Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au Tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'annuler la décision de la ministre des armées du 15 novembre 2018 rejetant sa demande du 8 juin 2015 de pension militaire d'invalidité pour les infirmités " séquelles de fracture oblique de la tête de la 2ème phalange du 4ème rayon de la main droite (...) ", " séquelles de fracture malléolaire de la cheville droite ostéosynthésée (...) ", " lésions tendineuses de l'épaule droite. (...) " et " séquelles de contusion pectorale avec douleurs de l'épaule droite ".
Par un jugement n° 1924113/5-3 du 16 septembre 2020, le Tribunal administratif de Paris, auquel le recours a été transféré en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018, a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 novembre 2020, M. D..., représenté par Me Gozlan, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1924113/5-3 du 16 septembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale confiée à un spécialiste qui aura pour mission de déterminer le taux d'invalidité et l'imputabilité de chaque infirmité ;
3°) d'annuler la décision de la ministre des armées du 15 novembre 2018.
Il soutient que :
S'agissant des séquelles de blessures de la main droite :
- le taux d'invalidité de 2 % est insuffisant dès lors qu'il ne prend pas en compte les conséquences d'un précédent accident intervenu en 1997 ; l'armée a commis des manquements dans le traitement de sa blessure survenue en 2012 en le prenant en charge tardivement ; l'expert ne pouvait se fonder sur les barèmes mentionnés à l'article L. 125-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre qui ne sont qu'indicatifs ; il subit une gêne ; son annulaire droit est inesthétique ; la désignation d'un expert médical permettra de lui confier pour mission de renommer l'infirmité, de déterminer le taux d'invalidité à la date de la demande et de préciser si l'accident du 26 janvier 2012 est bien la cause directe déterminante et exclusive de la blessure ou si l'accident de 1997 a contribué à l'aggravation de la blessure survenue ;
S'agissant des séquelles de blessure à l'épaule droite :
- le lien de causalité entre les blessures causées en 1998, la tendinite de 2003 et le fait de service est établi par le médecin de l'armée ; la ministre des armées ne s'oppose pas à ce qu'une mesure d'expertise soit réalisée ce qui permettrait de pallier les lacunes de l'instruction réalisée par l'armée et de déterminer si l'accident de 1998 est bien à l'origine des séquelles de blessures actuelles et de la tendinite et si la tendinite intervenue en 2003 sur cette seule épaule droite trouve son origine dans l'accident précité de 1998, si elle est aggravée du fait de cet accident ou encore si les deux infirmités n'ont aucun lien entre elles et enfin de déterminer le taux d'invalidité de cette infirmité à l'épaule droite ;
S'agissant des séquelles de blessure à la cheville droite :
- l'expert de l'armée est un médecin généraliste et non spécialiste et a fixé le taux à 10 % le taux d'invalidité sans aucune explication médicale ; une nouvelle expertise doit être ordonnée pour lui garantir une expertise impartiale qui sera confiée à un médecin spécialiste en orthopédie qui déterminera le taux exact d'invalidité pour cette infirmité.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 juin 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête de M. D... et à la confirmation du jugement du Tribunal administratif de Paris et de sa décision du 15 novembre 2018.
Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 8 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Collet,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., né le 21 mai 1960, s'est engagé dans la légion étrangère en 1987 et a été rayé des contrôles le 1er août 2018. Le 8 juin 2015, il a sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour les infirmités " séquelles de fracture oblique de la tête de la 2ème phalange du 4ème rayon de la main droite (...) ", " séquelles de fracture malléolaire de la cheville droite ostéosynthésée (...) ", " lésions tendineuses de l'épaule droite. (...) " et " séquelles de contusion pectorale avec douleurs de l'épaule droite ". Par décision du 15 novembre 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande. Par un jugement n° 1924113/5-3 du 16 septembre 2020, dont M. D... relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur à la date de la demande de bénéfice de la pension : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". Selon l'article L. 3 du même code alors en vigueur : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. (...) ". Aux termes de l'article L. 4 du même code alors en vigueur : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique ; 40 % en cas d'infirmités multiples. / En cas d'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'une infirmité étrangère à celui-ci, cette aggravation seule est prise en considération, dans les conditions définies aux alinéas précédents. Toutefois, si le pourcentage total de l'infirmité aggravée est égal ou supérieur à 60 %, la pension est établie sur ce pourcentage ". Il résulte des dispositions combinées des articles L. 2, L. 3 et L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre que lorsque la présomption légale d'imputabilité ne peut être invoquée, l'intéressé doit apporter la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre l'infirmité et un fait précis ou des circonstances particulières de service. Cette relation de causalité est requise aussi bien en cas d'infirmité trouvant sa cause exclusive dans le service qu'en cas d'aggravation par le service d'une infirmité préexistante ou concomitante au service et vaut pour toutes les affections y compris celles de nature psychologique. Enfin, l'existence d'une telle relation ne peut résulter de la seule circonstance que l'infirmité ou l'aggravation ait été révélée durant le service, ni d'une vraisemblance ou d'une hypothèse, ni des conditions générales du service.
