Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D... veuve C... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'annuler la décision du ministre de la défense du 4 février 2016 rejetant sa demande du 4 décembre 2015 de pension militaire d'invalidité en qualité de veuve de M. C... qui était titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux de 70 % pour les infirmités " 1°) séquelles de fracture du fémur droit, vaste semis de petits fragments métalliques et arésie cubitale partielle ; 2°) séquelles de fracture de la diaphyse cubitale, pseudarthrose 3°) arésie cubitale partielle ".
Par un jugement n° 17/00017 du 29 mars 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision du ministre de la défense du 4 février 2016 et a reconnu le droit de Mme D... de percevoir une pension militaire d'invalidité en qualité de conjoint survivant.
Procédure devant la Cour :
La Cour régionale des pensions de Paris a transmis à la Cour, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, la requête présentée par la ministre des armées enregistrée à son greffe le 23 mai 2019.
Par cette requête enregistrée au greffe de la Cour sous le n° 19PA03691 le
1er novembre 2019 et des mémoires enregistrés les 20 janvier et 22 juillet 2021, la ministre des armées demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 17/00017 du 29 mars 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris ;
2°) de confirmer la décision du ministre de la défense du 4 février 2016.
Elle soutient que :
- à titre principal, la demande introduite par Mme D... le 26 juin 2017 est tardive dès lors que le délai de 6 mois prévu par l'article R. 731-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, qui était mentionné sur la décision de rejet du
4 février 2016, laquelle lui a été transmise à l'adresse indiquée par elle-même sur sa demande de pension était expirée au moment du dépôt de sa requête ;
- subsidiairement, les premiers juges se sont fondés à tort sur les dispositions de l'article L. 141-1 (ancien article L. 43-3°) du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qui concernent les conjoints survivants des militaires et marins morts en jouissance d'une pension définitive ou temporaire correspondant à une invalidité égale ou supérieure à 60 % ou en possession de droit à cette pension ;
- l'époux de Mme D... avait sollicité le 28 octobre 1963 auprès de l'administration des anciens combattants et victimes de guerre la régularisation de sa situation financière en tant que victime civile des événements de la guerre d'Algérie et par arrêté du 4 juillet 1972, une pension militaire d'invalidité lui avait été concédée à ce titre ; le jugement attaqué ne pouvait pas remettre en cause cette qualité alors que cette pension militaire d'invalidité concédée en qualité de victime civile n'a jamais été contestée et est ainsi revêtue de l'autorité de la chose décidée ;
- celui-ci avait la qualité de victime civile et non de militaire pour l'application de l'article 13 de la loi n° 63-778 du 31 juillet 1963 ;
- il était titulaire d'une pension militaire d'invalidité en tant que victime civile depuis le 28 octobre 1963 au taux de 70 % et il relevait ainsi des dispositions des articles L. 209 et L. 45 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre qui n'ouvrent droit, en cas de décès de la victime, à une pension militaire d'invalidité pour le conjoint survivant que si le taux d'invalidité était d'au moins 85 %, condition non remplie en l'espèce, ou si le rapport médico-légal du médecin qui a soigné l'ancien militaire pendant sa dernière maladie fait ressortir de façon précise la relation de cause à effet entre le décès et la blessure reçue ou la maladie contractée ou aggravée en service, ce qui n'est pas non plus le cas en l'espèce, M. C... étant décédé des suites d'un cancer sans rapport avec ses infirmités pensionnées.
