Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du
24 octobre 2019 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé le renouvellement de son certificat de résidence algérien, et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 1910162-5 du 23 décembre 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 2 mars 2021, M. A..., représenté par Me Lepeu, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 23 décembre 2020 du tribunal administratif de Melun rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 octobre 2019 du préfet du Val-de-Marne ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2019 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jours de retard, et très subsidiairement de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en vertu du Titre III alinéa 5 de la convention Franco-algérienne ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant la décision de refus de renouvellement de titre de séjour :
- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission de titre de séjour ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est irrégulier, à défaut d'identification du signataire du rapport médical, d'indication de la composition du collège et de la désignation des médecins par le directeur général de l'OFII, de respect de la collégialité, d'indication des éléments de procédure, d'indication de la durée prévisible du traitement, et de mention du rapport médical et des informations disponibles sur les possibilités d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé, qui font défaut également dans la décision du préfet ;
- il n'est pas établi que le préfet ait eu transmission de cet avis avant de prendre sa décision ;
- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée par l'avis du collège des médecins de l'OFII pour prendre sa décision ;
- le préfet du Val-de-Marne a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle et celle-ci répondait aux conditions posées par les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale, en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 121-1 et L.122-1 du code des relations entre le public et l'administration dès lors qu'il n'a pas été invité à présenter des observations ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours :
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale, en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'hommes et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du
29 janvier 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.
Par un courrier du 25 novembre 2021, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever d'office l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours et celle fixant le pays de destination qui sont nouvelles en appel.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Renaudin,
- et les observations de Me Lepeu, avocat de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien, est entré en France le 26 mars 2015 muni d'un visa de court séjour, pour recevoir des soins dans les suites d'une opération pratiquée en France en décembre 2014 pour une artériopathie des membres inférieurs, pour lesquels il a subi une nouvelle opération le 27 mars 2015. Il a demandé en juin 2015 un titre de séjour en raison de son état de santé, sur le fondement des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, et a obtenu un certificat de résidence le 23 janvier 2018, valable jusqu'au
22 janvier 2019, dont il a sollicité le renouvellement le 4 avril 2019. Par un arrêté du 24 octobre 2019, le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français. M. A... fait appel du jugement du 23 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions distinctes accordant un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de destination :
2. Les conclusions tendant à l'annulation des décisions, distinctes du refus de renouvellement du titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, accordant un délai de départ volontaire de trente jours, et fixant le pays de destination, qui n'ont pas été soumises aux premiers juges, ont le caractère de conclusions nouvelles en cause d'appel, et sont, par suite irrecevables.
Sur les conclusions à fin d'annulation du refus de renouvellement du titre de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
3. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". Aux termes des dispositions alors en vigueur de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables aux demandes de certificats de résidence formées par les ressortissants algériens : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ".
4. Le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), par un avis du 23 septembre 2019, a considéré que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale, dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soin et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre d'ulcères récidivants d'une tranche d'amputation trans-métatarsienne droite réalisée en 2015, ainsi que d'un diabète de type 2 insulino-requérant. D'une part, M. A... a versé au dossier des ordonnances de soins infirmiers après greffe pour des pansements d'ulcère couvrant les années 2018 et 2019, un certificat du
10 septembre 2019 d'un praticien du service de médecine vasculaire de l'hôpital Saint-Joseph à Paris faisant état d'une récidive des troubles de cicatrisation de l'amputation, nécessitant un programme de soins locaux et de greffes itératives en hôpital de jour, ainsi qu'un compte-rendu de réalisation d'une nouvelle greffe en hospitalisation de jour le 18 octobre 2019 comportant des prescriptions pour les soins de pansements à suivre. Ces pièces démontrent que l'état de santé de M. A... nécessite un suivi médical pour la réalisation d'interventions de greffe, pour lequel un certificat d'un médecin généraliste de mars 2016 produit au dossier indique que le suivi médical du patient doit être rapproché et que son retour dans son pays compliquerait sa prise en charge. D'autre part, M. A... indique que sa situation médicale s'est stabilisée depuis 2019, grâce à la prise de Xultophy depuis janvier 2019, traitement associant de l'insuline et un antidiabétique, et mentionne, sans être contredit que ce médicament n'est pas commercialisé en Algérie. Des certificats établis par des médecins généralistes en novembre 2019 et février 2021, mentionnent que M. A... est " suivi pour un diabète stabilisé et amélioré depuis janvier 2019 " et qu'il est sous ce traitement " qu'il vaut mieux ne pas changer ". M. A... soutient, sans être contredit, que ce traitement lui est indispensable, et le préfet en première instance, comme le ministre de l'intérieur, qui n'a pas produit de défense, n'ont pas soutenu qu'il pourrait bénéficier en Algérie d'un traitement associant un antidiabétique et de l'insuline équivalent au Xultophy. Dans ces conditions, la décision contestée méconnaît les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968.
6. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 octobre 2019 du préfet du Val-de-Marne.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". Le juge administratif doit statuer sur les conclusions à fin d'injonction présentées sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative en tenant compte de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision.
8. Eu égard au motif d'annulation de la décision du 24 octobre 2019 du préfet du
Val-de-Marne, rappelé au point 5, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que celui-ci, délivre à M. A..., une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, dans un délai de deux mois à compter de sa notification, et dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. A..., Me Lepeu, d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1910162-5 du 23 décembre 2020 du tribunal administratif de Melun et l'arrêté du 24 octobre 2019 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de renouveler le titre de séjour de M. A... et l'a obligé à quitter le territoire français, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-de-Marne de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. A..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera au conseil de M. A..., Me Lepeu, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur, et au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience publique du 6 décembre 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, premier vice-président,
- Mme Renaudin, première conseillère,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2021.
La rapporteure,
M. RENAUDIN Le président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
C .POVSELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA01069 2