S'agissant des séquelles de blessures de la main droite :
3. Aux termes de l'article L. 10 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur à la date de la demande de bénéfice de la pension : " Les degrés de pourcentage d'invalidité figurant aux barèmes prévus par le quatrième alinéa de l'article L. 9 sont : a) Impératifs, en ce qui concerne les amputations et les exérèses d'organe ; b) Indicatifs dans les autres cas. Ils correspondent à l'ensemble des troubles fonctionnels et tiennent compte, quand il y a lieu, de l'atteinte de l'état général ".
4. Il résulte de l'instruction que M. D... souffre de l'infirmité " séquelles de fracture oblique de la tête de la 2ème phalange du 4ème rayon de la main droite. Cal vicieux du 4ème rayon. Gêne à la flexion interphalangienne " liée à une blessure survenue lors d'une séance de football le 26 janvier 2012 ayant fait l'objet d'un rapport circonstancié et qui a ensuite été traitée chirurgicalement le 12 mars 2012, mais qui entraîne toujours selon le rapport de l'expertise réalisée le 25 avril 2018 pour l'armée par le docteur E... une gêne à la flexion interphalangienne et des difficultés de préhension entraînant, selon son évaluation, un taux d'invalidité de 2 %. Si M. D... soutient que ce taux d'invalidité de 2 % est insuffisant dès lors qu'il ne prend pas en compte les conséquences du précédent accident du 5 novembre 1997 lors d'un match de rugby ayant fait l'objet d'un rapport circonstancié, il n'apporte à l'appui de ses allégations aucune pièce permettant de considérer que cet accident antérieur, à le supposer même en lien avec son infirmité, ait généré une gêne fonctionnelle plus importante que celle précédemment rappelée et dont l'ampleur doit être constatée à la date de la demande de pension. Par ailleurs, à supposer que l'armée ait commis des manquements dans le traitement de sa blessure survenue en 2012 en le prenant en charge tardivement, cette circonstance, qui est relative à une faute susceptible d'engager le cas échéant la responsabilité de l'Etat, est sans incidence sur l'appréciation de la gêne ressentie par M. D... à la date de sa demande de bénéfice de pension militaire d'invalidité le 8 juin 2015. Par ailleurs, le caractère inesthétique de son annulaire droit n'est pas non plus un élément susceptible d'avoir une influence sur l'appréciation du taux d'invalidité qui est uniquement lié à la gêne fonctionnelle et non à l'aspect esthétique de l'infirmité. Enfin si M. D... soutient que l'expert ne pouvait se fonder sur les barèmes mentionnés à l'article L. 10, devenu L. 125-3, du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre qui ne sont qu'indicatifs, il résulte de l'instruction, d'une part, que le guide barème auxquelles renvoient les dispositions précitées de cet article mentionne un taux d'invalidité indicatif de 0 à 2 % concernant les " raideurs articulaires et ankyloses partielles " de l'annulaire correspondant à l'infirmité dont souffre l'intéressé, comme le confirme notamment le certificat médical établi le 16 mai 2012 par le docteur B..., qui mentionne que sa fracture a évolué vers " une consolidation en cal vicieux avec dégagement en varus qui le gêne énormément avec de plus une raideur de l'articulation ". D'autre part, si dans son expertise précitée du 25 avril 2018, le docteur E... a retenu un taux d'invalidité de 2 %, ce n'est qu'après avoir procédé à un examen clinique approfondi de l'intéressé et sans qu'aucun élément ne permette de considérer qu'elle ait pu se sentir liée par le barème précité. Par suite, il résulte de tout ce qui précède et, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise s'agissant de cette infirmité, que dès lors que l'infirmité de " séquelles de fracture oblique de la tête de la 2ème phalange du 4ème rayon de la main droite. Cal vicieux du 4ème rayon. Gêne à la flexion interphalangienne " dont souffre M. D... entraîne une invalidité inférieure à 10 %, elle ne peut, en application des dispositions précitées de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre en vigueur à la date de la demande, lui ouvrir un droit à pension.
