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22/12/2021 | FRANCE | N°21PA02197

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 22 décembre 2021, 21PA02197


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... F... A... G... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 13 décembre 2018 par laquelle le Conseil national de l'ordre des médecins a décidé de ne pas traduire devant la chambre disciplinaire de première instance d'Ile-de-France de l'ordre des médecins l'expert psychiatre désigné par une ordonnance du tribunal de grande instance de Paris en date du 8 juillet 2016 à fin d'expertise médico-psychologique, et d'enjoindre au Conseil national de l'ordre des médecins de

saisir la chambre disciplinaire de première instance d'Ile-de-France de l'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... F... A... G... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 13 décembre 2018 par laquelle le Conseil national de l'ordre des médecins a décidé de ne pas traduire devant la chambre disciplinaire de première instance d'Ile-de-France de l'ordre des médecins l'expert psychiatre désigné par une ordonnance du tribunal de grande instance de Paris en date du 8 juillet 2016 à fin d'expertise médico-psychologique, et d'enjoindre au Conseil national de l'ordre des médecins de saisir la chambre disciplinaire de première instance d'Ile-de-France de l'ordre des médecins de sa plainte et de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par jugement n° 1904192/6-1 du 13 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

M. A... F... A... G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 22 février 2021.

Par une requête enregistrée le 22 avril 2021, M. A... F... A... G..., représenté par Me Balme Leygues, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1904192/6-1 du 13 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'enjoindre au Conseil national de l'Ordre des médecins de verser aux débats les notes manuscrites rédigées par le docteur D... au cours de la réunion de conciliation du

24 mai 2017 et le rapport rédigé à l'issue de cette réunion ;

3°) d'annuler la décision du 13 décembre 2018 par laquelle le Conseil national de l'ordre des médecins a refusé de saisir la chambre disciplinaire d'Ile-de-France de l'ordre des médecins de sa plainte déposée à l'encontre du docteur C... B... ;

4°) d'enjoindre au Conseil national de l'ordre des médecins de saisir la chambre disciplinaire d'Ile-de-France de l'ordre des médecins de la plainte déposée à l'encontre du

docteur C... B... ;

5°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins la somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du

10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'un vice de procédure dans la mesure où le sens des conclusions du rapporteur public n'a pas été porté à la connaissance des parties en temps utile, en violation de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ;

- il est également entaché d'un vice de forme en ce que sa minute n'est pas revêtue des signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dans l'application des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 4123-2 du code de la santé publique, le Conseil national de l'ordre des médecins étant dans l'obligation de transmettre sa plainte à la chambre disciplinaire de première instance. A cet égard, les fonctions d'expert judiciaire doivent être regardées comme relevant d'une prestation de service et non comme une activité participant de l'exercice de l'autorité publique, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans un arrêt du 17 mars 2011, si bien que son activité ne relève pas des dispositions de l'article L. 4124-2 du code de la santé publique, mais bien de son article L. 4123-2 ;

- le Conseil national de l'ordre des médecins a commis une erreur de droit en estimant qu'aucun manquement aux dispositions des articles R. 4127-106 et R. 4127-5 du code de la santé publique n'était caractérisé sans avoir exercé pleinement et contradictoirement son pouvoir d'enquête administrative, en entendant le président de l'audience de conciliation du 24 mai 2017 ou en lui demandant de lui transmettre ses notes et rapports ;

- l'expert judiciaire l'ayant examiné a méconnu les obligations déontologiques qu'il tient des dispositions des articles R. 4127-106, R. 4127-108, R. 4127-5, R. 4127-28 et R. 4127-44 du code de la santé publique, si bien que le Conseil national de l'ordre des médecins était tenu de transmettre sa plainte à la chambre disciplinaire de première instance ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 octobre 2021, le Conseil national de l'ordre des médecins, représenté par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... F... A... G... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ho Si Fat,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me De Mecquenem, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins.

