Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 30 mars 2021 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2109229/6-1 du 9 juillet 2021 le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté contesté du 30 mars 2021 du préfet de police, a enjoint à ce dernier de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " salarié " dans un délai de deux mois et a condamné l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 août 2021, le préfet de police, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 juillet 2021 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. A....
Il soutient que :
- les faits pour lesquels l'intéressé a été condamné, suffisent à établir qu'il représente une menace à l'ordre public au sens des dispositions de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il reprend ses écritures de première instance quant aux autres moyens soulevés par le requérant dans cette instance, et ajoute qu'il n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2021, M. A..., représenté par Me Cukier, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Renaudin a été présenté lors de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant bangladais né en 1978, est entré en France, selon ses déclarations, en février 2013. Un titre de séjour d'un an en qualité de salarié, lui a été délivré le 21 septembre 2018 sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans que lui ait été opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 du même code, soit la subordination de la première délivrance d'une carte de séjour temporaire à la production d'un visa de long séjour. Le 26 août 2019, M. A... a sollicité le renouvellement de son titre de salarié sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La commission du titre de séjour a émis un avis favorable à la délivrance du titre de séjour sollicité le 16 février 2021. Par un arrêté du 30 mars 2021, le préfet de police lui en a, toutefois, refusé le renouvellement, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Paris. Par jugement du 9 juillet 2021, dont le préfet de police fait appel, ce tribunal a annulé l'arrêté du 30 mars 2021 et a enjoint au préfet de police de délivrer à M. A... un titre de séjour en qualité de salarié.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Paris :
2. Aux termes des dispositions alors en vigueur de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire ou la carte de séjour pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusée ou retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ". Selon l'article L. 313-10 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. (...) ".
3. Pour annuler l'arrêté du 30 mars 2021, les premiers juges ont retenu que M. A... remplissait les conditions posées par les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer un titre de séjour en qualité de salarié et que le préfet de police ne pouvait, sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation, se fonder sur la menace à l'ordre public que constituait la présence en France de M. A... sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour lui refuser la délivrance de ce titre.
4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A... a été condamné le 29 avril 2019 par le tribunal correctionnel de Bobigny à huit mois d'emprisonnement avec sursis pour violence avec arme ou menace d'une arme suivie d'une incapacité de travail supérieure à huit jours pour des faits commis le 26 avril précédent, lesquels sont reconnus par l'intéressé. Compte tenu de la gravité de ces faits et de leur caractère récent à la date de la décision contestée, et nonobstant la situation professionnelle de M. A... et la circonstance qu'il a signé un contrat d'intégration républicaine, en estimant que le comportement de M. A... représente une menace pour l'ordre public qui justifie, en application de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un refus de titre de séjour, le préfet de police n'a pas commis d'erreur d'appréciation.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 30 mars 2021 au motif qu'il aurait commis une erreur d'appréciation.
6. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.
Sur les autres moyens invoqués à l'encontre de l'arrêté attaqué :
En ce qui concerne la compétence de son signataire :
7. Par un arrêté n° 2020-01102 du 28 décembre 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris du même jour, d'ailleurs visé par l'arrêté en litige, le préfet de police a consenti à M. C... B..., chef du 10ème bureau, à la direction de la police générale de la préfecture de police, une délégation de signature en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi, ni même allégué, qu'elles n'auraient pas été absentes ou empêchées. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté doit être écarté.
En ce qui concerne le refus de renouvellement de titre de séjour :
S'agissant de sa motivation :
8. L'arrêté contesté vise les textes dont il fait application, notamment les articles L. 313-2 et L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il mentionne que M. A... a sollicité le renouvellement de son titre de salarié sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et que la commission du titre de séjour a été saisie de son cas. Il mentionne également que M. A... a été condamné le 29 avril 2019 par le tribunal correctionnel de Bobigny à huit mois d'emprisonnement avec sursis pour violence avec arme ou menace d'une arme suivie d'une incapacité de travail supérieure à huit jours et que le renouvellement de la carte de séjour temporaire peut être refusé à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. Enfin, il relève que compte tenu de sa situation personnelle et de son comportement constitutif d'une menace à l'ordre public, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit à sa vie familiale. Dans ces conditions, cet arrêté comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et est suffisamment motivé. Une telle motivation ne révèle pas davantage que le préfet se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de M. A....
S'agissant de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation :
9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
10. Si M. A... se prévaut de la durée de sa présence sur le territoire français et de son insertion professionnelle, il n'est pas contesté qu'il est célibataire et que sa famille réside au Bangladesh où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de 35 ans, et qu'il ne justifie pas de liens personnels d'une particulière intensité. Dans ces conditions, et compte tenu de la menace à l'ordre public qu'il représente, le préfet de police, n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination :
S'agissant de leur exception d'illégalité :
11. Il résulte de ce qui précède que le moyen, invoqué à l'encontre des décisions distinctes portant obligation de quitter le territoire, fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination et tiré de l'illégalité du refus de renouvellement de titre de séjour, doit être écarté.
S'agissant de l'erreur manifeste d'appréciation dont elles seraient entachées :
12. Pour les motifs exposés au point 10, ces décisions ne sont pas plus entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant du défaut de motivation de l'obligation de quitter le territoire français :
13. La décision portant refus de titre de séjour que comporte l'arrêté attaqué, qui contient les considérations de droit et les circonstances de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée, comme il a déjà été dit. En application des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et d'asile, la décision portant obligation de quitter le territoire français, prise sur le fondement des dispositions du 3° du I de cet article L. 511-1, soit lorsque le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger, n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision de refus d'un titre de séjour. Au demeurant, l'arrêté attaqué vise l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, contrairement à ce qu'allègue M. A.... Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 30 mars 2021, par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour en qualité de salarié, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, ses conclusions présentées en première instance aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, reprises également en appel, devant par voie de conséquence être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 9 juillet 2021 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 18 novembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, premier vice-président,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Renaudin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 décembre 2021.
La rapporteure,
M. RENAUDINLe président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA04577