Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association union juive française pour la paix, a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 19 janvier 2018 par laquelle le commissariat général à l'égalité des territoires a remis en cause l'arrêté de subvention n° 755270 16 DS01 SD2B300234 du 8 juillet 2016 lui accordant une subvention de 18 000 euros pour mettre en œuvre le projet " Une parole juive contre le racisme " : production d'outils-réunions publiques, et la décision implicite rejetant son recours gracieux formé le 14 février 2018.
Par un jugement n° 1804319/5-3 du 16 octobre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 13 décembre 2019, l'association union juive française pour la paix, représentée par Me Comte, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 octobre 2019 ;
2°) d'annuler la décision en date du 19 janvier 2018 par laquelle le commissariat général à l'égalité des territoires a remis en cause l'arrêté de subvention n° 755270 16 DS01 SD2B300234 du 8 juillet 2016 lui accordant une subvention de 18 000 euros pour mettre en œuvre le projet "Une parole juive contre le racisme" : production d'outils-réunions publiques ;
3°) d'enjoindre au commissariat général à l'égalité des territoires d'informer le ministère de l'éducation nationale de l'irrégularité des réserves émises quant à la diffusion des clips au sein des établissements scolaires, au besoin sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre au commissariat général à l'égalité des territoires d'interrompre toute procédure de recouvrement de la subvention allouée qu'elle aurait engagée, dans un délai de 8 jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge du commissariat général à l'égalité des territoires la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que la mention du soutien du CGET ne pouvait être regardée comme constituant un droit au profit de l'association pour écarter le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit au regard des motifs invoqués et d'un défaut de base légale ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un détournement de pouvoir.
La requête a été communiquée au commissariat général à l'égalité des territoires et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales qui n'ont pas produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 24 septembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au
25 octobre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Briançon, rapporteure,
- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,
- et les observations de Me Souleil-Balducci, représentant l'association union juive française pour la paix.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 8 juillet 2016, le commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) a accordé à l'association union juive française pour la paix, une subvention de 18 000 euros, au titre de l'exercice 2016, pour un projet intitulé " Une parole juive contre le racisme " : production d'outils-réunions publiques portant sur la déconstruction des préjugés racistes et antisémites et sur l'engagement citoyen. Cet arrêté prévoyait que le programme d'actions, composé de trois volets, devait être achevé au plus tard le 31 décembre 2016 et que la subvention devait être justifiée au plus tard le 30 juin 2017. A la suite de la réalisation de dix clips vidéos et de la transmission du bilan financier de l'utilisation de la subvention, le CGET a, par courrier du 19 janvier 2018 adressé à l'association requérante, fait part de son étonnement sur la teneur des réalisations audiovisuelles au regard des orientations présentées dans la demande de subvention ainsi que dans l'arrêté de financement et lui a indiqué que le CGET ne pouvait soutenir ces réalisations. Il lui a demandé pour ce motif de retirer du site internet la mention du soutien accordé ainsi que de tout document lié à la diffusion de ces clips en précisant en outre que le ministère de l'éducation nationale serait informé de cette réserve quant à la diffusion des vidéos au sein des établissements scolaires. L'association union juive française pour la paix (UJFP) relève appel du jugement du 16 octobre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 janvier 2018.
2. Aux termes de l'article 9-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Constituent des subventions, au sens de la présente loi, les contributions facultatives de toute nature, valorisées dans l'acte d'attribution, décidées par les autorités administratives et les organismes chargés de la gestion d'un service public industriel et commercial, justifiées par un intérêt général et destinées à la réalisation d'une action ou d'un projet d'investissement, à la contribution au développement d'activités ou au financement global de l'activité de l'organisme de droit privé bénéficiaire. Ces actions, projets ou activités sont initiés, définis et mis en œuvre par les organismes de droit privé bénéficiaires. Ces contributions ne peuvent constituer la rémunération de prestations individualisées répondant aux besoins des autorités ou organismes qui les accordent. " et aux termes de l'article L 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; ". Enfin, aux termes de l'article L 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'administration n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique. ".
3. D'une part, l'attribution d'une subvention par une personne publique crée des droits au profit de son bénéficiaire. Toutefois, de tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu'elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d'octroi, qu'elles aient fait l'objet d'une convention signée avec le bénéficiaire ou encore qu'elles découlent implicitement mais nécessairement de l'objet même de la subvention. D'autre part, le courrier contesté a pour objet de retirer du site internet la mention du soutien accordé ainsi que de tout document lié à la diffusion de ces clips en précisant en outre que le ministère de l'éducation nationale serait informé de cette réserve quant à la diffusion des vidéos au sein des établissements scolaires.
