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31/01/2022 | FRANCE | N°21PA05245

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 31 janvier 2022, 21PA05245


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... D... épouse C... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2019 par lequel le préfet du

Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2000435 du 20 août 2021, le Tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 18 décembre 2019 du préfet du Val-de-Marne en tant qu'il a refusé à Mme A... D... épouse C... la délivran

ce d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... D... épouse C... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2019 par lequel le préfet du

Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2000435 du 20 août 2021, le Tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 18 décembre 2019 du préfet du Val-de-Marne en tant qu'il a refusé à Mme A... D... épouse C... la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme A... D... épouse C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 septembre 2021, la préfète du Val-de-Marne demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000435 du 20 août 2021 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande de Mme A... D... épouse C... présentée devant le Tribunal administratif de Melun.

Elle soutient que :

- l'arrêté a été pris en application des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction en vigueur avant le 1er mars 2019 et le refus de délivrance du titre de séjour sollicité est fondé sur le motif d'une fraude manifeste ayant pour but de faciliter la délivrance d'un document de séjour ; la circonstance que le ressortissant français qui a reconnu l'enfant ne contribue pas à son entretien ou à son éducation, retenue dans l'arrêté en litige, s'inscrivait dans un examen d'ensemble de la situation de l'intéressée pour établir le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité ;

- elle renvoie à ses écritures de première instance en ce qui concerne les autres moyens soulevés par la requérante.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 octobre 2021, Mme A... D... épouse C..., représentée par Me Boula, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour :

1°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de lui délivrer une carte de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à verser à Me Boula, sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- le moyen soulevé par la préfète n'est pas fondé ;

- les décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées ;

- elles ont été prises à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que la préfète aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;

- l'arrêté méconnaît le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle est la mère d'un enfant français et que l'administration n'apporte pas la preuve que la reconnaissance de paternité de l'enfant est frauduleuse ;

- il méconnaît le 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle est mariée avec un ressortissant français ;

- il méconnaît l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où elle est titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée et dispose de revenus substantiels ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... D... épouse C..., ressortissante camerounaise, née le 28 juin 1991, entrée irrégulièrement en France en 2015 selon ses déclarations, a sollicité, le 28 novembre 2017, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article

L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 18 décembre 2019, le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 20 août 2021, le Tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté en tant qu'il a refusé à Mme A... D... épouse C... la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. La préfète du Val-de-Marne relève appel de ce jugement.

Sur l'étendue des conclusions de Mme A... D... épouse C... :

2. Mme A... D... épouse C... reprend en appel ses conclusions aux fins d'injonction. Elle doit être regardée comme demandant à la Cour, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il a rejeté ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 et applicable aux demandes de titre de séjour déposées avant le

1er mars 2019, conformément aux dispositions du IV de l'article 71 de cette loi : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... D... épouse C... a donné naissance le 25 octobre 2017 à une fille, reconnue de manière anticipée le

24 février 2017 par M. B..., ressortissant français. Pour annuler la décision de refus de séjour en litige, les premiers juges ont estimé qu'en retenant que Mme A... D... épouse C... n'établissait pas que le père de son enfant français contribuait à l'entretien et l'éducation de celui-ci, le préfet du Val-de-Marne s'était fondé sur le deuxième alinéa du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version issue de l'article 55 de la loi du 10 septembre 2018 alors que la demande de titre de séjour de l'intéressée, qui a été déposée de manière complète avant le 1er mars 2019, était régie par les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 septembre 2018 et que, par suite, le préfet avait méconnu le champ d'application de la loi dans le temps. Toutefois, il ressort des termes de la décision de refus de séjour en litige que le préfet s'est fondé sur " la chronologie des faits " qui " révèle le caractère opportun de la reconnaissance de paternité ", l'intéressée étant en situation irrégulière sur le territoire lors de la naissance de son enfant en France, sur les conclusions d'une enquête de police du 2 mai 2019 mentionnant que l'intéressée a déclaré n'avoir jamais eu aucune communauté de vie avec l'auteur de la reconnaissance de paternité que ce soit avant ou après la naissance de l'enfant, sur la circonstance que la personne ayant reconnu l'enfant n'entretient pas avec lui de liens d'une particulière intensité et ne contribue pas effectivement à son entretien et à son éducation et sur le fait que le " père présumé " a souscrit au moins deux autres reconnaissances de paternité en 2017 et 2018 au profit de mères différentes qui ont toutes deux sollicité leur admission au séjour en qualité de mère d'un enfant français pour déduire de l'ensemble de ces éléments, qu'il qualifie de précis, sérieux et concordants, que la reconnaissance de l'enfant de Mme A... D... épouse C... a été souscrite dans le but de faciliter la délivrance d'un document de séjour, ce qui constitue une " fraude manifeste ". Ainsi, la circonstance que le père de l'enfant français de Mme A... D... épouse C... ne contribuait pas à son entretien et à son éducation n'est qu'un élément d'appréciation retenu par le préfet pour établir le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité. Dans ces conditions, la préfète du Val-de-Marne est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé, pour le motif tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi dans le temps, la décision de refus de séjour en litige.

5. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... D... épouse C... devant le Tribunal administratif de Melun et la Cour.

Sur les autres moyens soulevés par Mme A... D... épouse C... :

6. Les seuls éléments retenus par le préfet du Val-de-Marne dans la décision en litige et énoncés au point 4 ne suffisent pas à établir le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité de l'enfant de Mme A... D... épouse C.... Dès lors, en l'absence d'éléments précis et concordants de nature à remettre en cause, en l'état, la réalité de la paternité de l'enfant de Mme A... D... épouse C..., la préfète du Val-de-Marne ne peut être regardée comme établissant le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une action en contestation de la filiation aurait été engagée par le ministère public, ni même qu'un signalement au procureur de la République compétent aurait été effectué. Par suite, Mme A... D... épouse C... est fondée à soutenir que le préfet du Val-de-Marne a méconnu dans sa décision le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... D... épouse C..., que la préfète du Val-de-Marne n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 18 décembre 2019.

Sur l'appel incident de Mme A... D... épouse C... :

8. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté du 18 décembre 2019 énoncé ci-dessus, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'administration oppose une nouvelle décision de refus, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que soit délivrée à Mme A... D... épouse C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme A... D... épouse C....

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

9. Il résulte du point 8 qu'il y a lieu d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de délivrer à Mme A... D... épouse C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... D... épouse C... ait présenté une demande d'aide juridictionnelle dans la procédure d'appel. Dans ces conditions, son avocat ne peut pas se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par suite, les conclusions présentées à ce titre par Me Boula, avocat de Mme A... D... épouse C..., doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la préfète du Val-de-Marne est rejetée.

Article 2 : Le jugement n° 2000435 du 20 août 2021 du Tribunal administratif de Melun est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions aux fins d'injonction tendant à la délivrance d'une carte de séjour présentées par Mme A... D... épouse C....

Article 3 : Il est enjoint à la préfète du Val-de-Marne de délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mme A... D... épouse C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions d'appel de Mme A... D... épouse C... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A... D... épouse C....

Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2022.

La rapporteure,

V. LARSONNIER Le président,

R. LE GOFF

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05245


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05245
Date de la décision : 31/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : BOULA

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-01-31;21pa05245 ?
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