Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société de construction de menuiseries industrielles (SOCOMI) et la société industrie et travaux martiniquais (ITM) ont demandé au Tribunal administratif de la Martinique, à titre principal, de condamner le syndicat interhospitalier de Mangot-Vulcin à leur verser la somme de 1 239 186,32 euros au titre du règlement des soldes de prestations du marché de travaux des menuiseries extérieures de la cité hospitalière Mangot-Vulcin et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise afin de déterminer les causes des retards des travaux et d'évaluer les préjudices subis par elles.
Par un jugement n° 1400811 du 25 juillet 2017, le Tribunal administratif de la Martinique a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 septembre 2017 et le
18 novembre 2019, la société de construction de menuiseries industrielles (SOCOMI), en son nom propre et venant aux droits de la société ITM, représentée par Me Dizier, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1400811 du 25 juillet 2017 du Tribunal administratif de la Martinique ;
2°) de condamner le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin venant aux droits du syndicat interhospitalier de Mangot-Vulcin à lui verser la somme de 1 239 186,60 euros au titre du règlement du marché de travaux de menuiseries extérieures de la cité hospitalière de Mangot-Vulcin et, à titre infiniment subsidiaire, d'ordonner une expertise aux fins de détermination des frais complémentaires qu'elle a exposés et des préjudices éventuellement subis ;
3°) de mettre à la charge du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le document reçu le 24 février 2014, qui n'est pas daté, ne porte pas de numéro distinct de celui du 19 juillet 2012 et n'a été signé que par le maître d'ouvrage, ne constitue pas un décompte général et ne peut être regardé comme définitif ; ce document a été remis après l'expiration du délai de 45 jours après la remise du projet de décompte final ; sa réclamation ainsi que celle de la société ITM ont été adressées à la personne responsable du marché, en application de l'article 50.22 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, approuvé par le décret du 21 janvier 1976 ;
- les pénalités qui lui ont été infligées ne sont pas justifiées dès lors qu'aucune explication ne lui a été fournie et que la seule note qui lui a été communiquée n'a été ni signée ni datée, que son auteur est inconnu et qu'elle n'est pas accompagnée de pièces justificatives ; le décompte général définitif du 19 juillet 2012 mentionne des pénalités à hauteur de 5 000 euros et le document de 2014 fait état de 191 225,62 euros de pénalités ;
- elle a droit à l'indemnisation de la prolongation des frais d'étude pour un montant de 134 134 euros, des frais complémentaires d'encadrement du chantier pour un montant de 228 697 euros, des aléas de chantier pour un montant de 54 950 euros, des frais complémentaires résultant des décalages de fabrication pour un montant de 630 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2018, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, venant aux droits du syndicat interhospitalier de Mangot-Vulcin, représenté par Me Mbouhou, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société SOCOMI la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- à titre principal, la demande des société SOCOMI et ITM est irrecevable du fait du caractère définitif du décompte, qui pouvait être signé et notifié par ordre de service par le maître d'ouvrage, dès lors que la réclamation n'a pas été adressée au maître d'œuvre dans le délai de quarante-cinq jours en méconnaissance de l'article 13.44 du CCAG Travaux ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Briançon,
- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,
- et les observations de Me Mbouhou, représentant le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin.
Considérant ce qui suit :
1. Par un marché conclu le 9 septembre 2005, le syndicat interhospitalier de
Mangot-Vulcin a confié à la société SOCOMI et à la société ITM le lot 2.4 " menuiseries extérieures " du marché de construction de la cité hospitalière de Mangot-Vulcin. A la suite de la réception des travaux le 31 mars 2011, le groupement SOCOMI-ITM a notifié son projet de décompte final le 1er juillet 2011. Le décompte général a été notifié au groupement le
26 juillet 2012 et a fait l'objet de la part du groupement d'une acceptation avec réserves et d'un mémoire en réclamation adressé au syndicat interhospitalier, maître d'ouvrage. Un nouveau décompte a été établi par le maître d'ouvrage et accepté avec réserves le 1er avril 2014. Le groupement SOCOMI et la société ITM ont adressé au syndicat interhospitalier, le même jour, une réclamation financière, à laquelle il n'a pas été répondu. Par un jugement du 25 juillet 2017, dont la société SOCOMI fait appel, tant en son nom propre que venant aux droits de la société ITM, le Tribunal administratif de la Martinique a rejeté comme irrecevable leur demande tendant à la condamnation du syndicat interhospitalier de Mangot-Vulcin à leur verser une somme de
1 239 186,62 euros au titre du règlement des soldes de prestations du marché.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. L'article 13-42 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, approuvé par le décret du 21 janvier 1976 et alors en vigueur, prévoit que : " Le décompte général, signé par la personne responsable du marché, doit être notifié à l'entrepreneur par ordre de service avant la plus tardive des deux dates ci-après : / Quarante-cinq jours après la date de remise du projet de décompte final. / Trente jours après la publication de l'index de référence permettant la révision du solde (...) ". Aux termes de l'article 13-44 du même cahier des clauses administratives générales : " L'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'œuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer. Ce délai est de trente jours, si le marché a un délai d'exécution inférieur ou égal à six mois. Il est de quarante-cinq jours, dans le cas où le délai contractuel d'exécution du marché est supérieur à six mois. / Si la signature du décompte général est donnée sans réserve, cette acceptation lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne le montant des intérêts moratoires ; ce décompte devient ainsi le décompte général et définitif du marché. / Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif ; ce mémoire doit être remis au maître d'œuvre dans le délai indiqué au premier alinéa du présent article. Le règlement du différend intervient alors suivant les modalités indiquées à l'article 50. (...) ".
