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14/01/2022 | FRANCE | N°21PA02628

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 14 janvier 2022, 21PA02628


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun l'annulation de l'arrêté du 10 novembre 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande de renouvellement de son certificat de résidence en qualité de conjoint de Français et lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Il a également demandé qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer le certificat de résidence sollicité.

Par un jugement n° 2010660 du 13 avril 2021, le tribunal administr

atif de Melun a annulé l'arrêté préfectoral du 10 novembre 2020 et a enjoint au préf...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun l'annulation de l'arrêté du 10 novembre 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande de renouvellement de son certificat de résidence en qualité de conjoint de Français et lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Il a également demandé qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer le certificat de résidence sollicité.

Par un jugement n° 2010660 du 13 avril 2021, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté préfectoral du 10 novembre 2020 et a enjoint au préfet du Val-de-Marne de délivrer à M. B... un certificat de résidence de dix ans sur le fondement de l'article 7bis a) de l'accord franco-algérien dans un délai de deux mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés sous le n° 2102628 les 13 mai et 20 juillet 2021, le préfet du Val-de-Marne demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2010660 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande de M. B... présentée devant le tribunal administratif.

Il soutient que l'enquête diligentée par les services de police au domicile du couple démontre l'absence de vie commune entre les époux, et que les autres moyens de la demande de première instance de M. B... ne sont pas fondés.

Par mémoire enregistré le 12 octobre 2021, M. B..., représenté par Me Nessah, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que la réalité de la vie commune est établie par de nombreuses pièces.

II. Par une requête enregistrée le 17 septembre 2021, sous le n° 21PA05126, le préfet du Val- de-Marne demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2010660 du 13 avril 2021 du tribunal administratif de Melun.

Il soutient que l'enquête diligentée par les services de police au domicile du couple démontre l'absence de vie commune entre les époux, et que les autres moyens de la demande de première instance de M. B... ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. B... qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco algérien du 27 décembre 1968, modifié par ses avenants ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Simon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les deux requêtes sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par une même décision.

2. M. B..., ressortissant algérien né en 1984, titulaire d'un certificat de résidence d'un an en qualité de conjoint de Français, a sollicité, à l'expiration de son titre, la délivrance d'un certificat de résidence de dix ans en qualité de conjoint de Français. Par décision du 10 novembre 2020, le préfet du Val-de-Marne, notamment, a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours. Le préfet du Val-de-Marne demande à la Cour l'annulation du jugement du 13 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté préfectoral du 10 novembre 2020 mentionné et lui a fait injonction de délivrer le certificat de résidence sollicité dans le délai de deux mois.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre époux ". Aux termes de l'article 7 bis de cet accord : " (...) Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit (...) a) Au ressortissant algérien, marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2) et au dernier alinéa de ce même article (...) ".

4. Pour établir la réalité de sa vie commune avec son épouse, M. B... produit de nombreux documents de nature administrative établis à son nom ou à celui de son épouse, ou à leur deux noms, portant adresse au domicile du 34, rue Camille Blanc à Vitry sur Seine, et, pour la première fois, devant la Cour, des factures portant leurs deux noms, postérieures à la date de la décision attaquée. Toutefois, ces documents, qui se réfèrent à une adresse établie sur la base des déclarations des intéressés en tenant compte d'une situation de fait susceptible d'avoir évolué, ne permettent pas, par eux-mêmes, de justifier de la réalité de la communauté de vie à cette date Par ailleurs, il ressort également du rapport d'enquête de police établi le 30 juillet 2020 que l'intéressé ne résidait pas dans l'appartement réputé commun, qui ne comportait aucune affaire masculine, en dehors d'un sac rangé dans un placard comportant quelques affaires froissées, et ne comportait pas non plus d'affaires de toilettes ou de photographies, alors que son épouse n'a pas mentionné son mariage lors de sa déclaration de revenu établie au titre de l'année 2018, comme elle en a le droit au titre de la première année d'imposition. Si M. B... fait valoir que son absence momentanée était due à une altercation avec la fille de son épouse et qu'il a rejoint le domicile familial après quatre jours d'absence, il ne l'établit pas en se bornant à verser au dossier deux attestations de ladite fille et d'un ami, dont au demeurant seule la dernière précise les dates d'absence du requérant, lesquelles ne sont pas corroborées par les déclarations de son épouse qui avait déclaré lors de la visite des services de police que son mari était parti faire une course à la Poste. Dans ces conditions, le préfet du Val-de-Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté attaqué du 10 novembre 2020 pour motif de communauté de vie effective entre époux, et lui a fait injonction de délivrer à M. B... un certificat de résidence de dix ans.

5. Il appartient, toutefois à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel de statuer sur la demande de M. B....

6. En premier lieu, l'arrêté préfectoral du 10 novembre 2020 mentionne les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Il est ainsi suffisamment motivé.

7. En deuxième lieu, il résulte des énonciations du point 4 du présent arrêt que M. B... n'établit pas la réalité de la communauté de vie avec son épouse, et qu'il ne peut ainsi prétendre à la délivrance d'un certificat de résidence de dix ans en qualité de conjoint de français.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. M. B... est entré en France en janvier 2018 à l'âge de 31 ans sous couvert d'un visa touristique et a épousé Mme C..., de nationalité française. Comme énoncé au point 4, la réalité de la communauté de vie n'est pas établie. Compte tenu de la faible durée du séjour de M. B... en France et de l'absence de vie familiale effective dans ce pays, et de la présence d'attaches familiales et personnelles dans son pays d'origine, et alors même que l'intéressé a pu travailler sous couvert de son premier titre de séjour, la décision attaquée n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

10. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Val-de-Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté préfectoral du 10 novembre 2020 mentionné et lui a fait obligation de délivrer à M. B... un certificat de résidence de dix ans.

11. Le présent arrêt statuant sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Melun, en date du 13 avril 2021, il n'y a pas lieu, pour la Cour, à statuer sur la requête 21005126 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution.

12. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées pour M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées, le préfet du Val-de-Marne n'étant pas, dans l'instance n° 21PA02628 visée ci-dessus, la partie perdante.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu à statuer sur la requête n° 2105126.

Article 2 : Le jugement n° 2010660 du tribunal administratif de Melun en date du 10 novembre 2020 est annulé.

Article 3 : La demande de M. B... devant le tribunal administratif de Melun est rejetée.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère président de chambre,

- M. Simon, premier conseiller,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 14 janvier 2022.

Le rapporteur,

C. SIMONLe président,

S. CARRERE La greffière,

E. LUCELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N° 21PA02628, 21PA05126


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02628
Date de la décision : 14/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Autorisation de séjour - Refus de renouvellement.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Claude SIMON
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : NESSAH

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-01-14;21pa02628 ?
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