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27/01/2022 | FRANCE | N°20PA00579

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 27 janvier 2022, 20PA00579


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Cabinet médical du docteur A... a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2014 et des cotisations supplémentaires de taxe sur les salaires mises à sa charge au titre des années 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1807919 du 18 décembre 2019, le tribunal administratif

de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Cabinet médical du docteur A... a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2014 et des cotisations supplémentaires de taxe sur les salaires mises à sa charge au titre des années 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1807919 du 18 décembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 février 2020, et des mémoires, enregistrés le 26 janvier 2021 et le 16 février 2021, la société Cabinet médical du docteur A..., représentée par Me Jacquot puis par Me Pernot, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1807919 du 18 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure de taxation d'office est irrégulière, dès lors que la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires est à la fois radicalement viciée dans son principe et sommaire dans son application ;

- le chiffre d'affaires retenu par le service est erroné ;

- la circonstance que certains actes n'ont pas fait l'objet d'un remboursement par l'assurance maladie est sans incidence, dès lors que ces actes figurent sur la classification commune des actes médicaux et qu'ils poursuivaient une visée thérapeutique ;

- les opérations réalisées avaient pour objectif de réparer des troubles d'ordre psychologique et social ;

- le docteur A... a reçu une accréditation de la Haute autorité de santé (HAS) ;

- l'administration fiscale a, par une instruction référencée BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10, modifié son interprétation du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts ;

- l'administration fiscale a méconnu l'instruction référencée BOI-CF-IOR-40 ;

- l'administration fiscale a méconnu l'instruction référencée BOI-CF-IOR-50-20 ;

- l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée est justifiée au regard de la réponse du ministre de l'économie et des finances à la question écrite posée sous le numéro 03356 par la sénatrice Canayer ;

- elle est fondée à se prévaloir, en application de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, des dégrèvements obtenus par d'autres sociétés dans des différends similaires les opposant à l'administration fiscale ;

- en la traitant différemment, l'administration fiscale méconnaît les principes d'égalité et de sécurité juridique ainsi que le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- les cotisations supplémentaires de taxe sur les salaires doivent être déchargées par voie de conséquence de la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ;

- une question préjudicielle pourrait être transmise à la Cour de justice de l'Union européenne concernant la nécessité, pour l'administration fiscale de tenir compte de l'avis rendu par une autorité sanitaire sur un acte médical ou de la classification faite de cet acte par cette autorité.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 juin 2020, le 3 février 2021 et le 9 mars 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés du 17 mai 1977 ;

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la décision du 11 mars 2005 de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie relative à la liste des actes et prestations pris en charge ou remboursés par l'assurance maladie ;

- l'arrêt n° C-91/12 du 21 mars 2013 de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Aggiouri ;

- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Pernot, avocat de la société Cabinet médical du docteur A....

Une note en délibéré, enregistrée le 7 janvier 2022, a été présentée par Me Pernot pour la société Cabinet médical du docteur A....

Considérant ce qui suit :

1. La société Cabinet médical du docteur A..., qui exerce une activité de médecin spécialisé en chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale l'a assujettie, d'une part, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, selon la procédure de taxation d'office prévue au 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, eu égard à l'absence de dépôt de déclaration, d'autre part à des cotisations supplémentaires de taxe sur les salaires, selon la procédure de rectification contradictoire, au titre des années 2013 et 2014. La société Cabinet médical du docteur A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : / [...] 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes [...] ".

3. La société Cabinet médical du docteur A... soutient que la procédure de taxation d'office serait irrégulière, dès lors que la " méthode de reconstitution " de son chiffre d'affaires serait à la fois radicalement viciée dans son principe et sommaire dans son application. Toutefois, les arguments ainsi développés par la société requérante, qui ressortissent au bien-fondé des impositions contestées, sont sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition. En outre, il n'est pas contesté que la société requérante n'a déposé aucune déclaration de taxe sur la valeur ajoutée dans les délais légaux applicables. Par suite, c'est à bon droit, en application des dispositions du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, que l'administration fiscale a mis en œuvre la procédure de taxation d'office.

