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31/01/2022 | FRANCE | N°21PA01314

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 31 janvier 2022, 21PA01314


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 10 février 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis en tant que celui-ci l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2101908 du 15 février 2021, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

P

rocédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 mars 2021, M. D..., représenté pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 10 février 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis en tant que celui-ci l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2101908 du 15 février 2021, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 mars 2021, M. D..., représenté par Me Walther, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2101908 du 15 février 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 février 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis en tant que celui-ci l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation aux fins de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant la durée de ce réexamen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu son droit à être entendu lorsqu'il s'est présenté à la convocation du 10 février 2021 ;

- il n'a pas pu présenter une nouvelle demande de titre de séjour le 10 février 2021 ;

- le préfet aurait dû saisir le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;

- l'absence de saisine du collège de médecins de l'OFII révèle une méconnaissance de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 7 décembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Melun a enjoint au préfet de réexaminer sa situation ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le défaut de prise en charge médicale adaptée à son état de santé pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé, que son état de santé ne lui permet pas de voyager sans risque et que son traitement est indisponible en Algérie ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle dès lors que son renvoi en Algérie aura pour nécessaire conséquence d'aggraver son état de santé.

S'agissant de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

- le signataire de la décision contestée est incompétent ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il présente des garanties de représentation suffisantes ;

- le préfet, en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- le signataire de la décision contestée est incompétent ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il souffre d'un état de stress post-traumatique résultant des événements traumatisants qu'il a vécus en Algérie et que son renvoi dans ce pays aura pour nécessaire conséquence d'aggraver son état de santé.

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision contestée est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus d'octroi d'un délai de départ volontaire ;

- elle est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne se prononce pas sur les quatre critères définis au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions du III de l'article L. 511-1 de ce code dès lors que son état de santé est constitutif d'une circonstance humanitaire ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant algérien né le 20 avril 1980 et entré en France le

10 novembre 2015 sous couvert d'un visa C valable du 25 octobre 2015 au 21 avril 2016, a sollicité le 29 août 2018 la délivrance d'un certificat de résidence pour raisons médicales, sur le fondement de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 29 octobre 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par une ordonnance du

31 mars 2021, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête de M. D... tendant à l'annulation du jugement du 15 octobre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil avait rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. Le 5 octobre 2020, M. D... a été interpellé à la suite d'un contrôle d'identité. Par un arrêté du même jour, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a fixé le pays de destination. Le Tribunal administratif de Melun, par un jugement du 7 décembre 2020, a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. D.... Par un arrêté du 10 février 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 10 février 2021 en tant que celui-ci l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un jugement du 15 février 2021, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. M. D... relève appel de ce jugement.

Sur les moyens communs aux décisions refusant d'accorder un délai de départ volontaire et fixant le pays de renvoi :

2. Par un arrêté n° 2020/2175 du 2 octobre 2020, régulièrement publié au bulletin d'informations administratives du 5 octobre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné délégation à M. A... E..., attaché d'administration de l'Etat, chef du bureau de l'éloignement et signataire de l'arrêté contesté, à l'effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figurent les décisions en litige, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi qu'elles n'auraient pas été absentes ou empêchées. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions en litige doit, par suite, être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne

C-383/13 PPU du 10 septembre 2013, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision. Il ressort des pièces du dossier que M. D..., convoqué par les services de la préfecture, a été reçu le 10 février 2021. Lors de cet entretien, l'arrêté contesté lui a été notifié ainsi que la décision de placement en rétention administrative. Le requérant soutient qu'il n'a pas pu présenter des observations et qu'il a ainsi été privé de la possibilité de faire état de la décision du 22 décembre 2020 de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) lui attribuant une orientation vers un service d'accompagnement à la vie sociale pour la période du 22 décembre 2020 au 21 décembre 2021, des éléments nouveaux relatifs à l'indisponibilité de son traitement médical en Algérie étayés par un article de presse du 9 décembre 2020 ainsi que des éléments pertinents relatifs à la durée de son séjour en France, dès lors qu'il a été immédiatement conduit au centre de rétention. A supposer cette circonstance établie, eu égard à l'objet de l'arrêté contesté, la décision de la MDPH et l'article de presse du 9 décembre 2020 faisant état de manière générale d'un phénomène de pénurie de certains médicaments en Algérie ne constituent pas des éléments de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le préfet sur sa situation, en particulier sur la possibilité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. En outre, le requérant ne mentionne pas les nouveaux éléments en sa possession permettant d'établir la durée de sa présence en France. Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que M. D... n'établissait pas avoir disposé d'informations utiles et pertinentes tenant à sa situation personnelle qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la mesure d'éloignement et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à la décision l'obligeant à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

4. En deuxième lieu, M. D... soutient également que lorsqu'il a été reçu par les services de la préfecture le 10 février 2021, il n'a pas pu présenter une nouvelle demande de titre de séjour. Cependant il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été invité à se présenter à la préfecture à un rendez-vous " suite à l'intervention d'un jugement ". Ainsi ce rendez-vous n'était, en tout état de cause, pas destiné à la présentation d'une nouvelle demande de titre de séjour, dont d'ailleurs le requérant n'apporte aucun élément sur sa réalité qu'il n'avait pas évoquée, au demeurant, en première instance. Au surplus, le dépôt d'une nouvelle demande de titre de séjour ne saurait faire obstacle à ce que l'autorité administrative fasse obligation de quitter le territoire français à un étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou à l'exécution d'un jugement.

