supporte la charge de la preuve dès lors que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires s'est prononcée sur le rehaussement ;

- l'exonération des actes thérapeutiques n'est pas subordonnée à leur remboursement par la sécurité sociale et elle peut être admise pour des actes médicaux non remboursés mais dont l'intérêt thérapeutique est reconnu par l'autorité sanitaire ;

- les actes en cause sont des actes thérapeutiques ne devant pas être soumis à la taxe sur la valeur ajoutée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jurin,

- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'une vérification de comptabilité de son activité libérale de chirurgie plastique, M. B... s'est vu assigner des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, d'un montant total de 63 951 euros en droits et pénalités. Il fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ". Le paragraphe 5 du chapitre III de cette charte, dans sa rédaction applicable au litige, précise : " Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur principal (...). Si après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur départemental qui est un fonctionnaire de rang élevé spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur ". Aux termes de l'article L. 59 de ce livre, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque le désaccord persiste sur les redressements notifiés, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis (...) de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que, lorsque des désaccords subsistent entre l'administration et le contribuable sur les redressements envisagés, il est loisible au contribuable, de faire appel à l'interlocuteur départemental, aussi bien avant la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qu'après que cette commission, saisie par ailleurs, a rendu son avis et, dans cette dernière hypothèse, jusqu'à la date de la mise en recouvrement de l'impôt. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que la demande de saisine de l'interlocuteur départemental soit, dans le cas où elle est formée par le contribuable avant la saisine de la commission départementale, subordonnée à la réalisation ultérieure d'une condition tenant à ce que l'avis de celle-ci soit défavorable au contribuable ou qu'elle se déclare incompétente pour connaître du litige. L'administration n'entache pas d'irrégularité la procédure d'établissement de l'impôt en s'abstenant de donner suite à une telle demande conditionnelle de saisine de l'interlocuteur départemental, qui ne peut être regardée comme régulièrement formée.

4. Il résulte de l'instruction que M. B... a dans un courrier du 25 novembre 2016 sollicité un entretien avec le supérieur hiérarchique du vérificateur puis " si le différend venait à subsister après ce rendez-vous " la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ainsi qu'un entretien avec l'interlocuteur départemental. Si le requérant soutient qu'il a demandé la saisine de l'interlocuteur départemental, il ressort des termes mêmes de son courrier que cette saisine était soumise à la condition que des différends persistent à l'issue de sa rencontre avec le supérieur hiérarchique du vérificateur. Or, il est constant que M. B... n'a pas renouvelé sa demande de saisine de l'interlocuteur départemental ni après sa rencontre avec le supérieur hiérarchique du vérificateur ni après la décision de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. En conséquence, M. B... ne peut pas soutenir que la procédure serait irrégulière à défaut de rencontre avec l'interlocuteur départemental.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.

6. M. B... soutient que l'existence d'un avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires défavorable à l'administration a pour effet de faire peser la charge de la preuve du caractère thérapeutique des actes pratiqués et donc de l'exonération à la taxe sur la valeur ajoutée sur l'administration. Toutefois, en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, le sens de l'avis de cette commission, en l'espèce, est dépourvu d'incidence sur la dévolution de la charge de la preuve, qui s'effectue selon les principes rappelés au point 5.

En ce qui concerne l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée :

7. En vertu des dispositions du c) du 1° du A de l'article 13 de la directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés du 17 mai 1977, reprises au c) du paragraphe 1 de l'article 132 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, les Etats membres exonèrent " les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'État membre concerné ". Aux termes du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, sont exonérés de TVA : " les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...) ".

8. Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans son arrêt Skatteverket c/ PFC Clinic AB du 21 mars 2013, que seuls les actes de médecine et de chirurgie esthétique dispensés dans le but " de diagnostiquer, de soigner et, dans la mesure du possible, de guérir " des personnes qui, par suite d'une maladie, d'une blessure ou d'un handicap physique congénital, nécessitent une telle intervention, poursuivent une finalité thérapeutique et doivent, dès lors, être regardés comme des soins à la personne exonérés de taxe sur la valeur ajoutée. Il en va différemment lorsque ces actes n'obéissent en aucun cas à une telle finalité.

