La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/01/2022 | FRANCE | N°20PA02349

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 26 janvier 2022, 20PA02349


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 à 2014.

Par un jugement n° 1817192/1-2 du 10 juillet 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 août 2020, M. B..., représenté par Me David Obadia, deman

de à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1817192/1-2 du 10 juillet 2020 du Tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 à 2014.

Par un jugement n° 1817192/1-2 du 10 juillet 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 août 2020, M. B..., représenté par Me David Obadia, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1817192/1-2 du 10 juillet 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge demandée au tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la mise en œuvre de la procédure de taxation d'office est irrégulière, dès lors que l'administration n'établit pas l'existence de détournements de fonds au détriment de la société Walch ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;

- l'administration n'a pas joint à la proposition de rectification les procès-verbaux obtenus dans le cadre du droit de communication ;

- il est privé des droits de la défense, compte tenu du secret de l'instruction dans le cadre de la procédure judiciaire ;

- en l'absence d'activité illicite, le délai de reprise prévu au deuxième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales n'était pas applicable ;

- l'administration n'apporte pas la preuve de détournements de fonds imposables sur le fondement de l'article 92 du code général des impôts.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 septembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 10 juin 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Platillero,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,

- et les observations de Me Boisseau, substituant Me Obadia, avocat de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... était président-directeur général de la société par actions simplifiée unipersonnelle Walch, dont l'activité est l'administration d'immeubles, du 8 février 2010 au 13 janvier 2014, avant d'en devenir président. A la suite de l'exercice, le 7 juin 2016, de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, en application des articles L. 81 et L. 82 C du livre des procédures fiscales, l'administration a consulté le 6 juillet 2016, après autorisation du vice-procureur du Tribunal de grande instance de Paris, le dossier enregistré sous le numéro de parquet P 14 224 000 048, ouvert pour des faits d'abus de biens sociaux et de blanchiment. Parallèlement, la société Walch a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices 2013 et 2014. Estimant que M. B... avait procédé à des détournements de fonds au détriment de la société Walch, l'administration lui a adressé une proposition de rectification du 28 avril 2017 par laquelle elle a évalué d'office les bénéfices non commerciaux correspondants. Au terme de la procédure, M. B... a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2011 à 2014, assorties des intérêts de retard et de la majoration de 80 % prévue au c) du 1 de l'article 1728 du code général des impôts. M. B... relève appel du jugement du 10 juillet 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et majorations, de ces impositions.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : (...) 3° Si le contribuable s'est livré à une activité occulte, au sens du deuxième alinéa de l'article L. 169 (...) ". Aux termes de l'article L. 73 du même livre : " Peuvent être évalués d'office : (...) 2° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux ou des revenus assimilés lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 97 du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal (...) ". Aux termes de l'article L. 169 de ce livre, dans sa rédaction alors en vigueur : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite ".

3. Il résulte de l'instruction que l'administration a constaté, lors de l'exercice du droit de communication auprès de l'autorité judiciaire et de la vérification de comptabilité de la société Walch, que quatorze chèques avaient été émis en provenance de comptes bancaires de cette société, pour l'essentiel d'un compte correspondant à la gestion de sommes déposées par les copropriétaires qui lui avaient donné mandat dans le cadre de son activité de syndic, dit " compte mandant ". Ces chèques, signés par M. B..., ont été encaissés au bénéfice de l'association Comité de salut artistique, dont M. B... était le trésorier, l'intéressé les ayant endossés avant leur encaissement sur le seul compte bancaire de l'association sur lequel il avait une procuration. Le président et le secrétaire général de cette association ont reconnu dans le cadre d'auditions que celle-ci n'avait plus d'activité depuis 2003. Les sommes ainsi encaissées par l'association ont été utilisées pour acquérir des œuvres d'art auprès de sociétés tierces. Si les factures d'achat ont pour l'essentiel été émises au nom de la société Walch, l'administration a constaté que ces achats, d'un montant de 136 778,64 euros en 2011, 148 083,67 euros en 2012, 178 151,83 euros en 2013 et 38 007,28 euros en 2014, ne figuraient pas en immobilisations ou en charges dans la comptabilité de la société Walch, qui n'a produit aucune facture ou aucun contrat les justifiant dans le cadre de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet au titre des années 2013 et 2014. L'administration en a conclu que M. B... avait personnellement appréhendé les sommes précitées en détournant les fonds de la société Walch qu'il dirigeait.

