Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 18 avril 2019 par laquelle le recteur de l'académie de Créteil a émis à son encontre un ordre de reversement d'une somme de 2 866,80 euros correspondant aux mensualités de bourse de l'enseignement supérieur sur critères sociaux indûment versées pour les mois de décembre 2017 à mai 2018.
Par un jugement n° 1904492 du 3 juillet 2020, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, un mémoire et des pièces, enregistrés le 3 septembre 2020, le
20 décembre 2020, le 25 avril 2021 et le 27 avril 2021, Mme A..., représentée par Me Chouki, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, d'annuler cette décision ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler cette décision en tant que l'ordre de reversement excède la somme de 477 euros correspondant à la mensualité du mois de mai 2018 de sa bourse de l'enseignement supérieur ;
4°) à titre infiniment subsidiaire, de lui accorder un échelonnement de paiement de la somme de 2 866,80 euros sur 24 mois, soit 119,45 euros mensuels ;
5°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ordre de reversement attaqué est entaché d'un vice de procédure dès lors que, d'une part, elle n'a pas été prévenue de l'émission de cet ordre ni n'a reçu de relance de l'établissement concernant les justificatifs à apporter aux absences qui lui sont opposées et que, d'autre part, les modalités prévues en cas d'absence aux examens du second semestre n'ont pas non plus été respectées ;
- si elle avait été absente dès décembre 2017 comme le soutient le recteur de l'académie de Créteil, la suspension de sa bourse aurait dû intervenir dès janvier 2018 en application du 2. de l'annexe 4 de la circulaire n° 2017-059 du 11 avril 2017 du ministre chargé de l'éducation nationale ;
- le recteur de l'académie de Créteil ne pouvait légalement à la fois faire rétroagir l'ordre de reversement au mois de décembre 2017 et suspendre sa bourse à compter du mois de juin 2018, le cumul des deux mesures portant suspension et ordre de reversement étant prohibé, ainsi qu'il résulte de la réponse du ministre chargé de l'éducation nationale à la question écrite n° 18836 du sénateur M. C... du 21 juillet 2005 ;
- le recteur de l'académie de Créteil ne pouvait légalement ordonner le reversement de la totalité des mensualités perçues dès lors que la circulaire précitée ne donne aucune indication sur les modalités de calcul des sommes à reverser ; un tel reversement de la totalité des sommes perçues n'est en tout état de cause pas prévu, alors en outre que le ministre chargé de l'éducation nationale a précisé dans sa réponse précitée que la mesure devait être modulée en fonction de la situation sociale de l'étudiant ;
- l'ordre de reversement est disproportionné ;
- l'ordre de reversement est entaché d'une erreur de fait ;
- l'ordre de reversement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- n'ayant été absente que durant le mois de mai 2018 ainsi qu'aux examens du mois de juin suivant et justifiant d'un motif légitime pour expliquer ces absences, elle n'est redevable, à titre subsidiaire, que de la somme de 477 euros correspondant à la mensualité de mai 2018 ;
- à titre infiniment subsidiaire, sa situation sociale justifie l'échelonnement de sa dette.
Par un mémoire, enregistré le 19 avril 2021, le recteur de l'académie de Créteil conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- à titre principal, le moyen tiré du vice de procédure est irrecevable dès lors qu'il repose sur une cause juridique différente de celle qui fondait les moyens de première instance de la requérante ;
- à titre subsidiaire, le moyen tiré du vice de procédure n'est pas fondé ;
- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, par communication du 5 janvier 2022 et du
7 janvier 2022, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office.