3. Il résulte de ces stipulations que c'est l'approbation par l'entrepreneur du décompte général signé par le maître de l'ouvrage ou l'expiration du délai de réclamation laissé à l'entrepreneur qui confèrent à ce décompte son caractère définitif et intangible, lequel a notamment pour effet d'interdire aux parties toute contestation ultérieure sur les éléments de ce décompte. L'entrepreneur dispose d'un délai fixé selon le cas à trente ou à quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte général pour faire valoir, dans un mémoire de réclamation remis au maître d'œuvre, ses éventuelles réserves, le règlement du différend intervenant alors selon les modalités précisées à l'article 50. En l'absence de notification du décompte général à l'entrepreneur, ce décompte ne peut être regardé comme étant devenu définitif ni à l'égard du maître de l'ouvrage ni à l'égard de l'entrepreneur et peut ainsi être contesté devant le juge du contrat.
4. Il résulte de l'instruction que, après avoir notifié, le 26 juillet 2012, au groupement composé de la société SOCOMI et de la société ITM, un décompte général que le groupement a accepté avec réserves, le syndicat interhospitalier de Mangot-Vulcin lui a notifié, le 24 février 2014, un second décompte général, que le groupement a de nouveau accepté avec réserves. Tout d'abord, contrairement à ce que soutient la société SOCOMI, ce document, portant la mention " décompte général ", notifié par ordre de service de clôture et accepté comme tel par la société requérante, revêt bien le caractère d'un décompte général et non celui d'une réponse au mémoire de réclamation présenté par le groupement en 2012. Ensuite, si la société requérante fait valoir qu'il n'est pas daté, porte le même numéro que celui du
19 juillet 2012 et a été signé par le seul maître d'ouvrage, d'une part, les dispositions de l'article 13.42 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux prévoient seulement que le décompte général, établi par le maître d'œuvre, comme cela a été le cas en l'espèce, est signé par la personne responsable du marché et, d'autre part, la société a certifié l'avoir reçu le 24 février 2014 et a mentionné l'accepter avec réserves le 1er avril 2014. Enfin, la méconnaissance du délai prévu par l'article 13-42 du cahier des clauses administratives générales pour la notification du décompte général du marché n'a pas eu d'effet sur la validité du décompte mais pouvait seulement ouvrir au groupement le droit au versement d'intérêts moratoires sur le solde du marché. Par suite, faute d'avoir adressé un mémoire de réclamation au maître d'œuvre de l'opération, dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte général le 24 février 2014, conformément à la procédure prévue à l'article 13-44 du cahier des clauses administratives générales, le groupement, qui a adressé ses réserves au seul maître d'ouvrage, n'était pas recevable à demander au Tribunal administratif de la Martinique de condamner le syndicat interhospitalier de Mangot-Vulcin à lui verser les sommes qu'il estimait lui être dues au titre du règlement des soldes de prestations du marché de travaux des menuiseries extérieures.
5. Il résulte de ce qui précède que la société SOCOMI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement des sommes que demande la société SOCOMI. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société SOCOMI le versement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Société construction de menuiseries industrielles (SOCOMI) est rejetée.
Article 2 : La société SOCOMI versera au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la Société construction de menuiseries industrielles (SOCOMI) et au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin venant aux droits du syndicat interhospitalier de Mangot-Vulcin.
Délibéré après l'audience du 10 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Fombeur, présidente de la Cour,
- Mme Briançon, présidente assesseure,
- M. Mantz premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2021.
La présidente,
P. FOMBEUR
L'assesseure la plus ancienne,
C. BRIANÇON
La greffière,
V. BREME
La République mande et ordonne au préfet de la Martinique ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA23196