Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler l'arrêté du 5 mars 2020 par lequel le préfet de police a ordonné son expulsion du territoire français et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2010868 du 1er avril 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 30 avril 2021, M. B..., représenté par Me Berdugo, demande à la Cour :
1°) de surseoir à statuer en attendant la décision du bureau d'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler le jugement du 1er avril 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
3°) d'annuler l'arrêté du 5 mars 2020 par lequel le préfet de police a ordonné son expulsion du territoire français ;
4°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté d'expulsion est insuffisamment motivé en fait dès lors qu'il est uniquement motivé par ses condamnations et ne contient aucune mention de l'ancienneté de son séjour sur le territoire français et de sa situation personnelle, familiale et professionnelle ; cette motivation ne permet pas de considérer que le préfet a effectué un examen complet de sa situation ;
- il ne constitue pas une menace à l'ordre public au sens de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la majeure partie des infractions qui lui sont reprochées concerne des faits de conduite sans permis ; son unique condamnation par la Cour d'assises concerne des faits de 2012 et il a effectué sa peine ; sa détention s'est bien déroulée et il travaille depuis novembre 2019 dans un restaurant ; il présente des garanties de réinsertion et n'a commis aucun fait délictuel depuis 2012 ;
- il est un étranger protégé puisqu'il dispose de titres de séjour depuis plus de quarante ans et rentre dans les critères de l'article L. 521-2-4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'une violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle dès lors qu'il est entré en 1971 en tant que mineur en France, y a été scolarisé, y a obtenu des diplômes, y a travaillé sans discontinuer et qu'il n'a plus d'attaches dans son pays d'origine.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 octobre 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris a par décision du 29 juillet 2021, constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Julliard,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,
- et les observations de Me Petit, avocate de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant serbe né le 11 décembre 1957, a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion du territoire français du 5 mars 2020 du préfet de police pris sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il relève appel du jugement du 1er avril 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision du bureau d'aide juridictionnelle :
2. Par une décision du 29 juillet 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a constaté la caducité de la demande de M. B.... Par suite, les conclusions susvisées sont sans objet.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. M. B... soutient, en premier lieu, que l'arrêté d'expulsion est insuffisamment motivé en fait, dès lors qu'il est uniquement motivé par ses condamnations pénales et ne contient aucune mention de l'ancienneté de son séjour sur le territoire français ni de sa situation personnelle, familiale et professionnelle. Il ressort toutefois de cet arrêté qu'il mentionne l'avis du
20 janvier 2021 émis par la commission d'expulsion, les onze condamnations dont a fait l'objet M. B... depuis 2007, l'ensemble de son comportement et l'absence d'atteinte manifestement disproportionnée à sa vie privée et familiale. Par suite, contrairement à ce que soutient l'appelant, et alors que le préfet n'était pas tenu de mentionner tous les éléments propres à la situation de ce dernier, cette motivation, qui permet de considérer que le préfet de police a effectué un examen complet de sa situation, est suffisante.
4. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public. ". Aux termes de l'article L. 521-2 du même code dans sa version applicable au litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'État ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l'article L. 521-3 n'y fassent pas obstacle : /(...) / 4o L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention "étudiant" ; (...) ". Enfin, l'article L. 521-3 du même code dispose que : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : / 1o L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; / 2o L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ; /(...) ".
5. M. B... soutient, en deuxième lieu, qu'il ne constitue pas une menace à l'ordre public au sens de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la majeure partie des infractions qui lui sont reprochées concerne des faits de conduite sans permis, que son unique condamnation par la Cour d'assises concerne des faits de 2012 et qu'il n'a commis aucun fait délictuel depuis lors, qu'il a effectué sa peine dans de bonnes conditions et présente des garanties de réinsertion puisqu'il travaille depuis novembre 2019 dans un restaurant. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. B... a fait l'objet entre 2007 et 2013 de dix condamnations pour conduite sans permis de conduire, refus d'obtempérer à une sommation de s'arrêter, exécution d'un travail dissimulé, faux et usage de faux en écriture et menaces de mort réitérées et qu'il a été condamné par la Cour d'assises d'Evry, le 8 mai 2015, à dix ans de réclusion criminelle pour tentative de meurtre, violence avec usage ou menace d'une arme suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours et violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité. Il ressort également des pièces du dossier que le juge de l'application des peines a, le 24 janvier 2019, rejeté la demande de libération conditionnelle présentée par M. B... et l'a admis au bénéfice du placement sous surveillance électronique à compter de février 2019 et jusqu'à la fin de sa peine, après avoir rappelé que suivant le jugement du 4 avril 2017 le tribunal de l'application des peines d'Évry avait déjà rejeté sa demande de semi-liberté ou de placement sous surveillance électronique probatoire en retenant un risque de récidive compte-tenu de son positionnement sur les faits pour lesquels il avait été condamné, rejet réitéré par le juge de l'application des peines de Melun le
1er juin 2018, et que la commission d'expulsion, qui s'est réunie le 21 janvier 2020, a émis un avis favorable à son expulsion. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, de la nature des délits commis par M. B..., de leur réitération et du comportement de plus en plus violent de l'intéressé, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet de police a pu considérer qu'il représentait une menace grave à l'ordre public. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. M. B... soutient en troisième lieu, qu'il est un étranger protégé puisqu'il dispose de titres de séjour depuis plus de quarante ans et rentre dans les critères de l'article L. 521-2-4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, il s'est borné à produire une carte de séjour valable du 8 septembre 1982 au 7 septembre 1985 et une carte de résident valable du
8 septembre 2005 au 7 septembre 2015, dont il n'établit pas qu'il en aurait demandé le renouvellement alors qu'il était en détention. Par suite, il ne peut être regardé comme résidant régulièrement en France depuis plus de vingt ans, au sens des dispositions du 2° de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou comme y résidant régulièrement depuis plus de dix ans, au sens des dispositions du 4° de l'article L. 521-2 du même code. De plus, il ne justifie pas y résider habituellement depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans, au sens des dispositions du 1° de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. ".
8. M. B... soutient, en quatrième lieu, que l'arrêté attaqué est entaché d'une violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il est entré en 1971 en tant que mineur en France où il a été scolarisé en obtenant des diplômes, qu'il a travaillé sans discontinuer et qu'il n'a plus d'attaches dans son pays d'origine. Toutefois, ainsi qu'il a été dit, il n'établit pas être entré en France en 1971 ni y avoir établi sa vie privée et familiale, alors qu'il est constant qu'il est célibataire et sans charge de famille. S'il déclare avoir suivi sa scolarité en France, il ne produit que deux bulletins de notes pour l'année scolaire 1974-75 et son CAP de vitrier obtenu en juin 1976 et le relevé de carrière qu'il produit ne fait mention d'aucune activité en 1988, 1993, 1994 et entre 2007 et 2011. Par suite et nonobstant la production d'un contrat de travail dans un restaurant signé le 1er octobre 2019, la décision d'expulsion n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté attaqué serait entaché ni d'une erreur matérielle ni d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté d'expulsion du 5 mars 2020 du préfet de police. Il y a lieu de rejeter ses conclusions d'appel à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative, par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à statuer de la requête de M. B....
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 9 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
M. Ivan Luben, président de chambre,
Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
Mme Maire-Dominique Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021.
La rapporteure,
M. JULLIARD
Le président,
I. LUBEN
La greffière,
N. DAHMANI La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA02317