Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 février 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de faire droit à sa demande dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le même délai, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2003159 du 7 mai 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de M. B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 juin 2021 et le 26 octobre 2021, M. B..., représenté par Me Neven, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2003159 du Tribunal administratif de Montreuil du 7 mai 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 février 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les mêmes conditions de délais et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant à l'existence de circonstances humanitaires exceptionnelles ;
- le refus de titre de séjour est entaché de défaut d'examen particulier ;
- il est entaché d'irrégularités dans la procédure de recueil de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- il est entaché d'une erreur de droit dans la mesure où le préfet s'est cru en situation de compétence liée ;
- il méconnaît les 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale à raison de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision de délai de départ volontaire méconnaît l'article 7 de la directive 2008/115/CE et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 9 juin 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jurin,
- et les observations de Me Neven, avocate de M. B....
Une note en délibéré, présentée pour M. B..., a été enregistrée le 7 décembre 2021.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant malien, né le 17 décembre 1986, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 février 2020 par lequel le préfet de Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...)(...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".
3. M. B... souffre d'importants troubles psychiatriques et notamment de schizophrénie paranoïde avec troubles anxieux. Il a de façon régulière été hospitalisé en pôle psychiatrique à raison de ses troubles. Il bénéficie d'un traitement à base d'antipsychotique et anxiolytique (Loxapac, Xéplion et Temesta) et est suivi régulièrement en centre médico-psychologique. Il ressort des pièces du dossier que l'état psychique du requérant a été stabilisé par cet équilibre entre son traitement médicamenteux et le suivi en centre médico-psychologique notamment à raison de son engagement dans ses soins. Le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé du requérant nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il pourrait bénéficier d'un traitement approprié au Mali, alors qu'il avait précédemment émis un avis en sens contraire ayant justifié la délivrance d'un titre de séjour et que la pathologie de M. B... est la même. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... pourra bénéficier au Mali d'un traitement substituable à celui qui lui est administré, eu égard à l'équilibre trouvé entre le traitement médicamenteux et le suivi psychiatrique du requérant. Ainsi, eu égard à la gravité des troubles psychiatriques dont souffre le requérant, qui a en outre bénéficié de titres de séjour en qualité d'étranger malade renouvelés de mars 2016 à mars 2019, en prenant l'arrêté du 12 février 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce.
4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer ni sur la régularité du jugement attaqué ni sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé, d'une part, à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande et d'autre part, à solliciter l'annulation du jugement ainsi que celle de l'arrêté du 12 février 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation de la décision de refus de renouvellement de titre de séjour, M. B... a droit à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui délivrer un tel titre dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ". M. B... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Neven renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2003159 du 7 mai 2021 du Tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 12 février 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Neven la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Neven, au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente assesseure,
- Mme Jurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 décembre 2021.
La rapporteure,
E. JURIN Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGISLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA03597 5