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

4. En application des dispositions des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, il appartient à la société Cabinet médical du docteur A..., régulièrement taxée d'office en application du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve de l'exagération des impositions mises à sa charge.

5. Le 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, pris pour la transposition des dispositions du c) du 1° du A de l'article 13 de la directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés du 17 mai 1977, repris au c) du paragraphe 1 de l'article 132 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, prévoit que sont exonérés de taxe sur la valeur ajoutée " les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées [...] ".

6. Il résulte, d'une part, des dispositions des directives mentionnées au point 5, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans son arrêt Skatteverket c. PFC Clinic AB du 21 mars 2013, que seuls les actes de médecine et de chirurgie esthétique dispensés dans le but " de diagnostiquer, de soigner et, dans la mesure du possible, de guérir " des personnes qui, par suite d'une maladie, d'une blessure ou d'un handicap physique congénital, nécessitent une telle intervention, poursuivent une finalité thérapeutique et doivent, dès lors, être regardés comme des " soins dispensés aux personnes " exonérés de taxe sur la valeur ajoutée. Il en va, en revanche, différemment lorsque ces actes n'obéissent en aucun cas à une telle finalité.

7. D'autre part, il résulte des dispositions combinées des articles L. 6322-1 et R. 6322-1 du code de la santé publique que les actes de chirurgie esthétique, qui n'entrent pas dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie au sens de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale, sont des actes qui tendent à modifier l'apparence corporelle d'une personne, à sa demande, sans visée thérapeutique ou reconstructrice. Les actes de médecine ou de chirurgie esthétique à finalité thérapeutique relèvent des dispositions de l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, aux termes desquelles la prise en charge par l'assurance maladie est subordonnée à l'inscription sur la liste qu'elles mentionnent. Cette liste prévoit le remboursement des actes de médecine ou de chirurgie esthétique répondant, pour le patient, à une indication thérapeutique, évaluée le cas échéant sur entente préalable de l'assurance maladie.

8. Les dispositions du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, interprétées conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, doivent par suite être regardées comme subordonnant l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des actes de médecine et de chirurgie esthétique non à la condition que ces actes fassent l'objet d'un remboursement effectif par la sécurité sociale mais à celle qu'ils entrent dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie, ce qui suppose leur inscription sur la liste prévue par l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, établie selon des critères objectifs et rationnels. Toutefois, la seule inscription d'un acte sur la liste mentionnée au point 7 ne saurait suffire à le faire entrer dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie, certains actes pouvant avoir, selon les circonstances, une visée thérapeutique ou une visée non thérapeutique, l'assurance maladie subordonnant le remboursement de certains de ces actes inscrits à un accord préalable délivré au cas par cas.

9. Pour mettre à la charge de la SELARL Cabinet médical du docteur A... les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, l'administration fiscale a considéré que certains actes chirurgicaux qu'elle avait pratiqués pendant la période en litige ne pouvaient bénéficier de l'exonération prévue au 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts dès lors qu'ils n'avaient pas été pris en charge par l'assurance maladie.

10. En premier lieu, la société Cabinet médical du docteur A... soutient que les actes chirurgicaux en cause devraient, alors même qu'ils n'ont pas fait l'objet d'un remboursement effectif par l'assurance maladie, être exonérés de taxe sur la valeur ajoutée, dès lors qu'ils seraient, selon elle, inscrits sur la liste intitulée " classification commune des actes médicaux " (CCAM), établie sur avis de la Haute autorité de santé.

11. Toutefois, d'une part, les actes référencés QAMA016 (lissage du tiers supérieur de la face, par abord coronal), QAMA011 (lissage cervical, par abord direct), QAJB001 (lipoaspiration du cou), QEDA004 (mastoplexie bilatérale, sans pose d'implant bilatérale), QDJB001 (lipoaspiration des régions infratrochantériennes) et QZJB003 (lipoaspiration en dehors des régions inframentonnière, abdominale ou infratrochantérienne ou des genoux), ne sont pas mentionnés dans la classification commune des actes médicaux fixée par la décision de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) du 11 mars 2005 dans sa rédaction alors en vigueur, qui constitue la liste prévue par l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale. En application de cet article, ils ne sont donc pas remboursables, de sorte qu'ils ne peuvent pas faire l'objet de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par le 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts.