Une lettre d'observations en réponse au moyen relevé d'office le 5 janvier 2022 a été enregistrée le 9 janvier 2022 pour Mme A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- la circulaire n° 2017-059 du 11 avril 2017 relative aux modalités d'attribution des bourses d'enseignement supérieur sur critères sociaux, des aides au mérite et des aides à la mobilité internationale pour l'année 2017-2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mantz,
- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., inscrite au titre de l'année universitaire 2017-2018 en première année de licence de langues étrangères appliquées (LEA) en anglais et espagnol à l'université Paris-Est Créteil, a bénéficié d'une bourse d'enseignement supérieur sur critères sociaux à l'échelon 6, d'un montant de 4 778 euros. Par décision du 18 avril 2019, le recteur de l'académie de Créteil a émis à son encontre un ordre de reversement d'un montant de 2 866,80 euros, correspondant aux mensualités de bourse de décembre 2017 à mai 2018 estimées par lui indûment perçues, au motif que Mme A... avait manqué à l'obligation d'assiduité aux cours et de présence aux examens. Mme A... relève appel du jugement du 3 juillet 2020 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 décembre 2018 portant ordre de reversement ou, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de cet ordre de reversement en ce qu'il excède la somme de 477 euros, correspondant à la mensualité du mois de mai 2018.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article D. 821-1 du code de l'éducation : " Les bourses d'enseignement supérieur sur critères sociaux et les aides au mérite sont attribuées aux étudiants selon des conditions d'études, d'âge, de diplôme, de nationalité, de ressources ou de mérite fixées par le ministre chargé de l'enseignement supérieur. / Si l'étudiant ne remplit pas les conditions générales de scolarité et d'assiduité auxquelles est subordonné son droit à la bourse, il est tenu au reversement des sommes indûment perçues. ". Aux termes de l'annexe 4 de la circulaire n° 2017-059 du 11 avril 2017 susvisée : " 2. Conditions d'assiduité aux cours et de présence aux examens. / Principe. / En application de l'article D. 821-1 du code de l'éducation, l'étudiant bénéficiaire d'une bourse doit être inscrit et assidu aux cours, travaux pratiques ou dirigés et réaliser les stages obligatoires intégrés à la formation. (...) En ce qui concerne la présence aux examens, le candidat titulaire d'une bourse d'enseignement supérieur sur critères sociaux doit se présenter aux examens et concours correspondant à ses études. / Le non-respect de l'une des obligations précitées entraîne le reversement des sommes indûment perçues. (...) 2.1 Contrôles et suspensions. / Les contrôles afférents à l'assiduité aux cours et à la présence aux examens sont conduits, tout au long de l'année, sous la responsabilité des présidents d'université, des directeurs d'école et des chefs d'établissement. Ceux-ci doivent apporter toute leur coopération en fournissant aux services du Crous les documents ou fichiers relatifs à l'assiduité des étudiants et à leur présence aux examens. En cas de non-respect de l'obligation d'assiduité aux cours, le Crous suspend le versement de la bourse. Cette suspension est également opérée lorsque l'étudiant ne se présente pas à la session d'examen qui se déroule à la fin du 1er semestre. Si, à la suite d'une relance de son établissement, les justificatifs ne sont toujours pas fournis par l'étudiant à son établissement, une procédure d'émission d'un ordre de reversement d'une partie ou de la totalité de la bourse est mise en œuvre. Il en est de même si l'étudiant ne se présente pas à la session d'examen qui se déroule à la fin du second semestre (...) ".
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, devant le Tribunal administratif de Melun, Mme A... n'a invoqué que des moyens relatifs au bien-fondé de l'ordre de reversement attaqué. Si elle soutient devant la Cour que la procédure suivie par le recteur de l'académie de Créteil est irrégulière, ces prétentions, fondées sur une cause juridique distincte, constituent une demande nouvelle irrecevable en appel.
