Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 3 février 2020 par laquelle le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office.
Par un jugement n° 2004886 du 23 décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 mars 2021, Mme B..., représentée par Me Chrétien, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n ° 2004886 du 23 décembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 février 2020 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour vie privée et familiale dans un délai de 15 jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de lui enjoindre de réexaminer sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- il a été pris en violation du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par mémoire enregistré le 8 juillet 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 10 juin 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 juillet 2021.
Un mémoire complémentaire, enregistré le 13 décembre 2021, postérieurement à la clôture de l'instruction, a été présenté pour Mme B... par Me Chrétien.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 22 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi sur l'aide juridictionnelle ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Simon ;
- et les observations de Me Tavares, substituant Me Chrétien, pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante nigériane, née en 1990, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Le préfet de police, par arrêté du 3 février 2020, a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office. Elle demande à la Cour l'annulation du jugement du 23 décembre 2020, par lequel le du tribunal administratif de Paris a rejeté son recours dirigé contre l'arrêté du 3 février 2020 mentionné, ainsi que l'annulation de ladite décision.
2. En premier lieu, l'arrêté préfectoral attaqué mentionne les considérations de droit et de faits sur le fondement desquels, au regard des dispositions légales en cause, le préfet de police a refusé à Mme B... la délivrance d'un titre de séjour et, par voie de conséquence, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite. Il est ainsi suffisamment motivé, l'exigence de motivation n'impliquant pas qu'il soit fait mention de l'ensemble des circonstances relatives à la situation de l'intéressée. A cet égard, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police de Paris ne se serait pas livré à un examen particulier de sa situation personnelle. Par suite, les moyens soulevés doivent être écartés comme dépourvus de fondement.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi.
4. Mme B... souffre, d'une part, de troubles psychiatriques associés à un syndrome post-traumatique, et, d'autre part, d'un diabète de type 1 compliqué de neuropathie et d'un adénome hypophysaire. Elle produit de nombreux certificats médicaux qui attestent de la gravité de sa pathologie et de la nécessité de soins réguliers et d'un suivi spécialisé. Toutefois, les différents documents versés au dossier, relatifs à l'impossibilité de bénéficier effectivement d'une prise en charge médicale en cas de retour dans son pays d'origine, le Nigéria, sont insuffisamment circonstanciés pour contredire l'appréciation du préfet de police, qui s'est appuyé sur l'avis du collège de médecins de l'OFII pour estimer que, si l'intéressée souffre de pathologies nécessitants des soins dont le défaut l'exposerait à des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut néanmoins bénéficier effectivement de soins adaptés au Nigéria. Le moyen tenant à la violation des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 doit, ainsi, être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Comme l'a jugé le tribunal administratif, dont il convient sur ce point de s'approprier les motifs, le moyen tenant à la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. / 2. Les Etats parties s'engagent à assurer à l'enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
8. Mme B... a donné naissance en août 2019 à une fille, née de ses relations avec un compatriote bénéficiaire de la protection subsidiaire des réfugiés accordée par l'Etat italien. Elle déclare toutefois ne plus avoir de contact avec cet homme qui ne participe nullement à l'éducation et l'entretien de l'enfant dont il se désintéresse. Dans ces conditions, la circonstance que le père n'est pas en mesure, compte tenu de la mesure de protection dont il est l'objet, de rejoindre sa fille au Nigéria ne méconnait pas l'intérêt supérieur de l'enfant. Par ailleurs, si Mme B... soutient avoir été victime d'excision dans son enfance et que sa mère souhaiterait faire exciser sa fille, elle est en mesure, compte tenu de son âge, de protéger sa fille d'une telle menace en cas de retour au Nigéria. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit, ainsi, être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande, dirigée contre les décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire, et contre la décision fixant le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite. Ses conclusions dirigées contre le jugement et l'arrêté préfectoral doivent ainsi être rejetées, ainsi que celles tendant au prononcé d'une injonction et celles présentées au titre des frais d'instance non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président de chambre,
- M. Simon, premier conseiller,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 14 janvier 2022.
Le rapporteur,
C. SIMONLe président,
S. CARRERELa greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA01501