Par des mémoires enregistrés les 1er décembre 2020 et 1er mai 2021, Mme D..., représentée par Me Gozlan, conclut :
1°) au rejet de la requête de la ministre des armées ;
2°) à la confirmation du jugement n° 17/00017 du 29 mars 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris ;
3°) à ce que lui soit allouée une pension de réversion à compter du 4 décembre 2015 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- sa demande devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris n'est pas tardive dès lors que la signature figurant sur l'accusé de réception postal de l'enveloppe contenant la décision du ministre de la défense du 4 février 2016 n'est pas la sienne, mais celle d'un mandataire qui n'a indiqué ni son nom ni son prénom, qu'elle n'a pas de domicile fixe et vit par intermittence chez chacun de ses enfants ;
- la ministre des armées n'établit pas qu'elle a été destinataire de la décision de rejet contestée ;
- son époux n'a pas formulé lui-même une demande de pension, laquelle a été faite pour lui par l'ambassade de France ;
- le moyen tiré de l'autorité de la chose décidée de la décision de rejet de 2003 est inopérant dès lors que le rejet de sa demande est lié à l'absence de détention de la nationalité française, ce qui est un motif discriminatoire et contraire à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; ainsi ces motifs sont inconstitutionnels, inconventionnels et erronés et l'administration ne peut opposer utilement l'autorité de la chose décidée ;
- en application de l'article L. 154-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, il est possible de remettre en cause la décision de rejet de l'administration dès lors que le militaire peut justifier que l'administration s'est fondée sur des éléments erronés, ce qui est le cas en l'espèce ;
- elle a droit au bénéfice d'une pension militaire d'invalidité en application de l'article L. 141-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dès lors que son époux était un militaire et non un civil, qu'il était titulaire d'une pension définitive correspondant à une invalidité égale ou supérieure à 60 % et peu importe qu'il ait bénéficié d'une pension civile ou militaire, ce qui conduirait l'administration à imposer une condition non prévue par la loi ;
- le refus de lui reconnaître le statut de veuve de guerre méconnaît l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 30 août 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Collet,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Gozlan, avocat de Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... D... veuve C... a demandé au ministre de la défense le 4 décembre 2015 le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité en sa qualité de veuve de M. C.... Son époux, décédé le 11 novembre 2002, était titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux de 70 % concédée pour les infirmités " 1°) séquelles de fracture du fémur droit, vaste semis de petits fragments métalliques et arésie cubitale partielle ; 2°) séquelles de fracture de la diaphyse cubitale, pseudarthrose 3°) arésie cubitale partielle " en qualité de victime civile de la guerre d'Algérie. Par décision du 4 février 2016, le ministre de la défense a rejeté sa demande. Mme D... a déposé le 26 juin 2017 une requête devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris tendant à l'annulation de cette décision. Par un jugement n° 17/00017 du 29 mars 2019, dont la ministre des armées relève appel, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision du ministre de la défense du 4 février 2016 et a reconnu le droit de Mme D... de percevoir une pension militaire d'invalidité en qualité de conjoint survivant.
2. Lorsque le destinataire d'une décision administrative soutient que l'avis de réception d'un pli recommandé portant notification de cette décision à l'adresse qu'il avait lui-même indiqué à l'administration n'a pas été signé par lui, il lui appartient d'établir que le signataire de l'avis n'avait pas qualité pour recevoir le pli en cause.
3. Aux termes de l'article R. 731-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction applicable à la date de la notification de la décision attaquée : " Sous réserve du cas des recours en révision prévus par l'article L. 154-4, les décisions individuelles prises en application des dispositions du livre premier et des titres I, II et III du livre II du présent code sont susceptibles, dans le délai de six mois à compter de leur notification, de recours devant le tribunal des pensions. (...) ".
4. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que la décision du ministre de la défense du 4 février 2016 rejetant la demande de pension militaire d'invalidité de Mme D... en qualité de veuve de M. C... a été notifiée le 10 février 2016 au domicile d'un des enfants de l'intéressée correspondant à l'adresse qu'elle avait indiquée dans sa demande de pension militaire d'invalidité. Si Mme D... soutient que la signature figurant sur l'avis de réception postal de l'enveloppe contenant cette décision n'est pas la sienne, elle n'établit pas, pour autant, que le mandataire ayant apposé sa signature sur ledit accusé de réception postal, qui certes n'a indiqué ni son nom ni son prénom, n'avait pas qualité pour recevoir le pli qui lui était destiné en se bornant à soutenir qu'elle n'a pas de domicile fixe et qu'elle vit par intermittence chez chacun de ses enfants. A... s'ensuit que le délai de recours expirait le 11 août 2016. Ainsi, la requête enregistrée et parvenue au greffe du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris le 26 juin 2017 a été présentée après l'expiration du délai précité de recours contentieux de six mois et était tardive. Dès lors, les premiers juges ont considéré à tort que la requête déposée par Mme D... n'était pas tardive et, par suite, la fin de non-recevoir opposée en ce sens par la ministre des armées doit être accueillie.
5. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision du ministre de la défense du 4 février 2016 et a reconnu le droit de Mme D... de percevoir une pension militaire d'invalidité en qualité de conjoint survivant. Il y a lieu par suite de rejeter la demande de Mme D... présentée devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris et ses conclusions devant la Cour.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 29 mars 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris est annulé.
Article 2 : La demande de Mme D... formée devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris tendant à l'annulation de la décision du ministre de la défense du
4 février 2016 et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... veuve C... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2021.
La rapporteure,
A. COLLET Le président,
R. LE GOFF
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA03691