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03/02/2022 | FRANCE | N°20PA01258

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 03 février 2022, 20PA01258


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Free Mobile a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler, d'une part, la décision du 4 juin 2018 par laquelle le maire de la commune d'Arcueil s'est opposé à la déclaration de travaux qu'elle a déposée le 7 mai 2018 en vue de l'installation de trois antennes de téléphonie mobile sur la toiture d'un immeuble situé 11/13 rue Guy Gouyon du Verger et, d'autre part, la décision du 4 décembre 2018 par laquelle le maire de la commune d'Arcueil s'est opposé à la déclaration de travaux

qu'elle a déposée le 9 novembre 2018 en vue de l'installation de trois antennes...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Free Mobile a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler, d'une part, la décision du 4 juin 2018 par laquelle le maire de la commune d'Arcueil s'est opposé à la déclaration de travaux qu'elle a déposée le 7 mai 2018 en vue de l'installation de trois antennes de téléphonie mobile sur la toiture d'un immeuble situé 11/13 rue Guy Gouyon du Verger et, d'autre part, la décision du 4 décembre 2018 par laquelle le maire de la commune d'Arcueil s'est opposé à la déclaration de travaux qu'elle a déposée le 9 novembre 2018 en vue de l'installation de trois antennes de téléphonie mobile sur le même immeuble.

Par un jugement n°s 1805876, 1900472 du 4 mars 2020, le tribunal administratif de Melun a joint et rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 avril 2020, la société Free Mobile, représentée par Me Martin, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 4 mars 2020 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 décembre 2018 du maire de la commune d'Arcueil portant opposition à sa déclaration de travaux ;

2°) d'annuler la décision du 4 décembre 2018 du maire de la commune d'Arcueil s'opposant à sa déclaration de travaux en vue de l'installation de trois antennes relais de téléphonie mobile sur la toiture d'un immeuble situé 11/13 rue Guy Gouyon du Verger ;

3°) d'enjoindre au maire d'Arcueil de lui délivrer l'autorisation de construire sollicitée dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Arcueil la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le projet est sans effet sur la non-conformité de l'immeuble à la règle de hauteur prévue par le e) du paragraphe 1 du chapitre 2 du règlement du plan local d'urbanisme applicable à la zone UD, les antennes étant exclues du calcul de la hauteur et celles qui sont projetées n'étant pas plus hautes que celles déjà présentes sur le toit de l'immeuble ;

- la décision contestée est entachée d'erreur de droit en ce qu'elle est fondée sur l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme ;

- aucun élément circonstancié ne justifiait que le maire s'oppose à la déclaration préalable sur le fondement du principe de précaution énoncé par l'article 5 de la Charte de l'environnement ;

- les antennes ne générant aucun risque établi pour la salubrité ou la sécurité publique, la décision contestée ne pouvait se fonder sur les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; en outre, le risque de chute des installations, invoqué par la commune, n'apparaît pas dans la décision contestée et n'est pas fondé ;

- le projet ne méconnaît pas les dispositions du paragraphe 2 du chapitre 2 de la zone UD du règlement du plan local d'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2020, la commune d'Arcueil, représentée par Me Aaron, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Free Mobile une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la demande de la société requérante tendant à ce qu'il soit enjoint au maire d'Arcueil de lui délivrer l'autorisation de construire sollicitée ne peut être accueillie ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la Charte de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Renaudin,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bordet substituant Me Aaron, avocat, pour la commune d'Arcueil.

Considérant ce qui suit :

1. La société Free Mobile a déposé le 7 mai 2018 une déclaration préalable de travaux en vue de l'implantation de trois antennes relais en toiture d'un immeuble situé au 11/13 rue Guy Gouyon du Verger à Arcueil. Par décision du 4 juin 2018, le maire d'Arcueil s'est opposé à cette déclaration. La société Free mobile, après avoir modifié son projet, a déposé le 9 novembre 2018 une nouvelle déclaration préalable. Par une décision du 4 décembre 2018, le maire d'Arcueil s'est opposé à cette seconde déclaration de travaux. Par un jugement du 4 mars 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté les demandes de la société Free Mobile tendant à l'annulation de ces deux décisions. La société requérante fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du

4 décembre 2018.

Sur la légalité de la décision du 4 décembre 2018 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 5 de la Charte de l'environnement : " Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ", et aux termes de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme : " Le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 111-2 du même code : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".