4. En second lieu, il résulte des dispositions susvisées de la circulaire du 11 avril 2017 relative aux modalités d'attribution des bourses d'enseignement supérieur sur critères sociaux, des aides au mérite et des aides à la mobilité internationale pour l'année 2017-2018, qui doit être regardée comme comportant des dispositions impératives à caractère général, que l'assiduité aux cours et la présence aux examens, tant de la session de fin du premier semestre que de celle de fin du second semestre, sont obligatoires pour être bénéficiaire d'une telle bourse. Or, il résulte de l'instruction, notamment du procès-verbal provisoire de délibération d'admission de la session 1 2017-2018 de licence 1 LEA Anglais/Espagnol, en date du 12 février 2018, que Mme A... n'a été présente qu'à quatre partiels sur quatorze de la session d'examens de fin du premier semestre, sans produire de justificatifs de ces absences. Elle doit, dès lors, être regardée comme ne s'étant pas présentée à ces examens au sens de l'article 2 de l'annexe 4 de la circulaire précitée. Par suite, et à supposer même établie la circonstance que Mme A... aurait été assidue aux cours jusqu'à la fin du mois d'avril 2018, le recteur de l'académie de Créteil a pu à bon droit considérer qu'elle ne remplissait pas les conditions nécessaires à l'attribution de la bourse précitée et lui en demander le remboursement à compter du mois de décembre 2017, date de la session d'examens du premier semestre, jusqu'à la fin du mois de mai 2018 inclus. La circonstance que la suspension de la bourse de la requérante n'est intervenue qu'au mois de juin 2018 est, à cet égard, sans incidence.
5. En troisième lieu, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la suspension de la bourse ne pourrait se cumuler avec l'émission d'un ordre de reversement des sommes indues, dès lors qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'y fait obstacle, et que la suspension n'a pour objet que d'empêcher la perception à venir de sommes indues, et tandis que l'émission du titre vise la restitution de sommes déjà perçues. Mme A... ne saurait davantage utilement invoquer à cet égard la réponse écrite du ministre chargé de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche du 10 novembre 2005, faisant suite à la question écrite n° 18836 du 21 juillet 2005 de M. C..., sénateur, relative à la suppression des bourses d'enseignement supérieur, une telle réponse, qui ne saurait d'ailleurs être regardée comme affirmant que la suspension et l'ordre de reversement seraient exclusifs l'une de l'autre, étant dépourvue de valeur normative. Enfin, si la requérante fait valoir que les dispositions susvisées de la circulaire ne prévoient pas le reversement de la totalité des mensualités de la bourse, cet argument manque en fait dès lors que ces dispositions, qui sont suffisamment précises, prévoient que soit mise en œuvre, le cas échéant, " une procédure d'émission d'un ordre de reversement d'une partie ou de la totalité de la bourse ". En tout état de cause, le recteur de l'académie de Créteil s'est borné à demander à la requérante le reversement des sommes perçues à compter du mois de décembre 2017.
5. Enfin, ainsi qu'il a été dit au point 4, Mme A... ne remplissait pas les conditions d'attribution d'une bourse d'enseignement supérieur sur critères sociaux telle que prévue par la circulaire du 11 avril 2017. Par suite, elle entrait dans le champ d'application de l'obligation de reversement des sommes indument perçues et le recteur de l'académie de Créteil était fondé à lui demander le remboursement de la somme correspondant aux mensualités de décembre 2017 à mai 2018. Il en résulte que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'une erreur de fait ou de disproportion. Si elle se prévaut de la réponse écrite mentionnée au point 4 du ministre chargé de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche du 10 novembre 2005, selon laquelle, dans le cas de reversement de sommes indûment perçues, " la sanction doit être modulée en fonction de la situation sociale de l'étudiant ", une telle réponse, dépourvue de valeur normative ainsi qu'il a été dit au point 4, est sans incidence sur le bien-fondé de la décision attaquée.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à ce que la Cour prononce un échelonnement de la dette :
7. De telles conclusions doivent être regardées comme tendant à ce que la Cour enjoigne au recteur de l'académie de Créteil d'accorder à Mme A... un échelonnement de sa dette. Toutefois, le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de l'ordre de reversement attaqué, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Créteil et au centre régional des œuvres universitaires et scolaires de Créteil.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2022 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme Portes, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2022.
Le rapporteur,
P. MANTZ
La présidente,
M. HEERS La greffière,
V. BREME
La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 20PA02566