5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis a procédé à un examen complet de la situation personnelle de M. D... avant de prendre la décision contestée.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 611-3 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes de l'article R. 511-1 du même code, dont les dispositions ont été reprises aux articles R. 611-1 et R. 611-2 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Toutefois, lorsque l'étranger est retenu en application de l'article L. 551-1, le certificat est établi par un médecin intervenant dans le lieu de rétention conformément à l'article R. 553-8. / (...) ".

7. Il résulte des dispositions qui précèdent que, même si elle n'a pas été saisie d'une demande de certificat de résidence fondée sur les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, l'autorité administrative qui dispose d'éléments d'information suffisamment précis et circonstanciés permettant d'établir qu'un étranger résidant habituellement sur le territoire français présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des ressortissants étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire en vertu du 10° de l'article L. 511-4 du même code doit, avant de prononcer une telle mesure à son égard, saisir le collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour avis.

8. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'ordonnance du 7 octobre 2020 du Tribunal judiciaire de Meaux statuant sur la contestation de l'arrêté de placement en rétention du 5 octobre 2020, que lors de son interpellation, M. D... a bénéficié à 14h22, après la notification de son placement en rétention, d'un examen médical effectué par un médecin de l'unité médico-judiciaire d'Argenteuil. En outre, alors qu'il était placé dans un centre de rétention, un examen de la compatibilité de son état de santé avec la mesure d'éloignement par un médecin de l'OFII a été demandé par l'administration. Par un avis du 17 novembre 2020 versé au dossier, le médecin coordonnateur de zone de l'OFII a considéré que si le défaut de prise en charge médicale de M. D... pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays de renvoi, il pouvait toutefois bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, l'état de santé de l'intéressé pouvait lui permettre de voyager sans risque vers le pays de renvoi. Dans ces conditions, et alors que l'intéressé a pu faire état de tout élément relatif à son état de santé, le moyen tiré de ce que la décision contestée est entachée d'un vice de procédure en raison de l'absence de saisine pour avis du collège de médecins de l'OFII doit être écarté.

9. Il ressort des certificats médicaux versés au dossier, notamment du certificat médical du 6 novembre 2019 établi par le médecin responsable du Centre Dollfus au GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences Maison Blanche, que M. D... souffre de graves troubles psychiatriques qui peuvent se caractériser par des troubles délirants avec conviction délirante absolue, perturbant gravement son fonctionnement psychique et bénéficie d'un traitement médicamenteux composé de Xeroquel, de Loryl, de Brintellix, de Rivotril, de Lexomil et de Théralène ainsi que de séances de psychothérapie. Il ressort également des pièces du dossier, et notamment des mentions non contestées de la décision en litige, que par un avis du 26 décembre 2018, le collège de médecins de l'OFII a considéré que si l'état de santé de M. D... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Algérie, il pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine et que le sens de cet avis a été confirmé par un nouvel avis du médecin coordonnateur de zone de l'OFII en date du

17 novembre 2020. Or, les certificats médicaux établis les 8 décembre 2016 et

11 septembre 2017 par le médecin responsable du Centre Dollfus au GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences Maison Blanche, mentionnant en des termes peu circonstanciés que " M. D... n'a pas effectivement accès aux traitements appropriés dans son pays d'origine ", et la copie de l'article de presse du 9 décembre 2020 faisant état de manière générale d'un phénomène de pénurie de médicaments en Algérie ne sont pas suffisants pour établir que M. D... ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine alors qu'il ressort au demeurant du certificat médical du même praticien du 6 novembre 2019 que " M. D... aurait été suivi en Algérie pour le même type de trouble et aurait bénéficié d'un traitement ". Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

10. En cinquième lieu, M. D... soutient que le préfet a méconnu l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 7 décembre 2020 du Tribunal administratif de Melun qui impliquait, selon lui, que celui-ci examine de nouveau son droit au séjour en sa qualité d'étranger malade et saisisse pour avis le collège de médecins de l'OFII. Il ressort de la lecture de ce jugement que le tribunal a, d'une part, annulé la décision du 5 octobre 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis obligeant M. D... à quitter le territoire français au motif que le préfet ne pouvait fonder sa décision sur la circonstance que l'intéressé n'avait pas effectué de démarches en vue de l'obtention d'un titre de séjour alors que l'arrêté du 29 octobre 2019 du même préfet portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français faisait l'objet d'un recours pendant devant le Tribunal administratif de Montreuil saisi par M. D... le 29 novembre 2019, dont le préfet avait nécessairement connaissance, et que, dès lors, le préfet avait entaché sa décision d'un défaut d'examen sérieux et particulier de sa situation et, d'autre part, enjoint seulement au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder au réexamen de la situation de l'intéressé. Dans ces conditions, l'exécution du jugement du 7 décembre 2020 n'impliquait pas de saisir le collège de médecins de l'OFII. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée doit être écarté. En tout état de cause, il ressort des termes de l'arrêté du 10 février 2021 contesté, comme il a déjà été dit, que le préfet s'est prononcé sur l'admission au séjour de M. D... notamment sur le fondement de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 au vu des avis émis les 26 décembre 2018 et 17 novembre 2020 respectivement par le collège de médecins de l'OFII et le médecin coordonnateur de zone de l'OFII.