Considérant ce qui suit :

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative, premier alinéa : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ".

2. En premier lieu, M. A... F... A... G... soutient que le jugement aurait été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière, faute pour les conclusions du rapporteur public d'avoir été portées à la connaissance des parties en temps utile.

3. Il résulte du relevé de l'application Sagace que les conclusions du rapporteur public ont été mises en ligne le 21 octobre 2020 à 18 heures pour l'audience du 23 octobre suivant à

10 heures 15. Un délai de plus de 40 heures s'est ainsi écoulé entre la mise en ligne des conclusions du rapporteur public et la tenue de l'audience. Par suite, ce premier moyen manque en fait et doit être écarté.

4. En second lieu, le requérant soutient que le jugement serait entaché d'un vice de forme, en ce que sa minute ne serait pas revêtue des signatures prévues par l'article R. 741-7 du code de justice administrative, qui dispose que " dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

5. Il résulte de l'instruction que la minute de la décision est revêtue de toutes les signatures requises par les dispositions précitées de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, ce deuxième moyen manque en fait et doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. Aux termes de l'article L. 4123-2 du code de la santé publique : " Il est constitué auprès de chaque conseil départemental une commission de conciliation composée d'au moins trois de ses membres. La conciliation peut être réalisée par un ou plusieurs des membres de cette commission, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État. / Lorsqu'une plainte est portée devant le conseil départemental, son président en accuse réception à l'auteur, en informe le médecin, le chirurgien-dentiste ou la sage-femme mis en cause et les convoque dans un délai d'un mois à compter de la date d'enregistrement de la plainte en vue d'une conciliation. En cas d'échec de celle-ci, il transmet la plainte à la chambre disciplinaire de première instance avec l'avis motivé du conseil dans un délai de trois mois à compter de la date d'enregistrement de la plainte, en s'y associant le cas échéant. / Lorsque le litige met en cause un de ses membres, le président du conseil départemental demande, sans délai, au président du Conseil national de désigner un autre conseil afin de procéder à la conciliation. / En cas de carence du conseil départemental, l'auteur de la plainte peut demander au président du conseil national de saisir la chambre disciplinaire de première instance compétente. Le président du conseil national transmet la plainte dans le délai d'un mois ".

7. Aux termes de l'article L. 4124-2 du code de la santé publique : " Les médecins, les chirurgiens-dentistes ou les sages-femmes chargés d'un service public et inscrits au tableau de l'ordre ne peuvent être traduits devant la chambre disciplinaire de première instance, à l'occasion des actes de leur fonction publique, que par le ministre chargé de la santé, le représentant de l'Etat dans le département, le directeur général de l'agence régionale de santé, le procureur de la République, le conseil national ou le conseil départemental au tableau duquel le praticien est inscrit. / (...) ".

8. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions, d'une part, qu'en cas de carence du conseil départemental à transmettre une plainte à la chambre disciplinaire de première instance, le Conseil national de l'ordre des médecins peut être saisi, et d'autre part, que lorsque l'auteur d'une plainte formée contre un praticien devant une juridiction disciplinaire n'est pas au nombre des personnes limitativement énumérées par l'article L. 4124-2 du code de la santé publique, la plainte n'est pas recevable si le praticien est chargé d'un service public et que la plainte met en cause des actes accomplis par lui à l'occasion de sa fonction publique.