12. D'autre part, si les actes référencés QEMA004 (mastoplastie bilatérale d'augmentation, avec pose d'implant prothétique), GAMA024 (rhinoplastie avec ostéotomie, sans autogreffe de cartilage), QBFA008, (dermolipectomie abdominale avec transposition de l'ombilic et lipoaspiration de l'abdomen), QZFA014 (dermolipectomie des membres), QBJB001 (lipoaspiration de l'abdomen), BAFA008, BAFA009 et BAFA011 (résection bilatérale cutanée, musculaire et/ou graisseuse au niveau des paupières, par abord cutané), sont tous répertoriés dans la classification commune des actes médicaux mentionnée au point précédent, celle-ci précise que leur remboursement ne peut intervenir que " sous conditions " et pour les quatre premiers, après un accord préalable de l'assurance maladie. Ainsi, et si, comme le soutient la société Cabinet médical du docteur A..., l'absence de remboursement effectif ne pas fait obstacle à ce que ces actes puissent bénéficier d'une exonération de taxe sur la valeur ajoutée, la seule circonstance que ces actes figurent dans la classification commune des actes médicaux fixée par la décision de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie du 11 mars 2005 ne suffit pas, par elle-même, à les faire regarder comme des actes remboursables, et pouvant donc bénéficier d'une exonération de taxe sur la valeur ajoutée en application du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts. Il appartient dès lors à la société requérante d'établir que les actes pratiqués présentaient une indication thérapeutique.

13. En l'espèce, si la société Cabinet médical du docteur A... se prévaut, d'une part, de l'intégration des actes médicaux mentionnés au point précédent à un " parcours de nutrition ", d'autre part, des difficultés d'ordre psychologique ou social qu'ils avaient vocation à pallier, les pièces qu'elle produit, à savoir des photographies de patientes assorties d'une mention manuscrite relatant très sommairement le retentissement psychologique de l'apparence corporelle que la chirurgie avait pour but de modifier, ne suffisent pas, en l'absence notamment de toute évaluation médicale plus précise et documentée, à faire regarder les actes - dont la nature exacte et la réalisation effective ne sont d'ailleurs pas établies - qui auraient été pratiqués sur ces patientes comme poursuivant une finalité thérapeutique leur permettant de bénéficier de l'exonération prévue par le 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts. Et si la société requérante produit des devis précisant que les opérations qui y sont mentionnées ont une finalité thérapeutique, elle n'établit pas que les recettes résultant de ces opérations auraient été retenues par le service parmi les recettes soumises à la taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2013 et 2014. De plus, et en tout état de cause, les seules mentions figurant sur ces devis ne suffisent pas, en l'absence de précision supplémentaire, à établir la finalité thérapeutique alléguée. Si, enfin, la société Cabinet médical du docteur A... soutient que certaines prestations de chirurgie qu'elle pratique seraient indissociables d'autres prestations médicales soumises à une exonération de taxe sur la valeur ajoutée, elle n'apporte aucun élément de preuve au soutien de ses allégations. C'est donc à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée appliquée par la société requérante à ces prestations.

14. En deuxième lieu, la circonstance que le docteur A... a reçu une accréditation de la Haute autorité de santé, le 12 février 2009, pour une durée de quatre ans, au titre de la spécialité " chirurgie plastique reconstructrice ", est sans incidence sur le bénéfice, remis en cause à bon droit par l'administration fiscale, de l'exonération prévue par le 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts s'agissant de certains actes ne poursuivant pas une finalité thérapeutique.

15. En troisième lieu, la société Cabinet médical du docteur A... soutient que les chiffres d'affaires pris en compte par le service seraient erronés. Toutefois, il résulte de l'instruction que le service s'est fondé, pour établir les rectifications au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2014, sur les chiffres d'affaires retenus dans le cadre des déclarations de résultats déposés par la société requérante, dont il a retranché les montants figurant dans les relevés du système national inter-régime (SNIR) correspondant aux honoraires remboursés par l'assurance maladie. Ainsi qu'il a été dit précédemment, la société Cabinet médical du docteur A... n'établit pas que d'autres prestations que celles ayant fait l'objet d'un remboursement effectif par l'assurance maladie étaient en l'espèce remboursables. Par ailleurs, si elle conteste le montant retenu au titre des honoraires remboursés, elle n'apporte aucun élément de preuve au soutien de ses allégations. Par suite, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :

16. En premier lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente [...] ".

17. D'une part, la doctrine administrative référencée BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10, dans sa version mise à jour au 7 février 2018, n'est pas invocable dans le présent litige, eu égard à la date de cette mise à jour.