11. En sixième lieu, aux termes de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".

12. Si M. D... entend soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis ne pouvait pas prendre à son encontre une décision l'obligeant à quitter le territoire français dès lors qu'il remplissait les conditions pour se voir attribuer de plein droit un certificat de résidence sur le fondement de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, il résulte de ce qui a été dit au point 9 que M. D... peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Par suite, ce moyen doit être écarté.

13. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment des certificats médicaux du 13 janvier 2016 du docteur G..., médecin généraliste, et du 6 novembre 2019 du GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences Maison Blanche qui prend en charge l'intéressé, que M. D... réside habituellement en France depuis janvier 2016. Il résulte de ce qui a été dit au point 9 que M. D... peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé en Algérie, son pays d'origine. En outre, si le requérant fait valoir que la décision aura pour conséquence de mettre un terme brutal au processus d'insertion sociale et professionnelle dans lequel il est engagé auprès de la MDPH et de l'association Trame, la production d'une décision d'orientation vers un service d'accompagnement à la vie sociale pour une durée d'un an ainsi que d'une promesse d'embauche en qualité de pair-aidant gratifié, n'est pas suffisante, eu égard notamment à la durée du séjour en France de l'intéressé, pour établir que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait commis, en obligeant M. D... à quitter le territoire français, une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

Sur la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

14. Aux termes des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicables : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; / (...) ".

15. En premier lieu, la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ainsi que les dispositions de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient la faculté pour le préfet de refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire. En outre, la décision mentionne qu'il existe un risque que M. D... se soustraie à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français dès lors qu'il ne dispose pas d'une adresse fixe. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait fondant la décision en litige. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée doit être écarté.

16. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. D....

17. En troisième lieu, M. D... soutient qu'il justifie de garanties de représentation suffisantes dès lors qu'il dispose d'une adresse stable connue par l'administration et qu'il a remis aux autorités préfectorales son passeport en cours de validité. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment de la déclaration d'hébergement établie le 8 février 2021, que M. D... est hébergé par un tiers, M. C.... Un tel hébergement ne constitue pas un hébergement stable au sens des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 14. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis pouvait, sans commettre d'erreur de droit, refuser d'accorder à M. D... un délai de départ volontaire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

18. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis, en refusant d'accorder à M. D... un délai de départ volontaire, a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

19. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

20. Si M. D... soutient que son retour en Algérie l'exposera à des traitements inhumains et dégradants dès lors qu'il existe un risque de réactivation de son état de stress post-traumatique, il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 9, que l'intéressé ne pourra pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé en cas de retour en Algérie. En outre, le certificat médical du docteur F... du 22 octobre 2020, indiquant que l'intéressé présente également " un stress post-traumatique très ancien ayant vraiment débuté dans son pays d'origine " et mentionnant de manière hypothétique que l'état de santé de l'intéressé pourrait s'aggraver en cas de retour dans son pays d'origine, est insuffisant pour établir la réalité des risques dont le requérant se prévaut. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

Sur la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans :

21. En premier lieu, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire n'étant entachées d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces décisions invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans doit être écarté.

22. En deuxième lieu, aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

23. La décision prononçant à l'encontre de M. D... l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment l'article L. 511-1-III de ce code. Il ressort également des termes de cette décision que le préfet de la Seine-Saint-Denis a, pour fixer la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, relevé que l'intéressé séjournait en France depuis plusieurs années en situation irrégulière et qu'il ne justifiait pas de liens personnels et familiaux en France. Dans ces conditions, et alors que le préfet n'était en tout état de cause pas tenu de se prononcer sur chacun des critères mentionnés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais seulement sur ceux qu'il entendait retenir, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée doit être écarté comme manquant en fait.

24. En troisième lieu, si le requérant soutient qu'il justifie d'une circonstance humanitaire dès lors que son éloignement du territoire français impliquera nécessairement une interruption de sa prise en charge médicale, il n'établit pas, ainsi qu'il a été dit au point 9, qu'il ne pourra pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé en Algérie. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait méconnu les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

25. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, le moyen tiré de ce que le préfet, en prononçant à l'encontre de M. D... une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux années, aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle doit être écarté.

26. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2022.

La rapporteure,

V. LARSONNIERLe président,

R. LE GOFF

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA01314


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01314
Date de la décision : 31/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-04 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Autorisation de séjour. - Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : WALTHER

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-01-31;21pa01314 ?
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