Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2020 par lequel le préfet du Val-d'Oise l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2017748/6 du 7 décembre 2020, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 avril et 8 juin 2021, Mme C..., représentée par Me Visscher, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2017748/6 du 7 décembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2020 du préfet du Val-d'Oise ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me Visscher, conseil de Mme C..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :
- la décision contestée a été signée par une personne incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que son compagnon et père de son enfant souffre d'une hépatite B et ne peut pas être soigné en Géorgie ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle dès lors notamment que l'état de sa grossesse ne lui permettait pas de quitter le territoire français dans le délai imparti ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision contestée est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison des craintes pour sa sécurité en cas de retour en Géorgie ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet du Val-d'Oise qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 26 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Larsonnier,
- et les observations de Me de Metz, avocate de Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., nommée Kozmara dans l'arrêté contesté, ressortissante géorgienne, née le 24 juin 1977, entrée en France en 2018 selon ses déclarations, a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du 11 février 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 14 juin 2019. Par un arrêté du 8 octobre 2020, le préfet du Val-d'Oise l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du
7 décembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Mme C... relève appel de ce jugement.
Sur le moyen commun aux décisions contestées :
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont les dispositions sont désormais reprises aux articles L. 611-1 et L. 612-1 de ce code : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. (...); La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) ".
3. Les décisions contestées visent les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment l'alinéa 6 du I de l'article L. 511-1. Elles précisent l'identité, la date et le lieu de naissance de Mme C.... Elles indiquent que la demande d'asile de cette dernière a été rejetée par les décisions respectives de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile des 11 février 2019 et 14 juin 2019, que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a, en application du 1°du I de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, statué en procédure accélérée sur la demande de Mme C..., qui provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr, et en conséquence, que l'intéressée ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire. Elles mentionnent que l'époux de Mme C... fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français notifiée le 8 octobre 2020 et d'un second réexamen de sa demande d'asile et portent l'appréciation selon laquelle il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme C... au respect de sa vie privée et familiale. Elles indiquent que l'intéressée n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour au titre du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, elles mentionnent que Mme C... n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, ou dans son pays de résidence habituelle où elle est effectivement admissible. Par ailleurs, le délai de trente jours accordé à un étranger pour exécuter une obligation de quitter le territoire français correspond au délai de droit commun susceptible d'être accordé en application de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et dès lors, la fixation à trente jours du délai de départ volontaire accordé à Mme C... n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique. Ainsi, les décisions contestées mentionnent de façon suffisamment précise les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, le préfet de police n'étant pas tenu de mentionner l'ensemble des éléments de la situation personnelle de Mme C.... Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions litigieuses manque en fait.
Sur le moyen commun aux décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours :
4. Les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours ont été signées par Mme E... D..., chef du bureau de l'intégration et des naturalisations à la préfecture du Val-d'Oise, qui dispose d'une délégation pour signer les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant un délai de départ volontaire en vertu d'un arrêté n° 19-078 du 2 septembre 2019 du préfet du Val-d'Oise, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions contestées doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Mme C..., entrée en France en 2018 selon ses déclarations, soutient qu'elle vit avec un compatriote, M. B..., qui souffre d'une hépatite B et qui ne peut pas bénéficier d'une prise en charge médicale adaptée à son état de santé en Géorgie, et que le couple a un enfant né le 10 décembre 2020 en France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. B... était en situation irrégulière à la date de la décision contestée du 8 octobre 2020 et que, le même jour, il a également fait l'objet d'une décision l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Au demeurant, Mme C... ne produit aucune pièce concernant l'état de santé de son compagnon. Mme C..., qui était enceinte de sept mois à la date de la décision contestée, n'établit pas que sa vie familiale ne pourrait pas se poursuivre en Géorgie. Dans ces conditions, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6 et alors en outre que la demande d'asile de Mme C... a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 11 février 2019, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 14 juin 2019, le préfet du Val-d'Oise n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée sur sa situation personnelle.
Sur la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours :
8. Il ressort des pièces du dossier, notamment du certificat médical du
9 octobre 2020 établi par la gynécologue qui suivait Mme C..., que cette dernière était enceinte de sept mois à la date de la décision contestée et n'était pas en état de voyager à ce stade de sa grossesse. Dans ces conditions, Mme C... justifie d'une circonstance exceptionnelle, au sens des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de nature à justifier l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Par suite, en lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours, le préfet du Val-d'Oise a commis une erreur manifeste d'appréciation. Il s'ensuit que Mme C... est fondée à demander l'annulation de la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours.
Sur la décision fixant le pays de destination :
9. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination doit, en conséquence, être écarté.
10. En deuxième lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
11. Mme C... soutient qu'en cas de retour dans son pays d'origine, elle sera exposée à un risque de persécutions en raison d'un différend avec un policier qui a notamment conduit à ce que sa famille la rejette. Toutefois, elle ne produit aucune pièce au soutien de ces affirmations alors que, comme il a déjà été dit, sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 11 février 2019 et par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 14 juin 2019. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
12. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet du Val d'Oise n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de Mme C....
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 octobre 2020 par laquelle le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours et à demander l'annulation de ce jugement dans cette mesure et de cette décision.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
14. Eu égard au motif d'annulation de la décision refusant d'accorder à Mme C... un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
15. Mme C... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Visscher, conseil de Mme C..., de la somme de 1 200 euros, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2017748/6 du 7 décembre 2020 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de Mme C... tendant à l'annulation de la décision du 8 octobre 2020 du préfet du Val-d'Oise lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours et la décision du 8 octobre 2020 du préfet du Val-d'Oise accordant un délai de départ volontaire de trente jours sont annulées.
Article 2 : L'Etat versera à Me Visscher, conseil de Mme C..., une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Val-d'Oise.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2022.
La rapporteure,
V. LARSONNIER Le président,
R. LE GOFF
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA02131