3. S'il appartient à l'autorité administrative compétente pour se prononcer sur l'octroi d'une autorisation en application de la législation sur l'urbanisme, de prendre en compte le principe de précaution énoncé à l'article 5 de la Charte de l'environnement et auquel se réfère l'article L. 110-1 du code de l'environnement auquel renvoie l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme, ces dispositions ne lui permettent pas, indépendamment des procédures d'évaluation des risques et des mesures provisoires et proportionnées susceptibles, le cas échéant, d'être mises en œuvre par les autres autorités publiques dans leur domaine de compétence, de refuser légalement la délivrance d'une autorisation d'urbanisme en l'absence d'éléments circonstanciés sur l'existence, en l'état des connaissances scientifiques, de risques, même incertains, de nature à justifier un tel refus d'autorisation.

4. Pour s'opposer à la déclaration préalable de la société Free Mobile, le maire de la commune d'Arcueil, se fondant sur le principe de précaution tel que les dispositions précitées de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme s'y réfèrent et sur celles de l'article L. 111-2 du même code, a estimé que compte tenu de la présence d'une crèche à 150 mètres du projet, celui-ci présentait un risque de nature à porter atteinte à la sécurité publique du fait de ses caractéristiques et de son installation, son impact s'ajoutant à celui des autres antennes relais existantes sur le territoire communal. Toutefois, il ne ressort des pièces versées au dossier aucun élément circonstancié de nature à établir l'existence, en l'état des connaissances scientifiques, d'un risque pouvant résulter, pour le public et pour les enfants plus particulièrement, de leur exposition aux champs électromagnétiques émis par les antennes relais de téléphonie mobile, ni que ce risque serait aggravé par un effet de cumul avec d'autres antennes, lequel n'est en outre pas caractérisé par la commune. Dans ces conditions le maire d'Arcueil ne pouvait s'opposer à la déclaration de travaux déposée par la société Free Mobile, ni au titre du principe de précaution, ni à celui de ses pouvoirs de police. En outre, la circonstance que les pièces du dossier de déclaration préalable de travaux ne précisent pas le mode de fixation des antennes relais, ne permet pas d'établir que le projet de la société requérante compromettrait la sécurité publique.

5. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 2 du chapitre 2 du règlement du plan local d'urbanisme applicable en zone UDb, relatif à l'insertion architecturale, urbaine, paysagère et environnementale des constructions, d'une part en ce qui concerne les antennes paraboliques et climatiseur : " Les antennes et les climatiseurs doivent être implantés à un endroit non visible du domaine public (sauf impossibilité technique). Lorsqu'elles s'implantent en terrasse, elles doivent être le plus en retrait possible de la façade. Elles doivent avoir une couleur qui s'intègre avec la partie de construction sur laquelle elles sont fixées. ", et d'autre part, en ce qui concerne les travaux sur les constructions existantes : " Les éventuels travaux de transformation ou d'extension portant sur une construction existante qui présente un intérêt architectural ou patrimonial devront veiller à préserver les aspects qualitatifs de l'architecture d'origine (...) ".

6. Pour s'opposer à la déclaration préalable présentée par la société Free Mobile, le maire de la commune d'Arcueil a également retenu que le projet méconnaissait les dispositions précitées au point 5, compte tenu de ce que les antennes projetées ne seraient en retrait que d'environ 1 mètre de la façade, et seraient visibles de la voie publique, et que l'immeuble où elle seraient implantées présentait un intérêt patrimonial du fait de ses caractéristiques architecturales de l'entre-deux-guerres. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le tissu urbain environnant est assez hétéroclite, composé majoritairement de pavillons, au milieu desquels vient s'insérer l'immeuble en question en fond de parcelle, lequel ne présente pas d'intérêt particulier sur le plan patrimonial. Cet immeuble supporte déjà deux antennes-relais et celles qui y sont prévues seront dissimulées dans des cheminées factices de même couleur que le bâtiment. Par suite, le maire d'Arcueil ne pouvait pas non plus se fonder sur le motif de la méconnaissance des dispositions précitées du règlement du plan local d'urbanisme relatives à l'insertion architecturale, urbaine, paysagère et environnementale des constructions, pour s'opposer à la déclaration préalable de la société requérante.

7. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 du chapitre 2 du règlement du plan local d'urbanisme applicable en zone UDb, relatif à la volumétrie et à l'implantation des constructions, et de son e) relatif à leur hauteur : " Dans la zone UDb, la hauteur maximale des constructions est fixée à 12 mètres au faîtage ou à l'acrotère en cas de toiture terrasse. (...) ". Selon la définition de la hauteur de la construction donnée par le lexique de ce règlement : " La hauteur des constructions est mesurée à partir du sol naturel (...) jusqu'au faîtage dans le cas d'un toit en pente ou de l'acrotère dans le cas d'une toiture terrasse, les cheminées, antennes, ouvrages techniques et autres superstructures nécessaires au fonctionnement du bâtiment sont exclus du calcul de la hauteur. ".

8. Lorsqu'une construction existante n'est pas conforme à une ou plusieurs dispositions d'un plan local d'urbanisme régulièrement approuvé, une autorisation d'urbanisme ne peut être légalement délivrée pour la modification de cette construction, sous réserve de dispositions de ce plan spécialement applicables à la modification des immeubles existants, que si les travaux envisagés rendent l'immeuble plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues ou s'ils sont étrangers à ces dispositions.

9. Il est constant que la commune d'Arcueil a, en première instance, demandé une substitution de motifs à sa décision, en se fondant sur la méconnaissance de la règle de hauteur maximale des constructions en zone UDb fixée par les dispositions précitées du règlement du plan local d'urbanisme. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées du règlement et du lexique du plan local d'urbanisme, que les stations relais de téléphonie mobile sont soumises à une règle de hauteur maximale de construction de 12 mètres, à la seule exception de celles qui, constituant des ouvrages techniques nécessaires au fonctionnement d'un immeuble, entrent dans le champ d'application de la dérogation à cette règle. Il n'est pas contesté que les antennes-relais que la société Free Mobile entend implanter sur le toit de l'immeuble, ne sont pas nécessaires au fonctionnement de ce dernier. Il est également constant que cet immeuble présente lui-même une hauteur de 19 mètres à l'acrotère et que, par conséquent, les antennes, qui comme il vient d'être dit, doivent être prises en compte dans la hauteur de la construction, aggravent la méconnaissance de la règle de hauteur maximum. Il ressort en outre des pièces versées au dossier de déclaration préalable que les cheminées factices qui dissimuleront les antennes auront une hauteur de 3,40 mètres et que le plan d'élévation qui y est joint, représente leur hauteur comme étant supérieure à celle des antennes existantes sur l'immeuble. Si la société requérante se prévaut d'un constat d'huissier établi le 13 juillet 2018, soit antérieurement au dépôt le 9 novembre 2018 de son dossier de déclaration préalable, mais non produit avec celui-ci, selon lequel les antennes-relais existantes sur le toit auraient une hauteur similaire à celles projetées de 3,40 mètres, le projet étant, selon elle, en conséquence sans effet sur la non-conformité existante de la construction à la règle de hauteur, ce constat n'est pas probant, dès lors, d'une part, qu'il n'a pas été établi contradictoirement dans le cadre de la procédure en cours, et, d'autre part, qu'il contredit les pièces versées au dossier de déclaration préalable, qui seules ont pu être prises en compte pour fonder la décision du maire de la commune. Il en résulte que la construction projetée des antennes n'a pas pour but de rendre l'immeuble plus conforme aux dispositions réglementaires applicables, mais au contraire aggrave la méconnaissance de celles-ci, et, en tout état de cause, ne relèvent pas des travaux sur les constructions existantes pouvant être autorisés dès lors qu'ils sont sans effet sur la non-conformité de la construction existante, comme les dispositions générales du plan local d'urbanisme de la commune d'Arcueil le prévoient. Dès lors, pour s'opposer à la déclaration préalable de la société Free Mobile, le maire de la commune d'Arcueil a pu légalement retenir que le projet méconnaissait les dispositions du plan local d'urbanisme précitées fixant les règles de hauteur des constructions.

10. Il résulte de ce qui précède que la société Free Mobile n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune d'Arcueil, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Free mobile demande au titre des frais qu'elle a exposés. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société requérante une somme de 1 500 euros à verser à la commune d'Arcueil.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Free mobile est rejetée.

Article 2 : La société Free mobile versera à la commune d'Arcueil une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Free Mobile et à la commune d'Arcueil.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Renaudin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 février 2022.

La rapporteure,

M. RENAUDINLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA01258 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01258
Date de la décision : 03/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-045 Urbanisme et aménagement du territoire. - Autorisations d`utilisation des sols diverses. - Régimes de déclaration préalable.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : DLA PIPER FRANCE LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-02-03;20pa01258 ?
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