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet dénommé : " Une parole juive contre le racisme : production d'outils-réunions publiques " comportait, aux termes de l'article 1er de l'arrêté de subvention, trois volets sur l'animation d'un atelier, la réalisation de deux séries de clips et l'organisation de réunions publiques sur le thème et avec l'aide des outils pédagogiques réalisés en direction de publics adulte et jeune. Les articles 6 et 7 de ce même arrêté prévoyaient que le programme d'actions devait être achevé au plus tard le
31 décembre 2016 et que la subvention serait justifiée au plus tard le 30 juin 2017. Enfin, l'article 9 indiquait également que : " Tous les documents de promotion et de communication doivent porter le logotype CGET ( ...) et la mention " avec le soutien du CGET " pour les diverses publications, dossiers de presse, communiqués de presse, documents audiovisuels ".
5. Il est constant, comme le reconnait l'association requérante dans un courrier du 14 février 2018, d'une part, qu'elle a pris l'initiative de modifier la forme et la durée des clips au cours de la mise en œuvre du projet en réalisant 10 clips au lieu de 20 et en intégrant des prises de position plus générales de l'association ne correspondant pas à ce qui avait été initialement prévu et, d'autre part, qu'elle n'a remis que le 10 octobre 2017 le bilan quantitatif de l'action réalisée et un compte rendu financier, soit au-delà du délai imparti fixé au 30 juin 2017. Au demeurant, le courrier du 19 janvier 2018 ne retire pas la subvention accordée et son objet ne rentre dans aucune des catégories mentionnées à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, la mention du soutien du CGET ne pouvant être regardée comme constituant un droit au profit de l'association requérante dès lors que cette dernière n'avait pas respecté les conditions fixées par l'arrêté de subvention. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire doit en tout état de cause être écarté.
6. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient l'association requérante, en indiquant que " les intitulés comme le contenu des clips diffusés sur votre site diffèrent de manière significative des orientations présentées dans la demande de subvention ", le CGET a estimé de manière suffisamment précise, et alors même qu'aucun manquement aux valeurs de la République n'a été relevé, que les réalisations n'étaient pas conformes au projet prévu par l'arrêté de subvention du 8 juillet 2016, vérification que le CGET était tenu d'effectuer en application de l'article 8 de l'arrêté. Par suite, le motif invoqué dans le courrier contesté du 19 janvier 2018 pouvait justifier la remise en cause du soutien apporté au projet.
7. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le CGET ayant constaté le non-respect des conditions fixées par l'arrêté de subvention a pu décider unilatéralement de suspendre l'application de l'article 9 de l'arrêté relatif à la publicité du soutien du CGET sur les documents diffusés par l'association dans le cadre de ce projet. Par ailleurs, rien ne faisait obstacle à ce qu'une information sur le retrait de son soutien soit diffusée au ministère de l'éducation nationale dès lors que le public bénéficiaire du projet en cause est principalement un public de " jeunes rencontrés dans les établissements scolaires " ainsi que les enseignants et les éducateurs. Par suite, l'UJFP n'est pas fondée à soutenir que les mesures prises n'entraient pas dans les prérogatives du CGET et étaient entachées d'un défaut de base légale.
8. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
9. En cinquième lieu, si des articles publiés dans le média " Causeur " en février 2018 ont dénoncé la subvention accordée à l'UJFP qui a saisi le tribunal judiciaire de Paris d'une plainte pour diffamation, il ressort des pièces du dossier que la mesure a été prise au regard des griefs décrits ci-dessus et non sur la base d'une dénonciation pour satisfaire des intérêts particuliers. Par suite, le détournement de pouvoir allégué ne peut qu'être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que l'association union juive française pour la paix n'est pas fondée à soutenir que c'est tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 19 janvier 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'association union juive française pour la paix est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association union juive française pour la paix, au commissariat général à l'égalité des territoires devenu l'agence nationale de la cohésion des territoires et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Délibéré après l'audience du 10 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Briançon, présidente,
- M. Mantz, premier conseiller,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2021.
La présidente-rapporteure,
C. BRIANÇON
L'assesseur le plus ancien,
P. MANTZ
La greffière,
V. BREME
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA04082