18. D'autre part, si la société Cabinet médical du docteur A... se prévaut de l'instruction référencée BOI-CF-IOR-40, cette instruction concerne la procédure d'évaluation d'office en cas d'opposition à contrôle fiscal, qui n'a pas été mise en œuvre en l'espèce. Par ailleurs, l'instruction référencée BOI-CF-IOR-50-20 ne comporte pas, en ses paragraphes 200 et 210 invoqués par la société requérante, d'interprétation différente de la loi fiscale de celle dont il a été fait application. Enfin, la société Cabinet médical du docteur A... ne peut en tout état de cause se prévaloir, eu égard à sa date, de la réponse du ministre de l'économie et des finances à une question écrite posée par la sénatrice Canayer, publiée le 22 février 2018.

19. En second lieu, aux termes de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi [...] ".

20. Peuvent se prévaloir de la garantie prévue au 1° de l'article L. 80 B, pour faire échec à l'application de la loi fiscale, les contribuables qui se trouvent dans la situation de fait sur laquelle l'appréciation invoquée a été portée ainsi que les contribuables qui, à la date de la prise de position de l'administration, ont été partie à l'acte ou ont participé à l'opération qui a donné naissance à cette situation sans que les autres contribuables puissent utilement invoquer une rupture à leur détriment du principe d'égalité.

21. La société Cabinet médical du docteur A... invoque la position que l'administration fiscale aurait, selon elle, formellement prise en procédant, au bénéfice d'autres sociétés, à des dégrèvements d'impositions supplémentaires initialement notifiées à la suite de la remise en cause de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée appliquée sur le fondement du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts. Toutefois, en procédant à de tels dégrèvements affectant des sociétés distinctes de la société requérante, laquelle n'a par ailleurs pas participé aux prestations réalisées par ces sociétés, l'administration fiscale n'a pas pris une position dont la requérante pourrait se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales. Par suite, et alors que la société Cabinet médical du docteur A... n'établit pas que l'administration fiscale aurait méconnu les principes d'égalité et de sécurité juridique ou le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, le moyen doit être écarté.

Sur le bien-fondé des cotisations supplémentaires de taxe sur les salaires :

22. Aux termes du 1 de l'article 231 du code général des impôts : " Les sommes payées à titre de rémunérations aux salariés [...] sont soumises à une taxe égale à 4,25 % de leur montant [...]. Cette taxe est à la charge des entreprises et organismes [...] qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations [...] ".

23. La société Cabinet médical du docteur A... se borne à soutenir que les cotisations supplémentaires de taxe sur les salaires qui lui ont été assignées devraient être déchargées par voie de conséquence d'une décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, et dès lors que la société requérante ne conteste pas ne pas avoir été assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée sur 90 % au moins de son chiffre d'affaires au titre des années 2012 et 2013, c'est à bon droit que l'administration fiscales l'a soumise, en application du 1 de l'article 231 du code général des impôts, à la taxe sur les salaires au titre des années 2013 et 2014.

24. Il résulte de tout ce qui précède - sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle tendant à savoir si l'administration fiscale doit tenir compte de l'avis émis par une autorité sanitaire sur un acte médical ou de la classification de cet acte médical proposée par l'autorité sanitaire - que la société Cabinet médical du docteur A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Cabinet médical du docteur A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Cabinet médical du docteur A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 6 janvier 2022, où siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre ;

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure ;

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 janvier 2022.

Le rapporteur,

K. AGGIOURILa présidente,

H. VINOT

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA00579


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00579
Date de la décision : 27/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-02 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Exemptions et exonérations.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : CABINET ARSENE TAXAND

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-01-27;20pa00579 ?
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