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17/12/2021 | FRANCE | N°20PA03394

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 17 décembre 2021, 20PA03394


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Compagnie financière du Vigan a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 2010, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période correspondant à cet exercice.

Par un jugement n° 1822393 du 16 septembre 2020, le tribunal administratif de Pa

ris a rejeté la demande de la SARL Compagnie financière du Vigan.

Procédure devant la Cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Compagnie financière du Vigan a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 2010, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période correspondant à cet exercice.

Par un jugement n° 1822393 du 16 septembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la SARL Compagnie financière du Vigan.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2020, la SARL Compagnie financière du Vigan, représentée par Me Devillières, avocat, demande à la Cour :

1) d'annuler le jugement entrepris ;

2) de prononcer la décharge demandée.

Elle soutient que :

- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ne sont pas fondés, faute pour l'administration d'établir la date du fait générateur de la taxe collectée afférente à son activité de prestation de services ;

- elle était fondée à déduire de son résultat imposable des charges à hauteur d'une somme de 209 445 euros ;

- c'est également à tort que l'administration a considéré qu'elle n'avait pas justifié du passif correspondant au solde de 153 436 euros inscrite sur le compte courant d'associé de M. A... et à une remise de chèques de 15 000 euros correspondant à une avance familiale.

Par un mémoire en défense, enregistré les 31 mai 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Des pièces, enregistrées le 31 août 2021, ont été produites par le ministre de l'économie, des finances et de la relance en réponse à la mesure supplémentaire d'instruction adressée le 19 août 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Soyez,

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'une vérification de comptabilité au titre de l'exercice 2010, la SARL Compagnie financière du Vigan, qui a pour objet social la gestion de portefeuilles et toutes activités relevant du domaine de la communication et de l'art, a fait l'objet des rehaussements d'impôt sur les sociétés ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Elle relève régulièrement appel du jugement n° 1822393 du 16 septembre 2020, par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge.

En ce qui concerne le rappel de taxe sur la valeur ajoutée :

2. D'une part, en vertu des dispositions du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, sont taxées d'office à cette taxe les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables. En vertu des dispositions de l'article L. 193 du même livre, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition, lorsqu'une une imposition a été établie d'office. La SARL Compagnie financière du Vigan, qui n'a ni souscrit les déclarations mensuelles auxquelles elle était tenue en qualité de redevable de la taxe soumis au régime réel normal d'imposition durant la période vérifiée, ni déposé de déclaration de chiffre d'affaires au titre de la même période, se trouve de taxation d'office en application des dispositions précitées du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales. Elle supporte, dès lors, la charge de démontrer le caractère exagéré des droits de taxe en litige.

3. D'autre part, en vertu des dispositions du I de l'article 256 du code général des impôts, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. Et en vertu des dispositions du c) du 2 de l'article 269 du même code, la taxe est exigible pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits.

4. Il résulte de l'instruction que l'administration a constaté, par des procès-verbaux de défaut de comptabilité établis les 27 septembre, 3 octobre et 19 décembre 2012, le défaut de présentation du livre d'inventaire, des factures d'achats et de marchandises, d'intermédiaires et du détail des notes de frais. D'une part, c'est à partir des documents comptables transmis par la société par un courriel du 28 novembre 2012 que l'administration a vérifié si la SARL Compagnie financière du Vigan était fondée à déduire un montant total de taxe de 15 552 euros. Ne retenant que la taxe justifiée par des factures, elle, à ce titre, a admis une taxe sur la valeur ajoutée déductible d'un montant de 9 048 euros. D'autre part, s'il est constant que l'administration ne précise pas dans ses rectifications à quelles opérations la taxe sur la valeur ajoutée collectée rappelée se rattache, elle a dû, en l'absence de comptabilité probante, reconstituer les recettes de l'entreprise vérifiée et n'a pu procéder par récolement avec les encaissements effectivement réalisés, les documents comptables transmis par courriel du 28 novembre 2012, mentionnés ci-dessus, extraits du grand livre des comptes de 2010, ne retraçant que des montants globaux de taxe sur la valeur ajoutée collectée sans référence à des opérations particulières ou à des dates de paiement, ou des opérations de ventes d'œuvres d'art portées en crédit, sans référence à un paiement particulier. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions rappelées ci-dessus de l'article 269 du code général des impôts doit être écarté.

En ce qui concerne les rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Pour être admis en déduction des bénéfices imposables les frais et charges doivent, d'une manière générale être exposés dans l'intérêt direct de l'exploitation ou se rattacher à la gestion normale de l'entreprise, correspondre à une charge effective, être appuyés de justifications suffisantes et être compris dans les charges de l'exercice au cours duquel ils ont été engagés.

6. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable de justifier tant du montant des charges qu'il entend, en application du I de l'article 39 du code général des impôts précité, déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du même code, que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

7. Par suite, il appartient en tout état de cause au contribuable, quelle que soit la procédure d'imposition, d'apporter la preuve de la déductibilité d'une dépense et de la taxe sur la valeur ajoutée s'y rapportant.

8. L'administration a rejeté des charges déduites du résultat imposable de la SARL Compagnie financière du Vigan pour un montant de 209 445 euros au titre de l'exercice en litige faute de présentation des factures correspondantes. Si la requérante se prévaut pour justifier ces déductions d'acquisitions faites dans des maisons de vente et chez des antiquaires, elle n'apporte, pas plus qu'en première instance, de justificatifs de nature à établir la réalité et le caractère professionnel des dépenses en cause, comme elle l'a au demeurant admis en signant le procès-verbal de l'entretien de synthèse du 19 décembre 2012. L'administration a également rejeté la déduction de notes de frais exposées par l'associé majoritaire, M. A..., toutes enregistrées en comptabilité " ndf br ", sans qu'il soit possible de les identifier et sans justificatifs de ces notes. Le moyen tiré du rejet injustifié de ces charges et notes de frais ne peut qu'être écarté.

9. En second lieu, aux termes de l'article 38 du code général des impôts applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". Le contribuable doit toujours justifier de l'exactitude des écritures portant sur des créances de tiers, quelle que soit la procédure d'imposition suivie à son encontre.

10. S'agissant du solde de 153 436 euros au crédit du compte courant d'associé de M. A..., la SARL Compagnie financière du Vigan soutient qu'il correspond pour partie au remboursement de notes de frais de l'intéressé. Mais, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, elle n'établit ni la réalité ni l'objet professionnel de ces dépenses. Elle expose que ce solde a également pour origine des apports de M. A..., mais elle ne produit à cet effet qu'un chèque de la mère de M. A..., d'un montant de 15 000 euros, qualifié d'avance. Toutefois, ce chèque étant émis à l'ordre de la société, il ne peut bénéficier de la présomption de prêt familial. Il appartient donc à la SARL Compagnie financière du Vigan d'établir le mouvement de fonds correspondant, ce qu'elle ne fait pas. Dans ces conditions, le moyen tiré de la requalification erronée de ce solde de compte courant en passif injustifié doit également être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Compagnie financière du Vigan n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions litigieuses. Par voie de conséquences, doivent également être rejetées ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Compagnie financière du Vigan est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée (SARL) Compagnie financière du Vigan et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur national de vérification des situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président de chambre,

- M. Soyez, président-assesseur,

- M. Simon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 décembre 2021.

Le rapporteur,

J.-E. SOYEZ Le président,

S. CARRERE

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°20PA03394


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03394
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric SOYEZ
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : CABINET DELPEYROUX

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-17;20pa03394 ?
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