9. En vertu des dispositions combinées des articles L. 6322-1 et R. 6322-1 du code de la santé publique, les actes de chirurgie esthétique qui n'entrent pas dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie au sens de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale, sont des actes qui tendent à modifier l'apparence corporelle d'une personne, à sa demande, sans visée thérapeutique ou reconstructrice. Les actes de médecine ou de chirurgie esthétique à finalité thérapeutique relèvent des dispositions de l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, aux termes desquelles la prise en charge par l'assurance maladie est subordonnée à l'inscription sur la liste qu'elles mentionnent. Cette liste prévoit le remboursement des actes de médecine ou de chirurgie esthétique répondant, pour le patient, à une indication thérapeutique, évaluée le cas échéant sur entente préalable de l'assurance maladie.

10. Les dispositions du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, interprétées conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, doivent par suite être regardées comme subordonnant l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des actes de médecine et de chirurgie esthétique non à la condition que ces actes fassent l'objet d'un remboursement effectif par la sécurité sociale mais à celle qu'ils entrent dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie, ce qui suppose leur inscription sur la liste prévue par l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, établie selon des critères objectifs et rationnels. Toutefois, la seule inscription d'un acte sur la liste mentionnée au point 4 ne saurait suffire à le faire entrer dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie, certains actes pouvant avoir, selon les circonstances, une visée thérapeutique ou une visée non thérapeutique, l'assurance maladie subordonnant, d'ailleurs, le remboursement de certains de ces actes inscrits à un accord préalable délivré au cas par cas.

11. Pour mettre à la charge de M. B... les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, l'administration fiscale a considéré que certains des actes chirurgicaux qu'il avait pratiqués pendant la période en litige ne bénéficiaient pas de l'exonération prévue au 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts précité dès lors que ces actes ne poursuivaient pas une finalité thérapeutique.

12. Pour soutenir que les actes chirurgicaux qu'il a pratiqués sont exonérés M. B..., qui est seul en mesure d'apporter des éléments sur ce point, se borne en appel comme en première instance à faire valoir que ces actes poursuivaient une finalité thérapeutique compte tenu, d'une part, de leur inscription sur la liste intitulée " classification commune des actes médicaux " (CCAM) prévue par l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale et d'autre part que la seule circonstance que ces actes ne sont pas inscrits sur la liste prévue par l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale mais soient inscrits sur la CCAM dite descriptive ne suffit pas à établir qu'ils n'ont pas de finalité thérapeutique.

13. En premier lieu, la circonstance que ces actes sont inscrits à la CCAM tarifiante qui est établie après un avis d'une autorité médicale ne suffit pas, à elle seule, à établir le caractère thérapeutique de chacun d'eux, dès lors qu'il résulte des termes de cette classification que le remboursement de certaines catégories d'actes chirurgicaux est soumis à une entente préalable au cas par cas. Or, il n'est pas établi qu'une entente préalable est intervenue dans les actes en litige.

14. En deuxième lieu, l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des actes de médecine et de chirurgie esthétique est soumise à la condition que ces actes entrent dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie, ce qui suppose leur inscription sur la liste prévue par l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, établie selon des critères objectifs et rationnels. Ainsi le requérant ne saurait utilement se prévaloir de l'évolution de l'interprétation du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts par l'administration fiscale pour considérer comme présentant une finalité thérapeutique des actes non inscrits à la CCAM, dès lors qu'ils font l'objet d'un avis favorable de la Haute autorité de santé. En tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction qu'un quelconque avis ait été rendu concernant les catégories d'actes en litige.

15. En troisième lieu, les dispositions du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, interprétées comme exonérant de taxe sur la valeur ajoutée les actes de médecine et de chirurgie esthétique qui, n'étant pas pris en charge totalement ou partiellement par l'assurance maladie et dont l'intérêt thérapeutique n'a pas encore été reconnu par un avis rendu par la Haute Autorité de santé, sont réputés poursuivre une finalité autre que thérapeutique, sont compatibles avec les objectifs des dispositions des directives précitées mentionnées au point 7, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne.

16. En quatrième et dernier lieu, M. B... n'apporte aucun élément de nature à établir que les actes remis en cause poursuivent une finalité thérapeutique leur permettant de bénéficier de l'exonération prévue par le 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts.

17. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union Européenne d'une question préjudicielle, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques de la direction régionale du contrôle fiscal d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- Mme Jurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2022.

La rapporteure,

E. JURINLe président de chambre,

C. JARDIN

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

2

N° 20PA02277


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02277
Date de la décision : 08/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-02 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Exemptions et exonérations.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Elodie JURIN
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : CABINET ARSENE TAXAND

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-02-08;20pa02277 ?
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