Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2019 par lequel le ministre de l'intérieur l'a suspendue de ses fonctions.
Par un jugement n° 1907946 du 7 avril 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 août 2020 et le 3 mai 2021, Mme B..., représentée par Me Delacharlerie, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1907946 du 7 avril 2020 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2019 du ministre de l'intérieur ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif s'est mépris sur la teneur et la portée de son argumentation et a entaché le jugement attaqué d'irrégularité ;
- l'arrêté attaquée repose sur des faits matériellement inexacts ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur de droit ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et d'erreur d'appréciation dès lors que la durée de suspension retenue est disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme B... n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,
- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 5 juillet 2019, le ministre de l'intérieur a suspendu de ses fonctions, pour une durée de quatre mois, Mme B..., adjoint administratif du ministère de l'intérieur, alors affectée au bureau de l'accueil et du séjour des étrangers de la préfecture de Seine-et-Marne, un contrôle interne ayant révélé qu'elle pourrait avoir délivré de manière frauduleuse des titres de séjour à des étrangers. Mme B... relève appel du jugement du 7 avril 2020 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. D'une part, à supposer que, en faisant valoir que le tribunal se serait " mépris sur le teneur et la portée de son argumentation et a entaché le jugement attaqué d'irrégularité ", Mme B... ait entendu invoquer l'insuffisance de motivation du jugement, un tel moyen ne pourra qu'être écarté. En effet, en relevant notamment que les éléments retenus à l'encontre de Mme B... par l'administration, précis et circonstanciés, présentaient, à la date du 5 juillet 2019 à laquelle la suspension a été prononcée par le ministre de l'intérieur, un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité pour justifier qu'une telle mesure soit prise dans l'intérêt du service, et que cette vraisemblance et cette gravité n'est pas sérieusement contestées par l'intéressée, dont les moyens n'étaient assortis d'aucune précision, le tribunal a suffisamment motivé son jugement.
3. D'autre part, les circonstances, selon lesquelles les premiers juges auraient entaché leur jugement d'erreur de fait, d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation, relèvent du bien-fondé du jugement et, en tout état de cause, ne sauraient utilement être invoquées pour demander l'annulation du jugement pour irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai le conseil de discipline. Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration d'un délai de quatre mois, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire, le fonctionnaire qui ne fait pas l'objet de poursuites pénales est rétabli dans ses fonctions (...) ".
5. La suspension d'un agent prise sur le fondement de ces dispositions est une mesure conservatoire destinée à l'écarter temporairement du service en attendant qu'il soit statué disciplinairement ou pénalement sur sa situation. Elle peut être légalement prononcée dès lors que les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité.
6. Il ressort des pièces du dossier que, pour édicter la décision de suspension litigieuse, le ministre de l'intérieur s'est fondé sur les résultats d'un contrôle interne qui a mis en évidence des irrégularités de nature à faire suspecter Mme B... d'avoir délivré frauduleusement plusieurs cartes de résident à des étrangers. A la suite de ce contrôle, la cheffe du bureau de l'accueil et du séjour des étrangers a adressé au directeur de l'immigration et de l'intégration, le 1er juillet 2019, un courrier qui mentionne de manière détaillée les circonstances dans lesquelles cette enquête interne a été diligentée, suite à une demande d'authentification d'un titre de séjour, adressée par le Centre d'expertise et de ressources titre (CERT) " permis de conduire " de Lille, concernant un titre de séjour délivré par la préfecture de Seine-et-Marne, et les anomalies constatées dans le dossier relatif à ce titre de séjour et dans treize autres dossiers. Il en ressort en particulier que tous ces dossiers ont non seulement été enregistrés et instruits par Mme B..., mais également que c'est elle qui a remis les titres délivrés à la suite de cette instruction aux étrangers concernés, alors qu'elle n'est en principe pas affectée à la remise des titres. Il est précisé que quatre de ces titres ont été remis le 15 octobre 2018 à 9h28, 9h28, 9h29 et 9h30, et deux le 11 octobre 2018 à 10h49 et 12h09. Il est également indiqué que tous les dossiers ont été enregistrés en première demande, qu'ils ont donné lieu à la délivrance d'une carte de séjour de 10 ans, qu'aucun timbre fiscal n'a été encaissé pour ces dossiers, qu'aucun d'entre eux n'est archivé ni numérisé, et qu'aucun commentaire n'est inscrit sur l'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (AGDREF). Mme B..., qui se contente de faire valoir qu'elle n'a pas pu délivrer de titres de séjour frauduleux dès lors qu'elle n'était pas habilitée à signer les décisions portant autorisation de séjour, ne conteste aucune de ces constations. Ces faits, précis et circonstanciés et qui ont par ailleurs donné lieu à un signalement auprès du procureur de la République en vertu de l'article 40 du code de procédure pénale, présentaient, à la date du 5 juillet 2019 à laquelle sa suspension a été prononcée par le ministre de l'intérieur, un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité pour justifier qu'une telle mesure soit prise dans l'intérêt du service. La circonstance qu'ils n'auraient pas donné lieu, ultérieurement, à des poursuites pénales ou disciplinaires est sans incidence à cet égard. La circonstance que Mme B... a été réintégrée, à compter du 5 novembre 2019 au sein de la préfecture au service de la sécurité routière, bureau de la gestion des droits à conduire, avant d'être placée, à compter de cette date, en congé de maladie, est également sans incidence. Dès lors, c'est sans méconnaître les dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 ni entacher sa décision d'erreur de fait ou d'erreur d'appréciation, s'agissant tant du principe que de la durée de la mesure, que le ministre de l'intérieur l'a suspendue de ses fonctions.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 2 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 décembre 2021.
La rapporteure,
C. VRIGNON-VILLALBALa présidente,
H. VINOT
La greffière,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA02387 3