Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 12 mai 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a signalée dans le système d'information Schengen, et d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour, ou, à défaut, de réexaminer sa situation.
Par un jugement n° 2005455/11 du 7 mai 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 12 mai 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis, lui a enjoint de réexaminer la demande de Mme D... dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
I - Par une requête enregistrée le 1er juillet 2021 sous le n° 21PA03662, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2005455/11 du 7 mai 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme D... devant ce tribunal.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que la décision portant refus de titre de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière et que Mme D... a été privée de la garantie prévue à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qui concerne la consultation de la commission du titre de séjour ; Mme D..., qui a été avisée du pli contenant la convocation, adressée à la dernière adresse connue de l'administration, ne l'a jamais réclamé ;
- les moyens invoqués par Mme D... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 octobre 2021, Mme D..., représentée par Me Agathe C... demande à la Cour de rejeter la requête, d'annuler l'arrêté du 12 mai 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis, de lui enjoindre de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués par le préfet de la Seine-Saint-Denis ne sont pas fondés.
II - Par une requête enregistrée le 23 juillet 2021 sous le n° 21PA04196, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 2005455/11 du 7 mai 2021 du Tribunal administratif de Montreuil.
Il soutient que :
- les moyens qu'il invoque sont sérieux et de nature à justifier, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet de la demande présentée par Mme D... devant le Tribunal administratif de Montreuil ; c'est à tort que le tribunal a estimé que la décision portant refus de titre de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière et que Mme D... a été privée de la garantie prévue à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qui concerne la consultation de la commission du titre de séjour ; Mme D..., qui a été avisée du pli contenant la convocation, adressée à la dernière adresse connue de l'administration, ne l'a jamais réclamé ; les moyens invoqués par Mme D... ne sont pas fondés ;
- le sursis à exécution du jugement peut être ordonné, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, dès lors que l'exécution du jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et que les moyens invoqués paraissent sérieux en l'état de l'instruction ; l'exécution du jugement est susceptible d'entraîner, compte tenu du risque de fuite de Mme D... qui s'est déjà soustraite à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, des conséquences difficilement réparables, outre le fait que lui accorder une autorisation provisoire de séjour en exécution du jugement lui ouvrirait un droit au séjour auquel elle ne peut prétendre et l'installerait dans une situation juridique ouvrant des droits sur lesquels aucune rétroactivité ne peut être appliquée.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 août 2021, Mme D..., représentée par Mme A... C..., demande à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués par le préfet de la Seine-Saint-Denis ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot ;
- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante comorienne, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour le 21 août 2018. Elle a fait l'objet d'un arrêté du 12 mai 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, lui a interdit le retour sur le territoire pour une durée de deux ans et l'a signalée dans le système d'information Schengen. Par un jugement n° 2005455/11 du 7 mai 2021, dont le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel et dont il demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution par les deux requêtes susvisées, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la demande de Mme D... dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2. Les requêtes nos 21PA03662 et 21PA04196 portant sur le même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur la requête n° 21PA03662 :
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
3. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. / (...) ". Aux termes de l'article L. 312-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. / L'étranger est convoqué par écrit au moins quinze jours avant la date de la réunion de la commission qui doit avoir lieu dans les trois mois qui suivent sa saisine ; (...) ".
4. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé le bénéficiaire d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.
5. La consultation obligatoire de la commission du titre de séjour, telle qu'elle est prévue par les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a pour objet d'éclairer l'autorité administrative sur la possibilité de régulariser la situation administrative d'un étranger et constitue pour ce dernier une garantie substantielle.
6. Il ressort des pièces du dossier qu'en application des dispositions précitées, le préfet de la Seine-Saint-Denis a soumis la demande de Mme D... tendant à son admission exceptionnelle au séjour à l'examen de la commission du titre de séjour, laquelle s'est réunie le 12 février 2020, en l'absence de l'intéressée, et a émis un avis défavorable. Si le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a produit aucune observation devant le tribunal ni répondu à la mesure d'instruction faite par les premiers juges le 11 mars 2021, produit en appel la copie de l'accusé de réception ainsi que l'enveloppe qui aurait contenu la lettre de convocation de Mme D... devant la commission du titre de séjour, les mentions apposées sur ces documents sont illisibles et notamment surchargés s'agissant des mentions relatives aux dates de dépôt d'un avis de passage et de retour du pli au service de la préfecture de la Seine-Saint-Denis. Mme D... ne peut, dès lors, être regardée comme ayant été régulièrement convoquée devant la commission du titre de séjour. Il suit de là que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé la décision portant refus de titre de séjour, et par voie de conséquence, les autres décisions contenues dans son arrêté du 12 mai 2020 au motif qu'elle avait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, Mme D... ayant été privée d'une garantie.
7. Il résulte de ce qui précède que la requête présentée par le préfet de la Seine-Saint-Denis ne peut qu'être rejetée, sans qu'il soit besoin d'en examiner la recevabilité.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. L'annulation de l'arrêté en litige, qui n'implique pas nécessairement que le préfet de la Seine-Saint-Denis délivre à Mme D... le titre de séjour demandé, impliquait qu'il se prononce à nouveau sur la demande d'admission exceptionnelle au séjour que l'intéressée avait présentée ainsi que l'a jugé le Tribunal administratif de Montreuil au point 5. de son jugement. Sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit et de fait, il appartient donc au préfet de la Seine-Saint-Denis d'exécuter cette injonction et de se prononcer à nouveau sur la demande d'admission exceptionnelle au séjour de Mme D.... Le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressée.
9. Au vu de ce qui vient d'être énoncé, Mme D... ne peut, en tout état de cause, solliciter à nouveau le prononcé d'une telle injonction.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la requête n° 21PA04196 :
11. La Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête n° 21PA03662 du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à l'annulation du jugement n° 2005455/11 du 7 mai 2021 du Tribunal administratif de Montreuil, les conclusions de la requête n° 21PA04196 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a, ainsi, pas lieu d'y statuer, et, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge de l'Etat au titre de cette instance.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21PA04196 du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à ce que la Cour ordonne le sursis à l'exécution du jugement n° 2005455/11 du 7 mai 2021 du Tribunal administratif de Montreuil.
Article 2 : La requête n° 21PA03662 du préfet de la Seine-Saint-Denis est rejetée.
Article 3 : L'Etat versera à Mme D... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées en appel par Mme D... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêté sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B... D....
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 15 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2021.
Le rapporteur,
S. BONNEAU-MATHELOTLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Nos 21PA03662... 2