La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/12/2021 | FRANCE | N°20PA03123

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 22 décembre 2021, 20PA03123


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du

6 juillet 2020 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2011893/5-2 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 juillet 2020.

Procédure devant la Cour :


Par une requête enregistrée le 28 octobre 2020, Mme B..., représentée par Me Manelphe, demande à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du

6 juillet 2020 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2011893/5-2 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 juillet 2020.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 octobre 2020, Mme B..., représentée par Me Manelphe, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2011893/5-2 du 15 octobre 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2020 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- le préfet de police n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle réside en France depuis octobre 2019 avec son époux et sa fille, qu'elle a ainsi fixé l'ensemble de ses attaches personnelles sur le territoire français et que sa présence est indispensable auprès de son époux qui bénéficie de soins qui ne peuvent être interrompus sous peine d'engager son pronostic vital ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle dès lors que, d'une part, elle craint d'être victime de mauvais traitements en cas de retour en Géorgie, pays qu'elle a fui en raison de violences et menaces de mort perpétrées à son encontre, et d'autre part, compte tenu de l'état de santé de son époux qui nécessite impérativement sa présence en France à ses côtés.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 novembre 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 8 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

M. Ho Si Fat a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante géorgienne, née le 27 décembre 1971, est entrée en France le 12 octobre 2019 selon ses déclarations et a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile sur le fondement des dispositions des articles L. 741-1 et L. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 26 décembre 2019 de l'Office français des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 28 mai 2020 de la Cour nationale du droit d'asile, sa demande d'asile a été rejetée. Par un arrêté en date du 6 juillet 2020, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Mme B... relève appel du jugement du

15 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". De même, aux termes des dispositions de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifiées à l'article L. 611-1 de ce code : " La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée ".

3. L'arrêté en litige vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier le 6° du I de son article L. 511-1, alors applicable, et sur le fondement duquel il a été pris. Il précise l'identité, la date et le lieu de naissance de Mme B... et mentionne que l'intéressée a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile et que le statut de réfugié lui a été refusé par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 26 décembre 2019, confirmée par une décision du 28 mai 2020 de la Cour nationale du droit d'asile. Il porte également l'appréciation selon laquelle, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. En outre, l'arrêté en litige mentionne la nationalité de Mme B... et précise que celle-ci n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, alors même qu'il ne précise pas l'état de santé de son époux ni ne mentionne la présence en France de la fille mineure de Mme B..., l'arrêté contesté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Il s'ensuit que le préfet de police, qui n'était pas tenu de reprendre l'ensemble des éléments de la situation de Mme B..., a satisfait à l'exigence de motivation telle que prévue aux articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cet arrêté doit être écarté comme manquant en fait.

4. En deuxième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de l'arrêté contesté, que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

6. Mme B... soutient que le préfet de police a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors que, d'une part, résidant en France depuis octobre 2019 avec son époux et sa fille, elle dispose de l'ensemble de ses attaches familiales sur le territoire français et d'autre part, son époux, gravement malade, nécessite sa présence à ses côtés mais également une continuité dans les soins qui lui sont dispensés en France sous peine d'engager son pronostic vital, de sorte que son éloignement du territoire français impliquera nécessairement une rupture de la cellule familiale. En outre, Mme B... fait valoir que le tribunal administratif de Paris a annulé la décision portant obligation de quitter le territoire français qui avait été prise à l'encontre de son époux.

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., de nationalité géorgienne, a épousé le 12 avril 2001 un compatriote, M. D..., et déclare être arrivée en France en compagnie de son époux et de sa fille, A..., le 12 octobre 2019 pour y solliciter l'asile. Il ressort également des pièces du dossier, en particulier d'un compte rendu d'une imagerie par résonance magnétique (IRM) réalisée le 2 juin 2020 et produit pour la première fois en appel que cet examen a été prescrit à M. D... afin d'effectuer un bilan avant stéréotaxie dans un contexte de mélanome métastatique ganglionnaire et cérébral. En outre, il ressort du certificat médical du docteur C..., praticien hospitalier au sein du centre d'onco-dermatologie de l'hôpital Saint-Louis et établi le 23 septembre 2020, soit postérieurement à l'édiction de l'arrêté en litige, mais révélant une situation antérieure, que M. D... est pris en charge pour un mélanome métastatique stade IV avec métastases cérébrales. Ce certificat précise qu'il s'agit d'une pathologie d'une particulière gravité mettant en jeu son pronostic vital et que M. D... est actuellement traité par thérapie ciblée, composée de Dabrafenib et de Trametinib, et qu'une radiothérapie cérébrale est en cours d'organisation. Enfin, ce même certificat précise que toute rupture dans la continuité des soins mettrait en jeu à court terme le pronostic vital de M. D.... Ainsi, et s'il n'est pas contesté que l'époux de Mme B... souffre d'une pathologie d'une particulière gravité et nécessitant une prise en charge médicale, toutefois il ne ressort pas des pièces du dossier que le traitement de son époux, qui se composait, à la date de l'arrêté en litige, de la prise orale de médicaments qui l'empêcheraient de rejoindre la Géorgie, ni que la radiothérapie cérébrale, qui n'était qu'en cours d'organisation, ne pourrait être réalisée dans son pays d'origine. En outre, si, ainsi que le fait valoir Mme B..., par un jugement du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. D..., cette décision, qui n'impliquait pas que le préfet de police délivre à Mme B... un titre de séjour, mais enjoignait seulement que soit réexaminée la situation de l'intéressé afin d'évaluer si son état de santé était compatible avec l'édiction d'une mesure d'éloignement, ne permet pas d'établir qu'à la date de l'arrêté en litige, l'état de santé de M. D... nécessitait de se maintenir sur le territoire français ni que la présence de Mme B... à ses côtés serait indispensable. Dans ces conditions, et dès lors que rien ne s'oppose à ce que la vie familiale se poursuive en Géorgie, Mme B..., dont la présence en France demeure très récente à la date de la décision en litige, et qui ne justifie au demeurant d'aucune intégration particulière ni n'établit qu'elle serait démunie d'attaches personnelles en Géorgie où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de 47 ans, n'est pas fondée à soutenir qu'en décidant de l'éloigner du territoire français, le préfet de police aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par l'arrêté en litige. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

9. Mme B... soutient qu'elle craint d'être victime de mauvais traitements en cas de retour en Géorgie, pays qu'elle a fui en raison de violences et menaces de mort perpétrées à son encontre du fait de la participation de son époux à la guerre d'Abkhazie. Toutefois, Mme B... n'apporte devant la Cour aucun élément nouveau permettant d'apprécier la réalité des risques auxquels elle serait exposée en cas de retour en Géorgie alors qu'il ressort des pièces du dossier que sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 26 décembre 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, relevant notamment une incapacité à expliquer la raison pour laquelle sa famille aurait été soudainement inquiétée en raison de l'implication de son époux dans une guerre terminée depuis 1993, confirmée par une ordonnance d'irrecevabilité de la Cour nationale du droit d'asile pour absence d'éléments sérieux du 28 mai 2020. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. En dernier lieu, pour les motifs exposés aux points 7 et 9 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2021.

Le rapporteur,

F. HO SI FAT Le président,

R. LE GOFF

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA03123


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03123
Date de la décision : 22/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-04 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Autorisation de séjour. - Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: M. Frank HO SI FAT
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : MANELPHE DE WAILLY

Origine de la décision
Date de l'import : 01/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-22;20pa03123 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award