9. En l'espèce, les actes reprochés par le requérant au docteur B..., médecin psychiatre, ont été commis à l'occasion de la mission qu'il a réalisée comme expert judiciaire à la suite de sa désignation en cette qualité par ordonnance du juge aux affaires familiales. Il était à ce titre chargé d'une mission de service public et les actes qui lui sont reprochés ont été réalisés à l'occasion de sa fonction publique. Il en résulte que les dispositions précitées de l'article L. 4124-2 du code de la santé publique lui étaient applicables, contrairement à ce que soutient M. A... F... A... G.... Par ailleurs, lorsqu'il est saisi d'une plainte d'une personne qui ne dispose pas du droit de traduire elle-même un médecin devant la chambre disciplinaire de première instance comme en l'espèce, il appartient au Conseil national de l'ordre des médecins de décider des suites à donner à la plainte. Il dispose, à cet effet, d'un large pouvoir d'appréciation et peut tenir compte notamment de la gravité des manquements allégués, du sérieux des éléments de preuve recueillis ainsi que de l'opportunité d'engager des poursuites compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

10. Ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, le Conseil national de l'ordre des médecins n'était pas dans l'obligation de transmettre sa plainte à la chambre disciplinaire de première instance d'Ile-de-France de l'ordre des médecins dès lors qu'étaient applicables les dispositions de l'article L. 4124-2 du code de la santé publique et non celles de son article L. 4123-2 du même code.

11. Par ailleurs, si, comme le fait valoir le requérant, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que les activités des experts judiciaires ne constituaient pas des activités participant à l'exercice de l'autorité publique (CJUE, 17 mars 2011, Josep Peñarroja, C-372/09 et C-373/09, point 45), il y a lieu de relever que cette décision de la Cour de justice a été rendue dans le cadre de l'examen d'une réglementation nationale qui réservait l'inscription sur la liste nationale des experts judiciaires aux traducteurs justifiant d'une inscription sur une liste d'experts judiciaires dressée par une cour d'appel nationale pendant trois années consécutives. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce, s'agissant d'experts désignés par l'autorité judiciaire et appelés à ce titre, à exercer une fonction publique. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le Conseil national en ne transmettant pas la plainte de M. A... F... A... G... à la chambre disciplinaire de première instance d'Ile-de-France de l'ordre des médecins doit, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, être écarté.

12. Il ne résulte d'aucun texte législatif ou réglementaire ni d'aucun principe général qu'au regard des pouvoirs qui sont les siens dans le cadre de l'examen d'une plainte d'un patient à l'encontre d'un praticien relevant des dispositions de l'article L. 4124-2 du code de la santé publique, le Conseil national de l'ordre des médecins serait tenu le cas échéant d'entendre des personnes ou de se faire communiquer des pièces avant de prendre sa décision. Il appartient à l'auteur de la plainte de joindre à celle-ci l'ensemble des éléments de nature à l'étayer et c'est seulement au vu de ces éléments et des pièces de la procédure qui sont en sa possession que le Conseil national peut se prononcer avec le large pouvoir d'appréciation qui est le sien. Par suite, le moyen tiré d'une erreur de droit entachant la décision du 13 décembre 2018 en l'absence de demande de pièces adressée par le conseil départemental de la ville de Paris de l'ordre des médecins à la présidente de la réunion de conciliation organisée le 24 mai 2017, et de l'erreur de droit dont serait entaché le jugement attaqué doit, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, être écarté.

13. En dernier lieu, si le requérant soutient que l'expert judiciaire " n'a[urait] pas hésité à remettre en cause le bien-fondé des plaintes pénales " du requérant, et que le rapport de cet expert serait tendancieux voire outrancier à son encontre et que les dispositions de l'article R. 4127-28 du code de la santé publique et de l'article R. 4127-44 du même code auraient été méconnues, un tel moyen est inopérant au regard de l'appréciation de la légalité de la décision du 13 décembre 2018 du Conseil national de l'ordre des médecins.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... F... A... G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement ainsi que celles aux fins d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... F... A... G... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. E... A... F... A... G... et au Conseil national de l'ordre des médecins.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2021.

Le rapporteur,

F. HO SI FAT Le président,

R. LE GOFF

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA02197


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02197
Date de la décision : 22/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-04-01 Professions, charges et offices. - Discipline professionnelle. - Procédure devant les juridictions ordinales.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: M. Frank HO SI FAT
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY- POUPOT - VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 01/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-22;21pa02197 ?
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