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30/12/2021 | FRANCE | N°21PA02395

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 30 décembre 2021, 21PA02395


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2018 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé sa révocation en qualité d'inspecteur du permis de conduire et de la sécurité routière.

Par un jugement n° 1810596 du 17 mars 2021, le Tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 19 octobre 2018 et enjoint au ministre de l'intérieur de réintégrer M. C... à la date de prise d'effet de sa révocation et de reconstituer sa carrière.

Procédure devant la Cour :

I- Par une requête n° 21PA02395, enregistrée le 4 mai 2021, le min...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2018 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé sa révocation en qualité d'inspecteur du permis de conduire et de la sécurité routière.

Par un jugement n° 1810596 du 17 mars 2021, le Tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 19 octobre 2018 et enjoint au ministre de l'intérieur de réintégrer M. C... à la date de prise d'effet de sa révocation et de reconstituer sa carrière.

Procédure devant la Cour :

I- Par une requête n° 21PA02395, enregistrée le 4 mai 2021, le ministre de l'intérieur demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 mars 2021 ;

2°) de rejeter la demande de M. C....

Il soutient que :

- c'est à tort que le Tribunal a retenu le moyen tiré de la réception tardive de son dossier administratif avant le conseil de discipline afin de préparer une défense utile ;

- s'agissant des autres moyens soulevés en première instance, il s'en rapporte à ses écritures devant le Tribunal administratif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2021, M. C... représenté par Me Zanatta conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que l'arrêté est entaché d'illégalité et reprend ses moyens développés en première instance.

II - Par une requête n° 21PA02460, enregistrée le 6 mai 2021, le ministre de l'intérieur demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement du Tribunal administratif de Melun n° 1810596 du 17 mars 2021.

Il soutient que les conditions fixées par les articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative sont en l'espèce remplies.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2021, M. C... représenté par Me Zanatta conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi du 22 avril 1905 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Briançon,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- et les observations de Me Zanatta , représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C... a été recruté comme inspecteur du permis de conduire et de la sécurité routière le 13 septembre 2013. Il a été affecté au sein de l'unité territoriale du

Val-de-Marne de la direction régionale et interdépartementale de l'équipement et de l'aménagement d'Ile-de-France au sein du centre d'examen de Créteil et a été titularisé le

1er septembre 2014. Par un arrêté en date du 15 juillet 2016, le ministre de l'intérieur a suspendu M. C... au motif que des poursuites pénales étaient exercées à son encontre pour des faits de fraude à l'examen théorique du permis de conduire. Par un arrêté en date du 28 décembre 2016, le ministre de l'intérieur a décidé de prolonger les effets de la suspension de M. C... jusqu'au règlement définitif de sa situation administrative, en raison de ce que les poursuites pénales et l'intérêt du service faisaient obstacle à son rétablissement dans ses fonctions. Par un jugement en date du 27 mars 2017, frappé d'appel, la 9ème chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Créteil a condamné M. C... à une peine d'un an d'emprisonnement avec sursis et vingt mille euros d'amende pour des faits de recel de bien provenant d'un délit puni d'une peine n'excédant pas cinq ans d'emprisonnement, en relation avec une fraude à l'examen du permis de conduire, d'une part et, d'autre part, l'a relaxé des faits d'escroquerie réalisée en bande organisée. Par un arrêté du 19 octobre 2018, le ministre de l'intérieur a révoqué M. C..., en raison de ses manquements aux obligations de probité, de discrétion professionnelle, d'obéissance hiérarchique et pour avoir porté atteinte à l'image de l'Etat et du service public. Par un arrêt du 2 avril 2019, la 12ème chambre de la cour d'appel de Paris a confirmé la culpabilité de M. C... au titre de l'abus de biens sociaux et a confirmé sa relaxe au titre de l'escroquerie en bande organisée, tout en réduisant sa condamnation à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis. M. C... demande au Tribunal l'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2018 prononçant sa révocation.

Sur la jonction :

2. L'appel et la demande de sursis à exécution présentés par le ministre de l'intérieur sont formés contre un même jugement, présentent à juger des mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur la requête n° 21PA02395 :

3. Aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et recettes de l'exercice 1905 : " Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté. ".

4. Aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination. / Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 1er du décret du 25 octobre 1984 : " L'administration doit dans le cas où une procédure disciplinaire est engagée à l'encontre d'un fonctionnaire informer l'intéressé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de tous les documents annexes et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix ". Le délai dans lequel l'administration doit communiquer à l'agent contre lequel est engagée une procédure disciplinaire, l'intégralité de son dossier individuel et tous les documents annexes, en application des dispositions précitées, doit lui permettre de préparer utilement sa défense avant la réunion du conseil de discipline lorsque la consultation de cet organisme est rendue obligatoire par les dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983.

5. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

6. Il ressort des pièces du dossier que les services du ministère de l'intérieur ont adressé à M. C..., le 8 août 2018 un courrier, dont il a accusé réception le 14 août 2018, l'informant qu'il était convoqué devant la commission administrative paritaire réunie en conseil de discipline le 11 octobre suivant et lui indiquant ses droits. Cette convocation était également assortie d'un formulaire relatif aux droits de la défense. M. C... a retourné le formulaire aux services compétents qui en ont accusé réception le 18 septembre 2018, en indiquant qu'il serait assisté pour sa défense par Me Cohen-Sabban et qu'il souhaitait obtenir la communication de son dossier disciplinaire par voie postale. M. C... a été avisé de l'envoi de son dossier par courrier recommandé le 9 octobre 2018, dont il a accusé réception le 12 octobre suivant, soit après la tenue du conseil de discipline. La seule circonstance que le dossier disciplinaire comportant le rapport à la commission établi le 3 octobre 2018 lui aurait été transmis par mél le 4 octobre 2018 ne suffit pas à établir que M. C... en aurait pris connaissance dès lors qu'aucun accusé de réception n'a été adressé au service. Par suite, M. C... a été privé de la garantie, résultant de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 et de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, de recevoir communication de son dossier administratif, et notamment des pièces qu'il contient et qui justifient la mise en œuvre de la procédure, avant la tenue du conseil de discipline afin de préparer utilement sa défense. Par suite, le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a retenu le moyen tiré de l'absence de communication du dossier disciplinaire pour annuler l'arrêté du 19 octobre 2018.

Sur la requête n° 21PA02460 :

7. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n° 1810596 du

17 mars 2021 du Tribunal administratif de Melun, les conclusions de la requête n° 21PA02460 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Dès lors, il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 21PA02460 du ministre de l'intérieur tendant au sursis à exécution du jugement n° 1810596 du Tribunal administratif de Melun.

Article 2 : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4: Le présent jugement sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... C....

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Briançon, présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2021.

La présidente-rapporteure,

C. BRIANÇON

L'assesseur le plus ancien,

P. MANTZ

La greffière,

V. BREME

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

Nos 21PA02395,21PA02460...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02395
Date de la décision : 30/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Communication du dossier.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme BRIANÇON
Rapporteur ?: Mme Claudine BRIANÇON
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : ZANATTA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-30;21pa02395 ?
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