S'agissant des séquelles de blessure à l'épaule droite :
5. Il résulte de l'instruction que M. D... a été victime d'une blessure intervenue le 6 août 1998 lors d'un entraînement de rugby qui a été consignée au registre des constatations et qui a entrainé selon le docteur C... uniquement une contusion costo-pectorale droite. S'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise précité du docteur E..., que l'intéressé souffre d'une perforation transfixiante du tendon supra-épineux, d'une fissuration de la face profonde du tendon de l'infra-épineux non transfixiante et d'une arthrose acromio-claviculaire modérée avec ébauche d'ostéophyte polaire inférieur, aucune pièce médicale ne permet d'établir le lien entre ces pathologies et la blessure survenue le 6 août 1998. Par ailleurs, si M. D... soutient avoir souffert d'une tendinite en 2003, il ne soutient ni ne démontre par les pièces qu'il produit que cette tendinite aurait pour origine un fait de service. Par suite, dès lors que, contrairement à ce que soutient le requérant, le lien de causalité entre les blessures du 6 août 1998, la tendinite survenue en 2003 et le fait de service n'est pas davantage établi par le docteur E..., qui ne fait que relater les pathologies dont a souffert l'intéressé à son épaule droite sans retenir de lien avec le service, il ne résulte pas de l'instruction et, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise s'agissant de cette infirmité, que soit apportée la preuve que les pathologies dont il souffre à cette épaule sont imputables au service et de nature à lui ouvrir un droit à pension.
S'agissant des séquelles de blessure à la cheville droite :
6. Il résulte de l'instruction que M. D... a été victime d'une blessure lors d'une séance d'entraînement de rugby le 5 janvier 1999 qui a été consignée au registre des constatations et qui a entraîné une fracture de la malléole externe avec subluxation tibio-calcanéenne. Selon le rapport d'expertise précité du docteur E..., cette blessure est à l'origine de douleurs à la station debout et lors de la marche prolongée supérieure à une heure, mais n'entraîne pas de boiterie de sorte qu'elle a considéré qu'elle entraînait un taux d'invalidité inférieur à 10 %. Par suite, contrairement à ce que soutient M. D..., la fixation de ce taux a bien été réalisée après que des explications médicales eurent été données. Par ailleurs, si M. D... se plaint de la circonstance que le docteur E... n'est pas un médecin spécialiste en orthopédie, mais un médecin généraliste et que seule une nouvelle expertise confiée à un médecin spécialiste en orthopédie lui garantira une expertise impartiale et rigoureuse qui déterminera le taux exact d'invalidité pour cette infirmité, il ne résulte ni des éléments précités ni des pièces du dossier que l'expertise précitée aurait été partiale et quant à la circonstance qu'il n'ait pas été examiné par un médecin spécialiste en orthopédie, elle n'est pas à elle seule de nature à remettre en cause les conclusions argumentées du docteur E... dès lors que le requérant n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'il souffrirait d'une gêne fonctionnelle suite à cette blessure qui justifierait non seulement qu'il soit examiné par un tel spécialiste, mais aussi qu'un taux différent de celui retenu lui soit reconnu. Par suite, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise s'agissant de cette infirmité, il résulte de l'instruction que le seuil de 10 % prévu par les dispositions précitées de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre n'étant pas atteint, cette infirmité ne peut pas ouvrir droit à M. D... au bénéfice d'une pension.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation du jugement n° 1924113/5-3 du 16 septembre 2020 du Tribunal administratif de Paris et de la décision de la ministre des armées du 15 novembre 2018 ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2022
La rapporteure,
A. COLLET Le président,
R. LE GOFF
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 20PA03385