Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Athis a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2013 et 2014 et du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014.
Par un jugement n° 1815874/1-2 du 23 juin 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 19 août 2020, 16 février 2021 et 24 juin 2021, la société Athis, représentée par Me Laurent Martinod, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1815874/1-2 du 23 juin 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la réduction, en droits et majorations, des impositions précitées.
Elle soutient que :
- la réalité des prestations fournies par la société Archetype Investment étant établie, l'administration ne pouvait remettre en cause la déductibilité de la charge en matière d'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture correspondante ni procéder à un rappel au titre du profit sur le Trésor ;
- les dépenses de personnel au titre de deux salariés sont éligibles au crédit d'impôt en faveur de la recherche ;
- la majoration pour manquement délibéré n'est pas fondée.
Par des mémoires en défense enregistrés les 26 novembre 2020 et 18 mai 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par la société Athis ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 10 juin 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 juin 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Platillero,
- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société Athis, qui exerce l'activité de bureau d'études spécialisées, d'ingénierie, de conseil, d'études de travaux et de recherche et développement, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, au terme de laquelle une proposition de rectification du 26 juillet 2016 lui a été adressée. A l'issue de la procédure contradictoire mise en œuvre, elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2013 et 2014 et à un rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014, assortis d'intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré. La société Athis relève appel du jugement du 23 juin 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du même code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite à l'administration, si elle s'y croit fondée, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.
3. Il résulte de l'instruction que l'administration a remis en cause une écriture de charge enregistrée le 24 novembre 2013 pour un montant de 59 064,59 euros sur le fondement d'une facture établie par la société Archetype Investment, au motif que la société Athis ne justifiait pas de la réalité et du montant de la prestation fournie, alors que le libellé de ladite facture, d'un montant élevé, était imprécis, et qu'aucune convention signée entre les deux sociétés n'avait été produite. Pour justifier son écriture de charge, la société Athis a produit une facture émise par la société Archetype Investment le 24 novembre 2013, qui mentionnait des prestations de conseil en stratégie et commercialisation, de traitement des données et amélioration des logiciels, d'apport en propriété propre de solutions de logiciel commercial et de conseil en développement international, sans plus de précision sur la nature et la portée exactes de ces prestations. Elle n'a produit, comme relevé précédemment, aucune convention liant les deux sociétés, qui disposaient de la même adresse et d'un associé commun, ni aucun cahier des charges ou tout document permettant de décrire avec précision les missions qui auraient été confiées à la société Archetype Investment. La société Athis fait néanmoins valoir que la société Archetype Investment serait intervenue dans le cadre du développement d'une application de calcul formel utilisable dans le domaine de la pathologie et de la déconstruction d'ouvrages et de bâtiments, notamment pour la traduction de cette application sur le plan technique. Toutefois, elle se borne à produire un aperçu visuel de l'application, un tableau de synthèse relatif aux délais et budgets généraux de conception d'applications, des extraits d'échanges de courriels et des documents relatifs aux données de téléchargement de l'application, qui ne mentionnent même pas une quelconque intervention de la société Archetype Investment pour les prestations mentionnées sur la facture et ne justifient ainsi en rien la matérialité des prestations qu'aurait réalisées cette société. La société Athis produit également un document de synthèse daté du mois de juin 2012 qui mentionne sur deux points une intervention prévue de la société Archetype Invest pour permettre notamment l'adaptation de l'application au marché américain. Toutefois, ce document n'est corroboré par aucune pièce de nature à établir une intervention effective qui aurait justifié la facture en litige. Dans ces conditions, l'administration était fondée à refuser la déduction en charge des prestations facturées par la société Archetype Investment.
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
4. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ".
5. L'administration a remis en cause la taxe sur la valeur ajoutée déduite par la société Athis à raison des prestations facturées par la société Archetype Investment le 24 novembre 2013, pour un montant de 11 576,66 euros, ce montant étant réglé le 31 mars 2014. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 3, l'administration établit que les dépenses en cause n'ont pas été engagées pour les besoins de l'exploitation de la société Athis. Par suite, c'est à bon droit qu'elle a procédé au rappel de la taxe sur la valeur ajoutée rattachée à cette charge indûment déduite.
En ce qui concerne le profit sur le Trésor :
6. L'administration a procédé à une rectification au titre du profit sur le Trésor pour un montant de 11 577 euros au titre de l'exercice 2014, à la suite de la remise en cause de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée précédemment mentionnée. Compte tenu de ce qui a dit au point 5, cette rectification est bien fondée.
En ce qui concerne le crédit d'impôt en faveur de la recherche :
7. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations (...) ". Aux termes du dernier alinéa de l'article 49 septies G de l'annexe III à ce code : " Dans le cas des entreprises qui ne disposent pas d'un département de recherche, les rémunérations prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt sont exclusivement les rémunérations versées aux chercheurs et techniciens à l'occasion d'opérations de recherche ".
8. Il résulte de l'instruction que la société Athis a déclaré des dépenses de recherche et de développement au titre de trois projets dénommés " Stabilisation des talus ", " Mécanique de la rupture " et " Déconstruction par bielles ", qui lui ont permis de bénéficier d'un crédit d'impôt d'un montant de 57 557 euros en 2013 et de 57 282 euros en 2014. Constatant diverses anomalies dans les dossiers fournis, notamment en matière de justification du temps de travail du personnel affecté aux opérations de recherche, l'administration a réduit le montant de ces crédits d'impôt à 18 367 euros en 2013 et à 32 169 euros en 2014. La société Athis demande la prise en compte au titre des dépenses de personnel des heures consacrées aux projets de recherche par Mme A... en 2013 et par Mme A... et M. B... en 2014 et produit à cet effet des relevés d'heures qui auraient été reconstitués à partir de feuilles de temps manuscrites, qui ne sont pas produites, la société Athis s'étant bornée en cours de contrôle à évaluer de façon forfaitaire le temps de travail consacré aux travaux de recherche par les intéressés au moyen d'un pourcentage global par année. Compte tenu des seuls tableaux produits qui ne permettent pas de justifier la réalité et le détail du temps passé par les personnels en cause à l'activité de recherche, et dès lors qu'il est constant que Mme A... et M. B... étaient en outre chargés d'autres fonctions au sein de la société, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause l'éligibilité au crédit d'impôt en faveur de la recherche des dépenses de personnel correspondantes.
Sur les pénalités :
9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration
de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
10. L'administration a appliqué la majoration pour manquement délibéré, au motif que les prestations facturées par la société Archetype Investment et par la société Whittaker Participations, pour des montants significatifs, n'étaient pas justifiées par la société Athis, une communauté d'intérêts existant entre ces diverses sociétés du fait notamment d'associés communs. Ainsi qu'il a été dit précédemment, la société Athis ne justifie pas de la réalité des prestations qu'aurait réalisées la société Archetype Investment. Elle ne conteste par ailleurs plus en appel que la matérialité des prestations qu'aurait réalisées la société Whittaker Participations n'est pas établie. En outre, l'administration se prévaut de l'importance des montants facturés, représentant environ 60 000 euros pour chacune des sociétés concernées. Compte tenu de ces éléments, l'administration apporte la preuve de l'existence de manquements délibérés, la circonstance qu'une autre rectification au titre de prestations dont l'existence n'était pas justifiée étant sans incidence à cet égard, et par suite justifie du bien-fondé de l'application de la majoration prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Athis n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement et de réduction, en droits et majorations, des impositions en litige doivent dès lors être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Athis est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Athis et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 15 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 décembre 2021.
Le rapporteur,
F. PLATILLEROLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
I. BEDRLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA02341