4. M. B... fait valoir que les œuvres d'art ont été acquises en vue de décorer les locaux de la société Walch et de faire fructifier sa trésorerie, qu'en qualité de président de la société, il était habilité à investir la trésorerie dont disposait la société, qui pouvait légalement employer et disposer des fonds détenus sur le compte mandant, et qu'il n'était pas illégal d'acquérir les œuvres par le biais d'une association, intermédiaire transparent. Toutefois, dans la mesure où il est constant qu'aucune trace de ces œuvres ne figurait dans la comptabilité de la société Walch alors que les factures d'achat ont été pour l'essentiel émises à son nom, il ne résulte aucunement de ces seules allégations, dépourvues de tout élément venant à leur appui, que les achats en litige ont été effectués dans l'intérêt de la société. A cet égard, si M. B... soutient que les œuvres étaient présentes dans les locaux de la société Walch, tout en indiquant d'ailleurs qu'elles étaient dans un local de stockage loué par cette société, cette circonstance ne saurait établir qu'elles ont été acquises dans l'intérêt de la société. Par ailleurs, si M. B... fait valoir qu'un des versements à l'association Comité de salut artistique ne provient pas d'un compte mandant mais d'un compte propre à la société Walch et que l'association n'a dégagé aucun bénéfice, ces arguments sont sans incidence sur les éléments avancés par l'administration, qui sont de nature à établir l'existence de détournements de fonds au détriment de la société Walch. Enfin, M. B... ne peut sérieusement soutenir que l'administration n'apporte pas la preuve qu'il n'a pas appréhendé les sommes en litige, dès lors qu'il est l'auteur de l'ensemble des versements en cause.

5. Dans ces conditions, l'administration apporte la preuve de l'exercice d'une activité occulte qui n'a pas été déclarée au sens des dispositions précitées de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales. Par suite, elle a régulièrement eu un recours à une procédure d'office en application des articles L. 68 et L. 73 du même livre. A cet égard, la circonstance qu'aucune proposition de rectification n'a été adressée à la société Walch, qui aurait ainsi été privée de " débat contradictoire ", est sans incidence dès lors que l'administration apporte la preuve des détournements de fonds commis au préjudice de cette société.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

7. Il résulte de l'instruction que l'administration a cité, dans la proposition de rectification, qui contient l'ensemble des éléments de droit et de fait qui constituent le fondement des rectifications, les pièces de la procédure judiciaire qu'elle a utilisées pour fonder les rectifications, en reprenant d'ailleurs leurs termes. Elle a ainsi rempli ses obligations d'information résultant de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales quant à l'origine et à la teneur des informations recueillies dans le cadre du droit de communication. Par ailleurs, M. B... n'allègue pas qu'il aurait demandé la communication des documents utilisés.

8. En troisième lieu, M. B... étant la personne visée par la procédure judiciaire, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles le secret de l'instruction aurait fait obstacle à ce qu'il communique des informations sur le déroulement de cette procédure s'il s'y croyait fondé.

Sur le bien-fondé des impositions :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 5 que M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en l'absence d'activité illicite, le délai de reprise prévu au deuxième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales n'était pas applicable et que la prescription lui aurait ainsi été acquise au titre des années 2011 à 2013.

10. En second lieu, aux termes de l'article 92 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus (...) ".

11. Pour les mêmes motifs que ceux précédemment mentionnés, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'administration n'apporte pas la preuve de détournements de fonds, imposables sur le fondement des dispositions de l'article 92 du code général des impôts.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement et de décharge, en droits et majorations, des impositions en litige doivent dès lors être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais qu'il a exposés.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 janvier 2022.

Le rapporteur,

F. PLATILLEROLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVALa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA02349


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02349
Date de la décision : 26/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SELARL OBADIA et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-01-26;20pa02349 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award