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09/12/2021 | FRANCE | N°21PA01353

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 09 décembre 2021, 21PA01353


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2020 par lequel le préfet de l'Essonne l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2008851 du 9 novembre 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés

les 16 mars 2021 et 19 juin 2021, Mme E..., représentée par Me De Sa-Pallix, demande à la cour : ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2020 par lequel le préfet de l'Essonne l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2008851 du 9 novembre 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 mars 2021 et 19 juin 2021, Mme E..., représentée par Me De Sa-Pallix, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Essonne du 18 septembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son avocat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il n'est pas suffisamment motivé ; il ne répond pas précisément aux moyens tirés de la méconnaissance de son droit d'être entendue avant l'édiction de l'arrêté du préfet et de la violation de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du préfet est entaché d'incompétence ;

- il est entaché d'un vice de procédure dès lors que le préfet n'apporte aucun élément permettant de s'assurer que le fichier consulté pour avoir connaissance de ses antécédents l'a été dans le respect des règles en régissant son accès, s'agissant de l'habilitation des agents qui ont procédé à la consultation ;

- le préfet a commis une erreur de droit en lui opposant une entrée irrégulière sur le territoire français, alors qu'elle sollicitait le bénéfice de l'asile ; il a ainsi méconnu l'article 31 de la Convention de Genève ;

- l'arrêté litigieux porte une atteinte grave et disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale, en violation des stipulations de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il méconnaît également les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a méconnu l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle pouvait bénéficier d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement des dispositions de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision lui refusant un délai de départ volontaire viole les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, car elle ne menace pas l'ordre public, elle n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et elle dispose de garanties de représentation suffisantes ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français viole les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 mai 2021, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête.

Il renvoie à ses écritures de premières instance et soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 janvier 2021 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 87-249 du 8 avril 1987 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante nigériane née le 1er octobre 1986, a déclaré être entrée en France en novembre 2013. Par un arrêté du 18 septembre 2020, le préfet de l'Essonne l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner en France pendant une durée de trois ans. Mme E... demande à la cour d'annuler le jugement du 9 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Contrairement à ce que soutient Mme E..., il résulte des motifs du jugement attaqué que le tribunal administratif a répondu de manière suffisamment précise à tous les moyens soulevés devant lui, notamment ceux tirés d'une méconnaissance de son droit à être entendue préalablement à l'édiction des mesures contestées, et de la méconnaissance des dispositions des articles L. 316-1 et R. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a ainsi suffisamment motivé ce jugement, qui n'est pas entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, l'arrêté attaqué du 18 septembre 2020 a été signé par Mme A... B..., chef du bureau de l'éloignement du territoire à la préfecture de l'Essonne, qui disposait d'une délégation de signature à cette fin consentie par le préfet de l'Essonne par un arrêté du 24 août 2020, publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Essonne, n° 122 spécial. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet arrêté doit dès lors être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 611-16 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le fichier automatisé des empreintes digitales est régi par le décret n° 87-249 du 8 avril 1987 modifié relatif au fichier automatisé des empreintes digitales géré par le ministère de l'intérieur. ". Aux termes de l'article 8 de ce décret : " Les fonctionnaires et militaires individuellement désignés et habilités des services d'identité judiciaire de la police nationale, du service central de renseignement criminel de la gendarmerie nationale ainsi que des unités de recherches de la gendarmerie nationale peuvent seuls avoir accès aux données à caractère personnel et aux informations contenues dans le traitement : / (...) 3° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale en vertu des dispositions des articles L. 611-1-1 , L. 611-3 et L. 611-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; (...) ".

5. D'une part, pour justifier l'arrêté attaqué, le préfet de l'Essonne a notamment relevé que Mme E... a été condamnée le 26 mai 2020 par le tribunal correctionnel de Rennes à quatre années d'emprisonnement dont un avec sursis pour " traite d'être humain commise à l'égard de plusieurs personnes et proxénétisme aggravé : pluralité de victimes et participation à association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de 10 ans d'emprisonnement et aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger sur le territoire d'un État partie au protocole contre le trafic illicite de migrants - conditions incompatibles avec la dignité humaine et blanchiment : concours à une opération de placement, dissimulation ou conversion du produit d'un délit de proxénétisme aggravé et proxénétisme : non justification de ressources par une personne en relations habituelles avec une personne se livrant à la prostitution ". Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait recueilli ces éléments à l'issue d'une consultation du fichier des antécédents judiciaires (TAJ). Par suite, elle ne peut utilement invoquer une méconnaissance les dispositions de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale qui encadrent la consultation du TAJ.

6. D'autre part, le préfet de l'Essonne a produit en première instance les éléments permettant d'identifier le nom et le matricule de l'agent relevant du pôle central d'identité judiciaire du service central de la police technique et scientifique du ministère de l'intérieur, qui a consulté le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) le 8 juin 2020 à 14 heures 49, consultation dont sont issus certains des motifs de fait sur lesquels il a fondé son arrêté. Mme E... n'apporte aucun élément de nature à établir ou même à faire présumer que cet agent n'aurait pas été individuellement désigné et habilité à cette fin, conformément aux dispositions précitées de l'article 8 du décret du 8 avril 1987.

7. Il résulte de ce qui précède que l'appelante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du 18 septembre 2020 a été pris au terme d'une procédure irrégulière.

8. En troisième lieu, si les États membres à la convention de Genève du 28 juillet 1951 se sont engagés à ne pas exiger que les personnes qui demandent à entrer sur le territoire français pour solliciter la qualité de réfugié politique présentent des documents de circulation, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que, une fois leur demande d'asile examinée et définitivement rejetée, ces personnes soient regardées comme ne pouvant justifier de leur entrée régulière sur le territoire français. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de Mme E... a été réexaminée et rejetée en dernier lieu par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 29 juillet 2020. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit donc être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 316-1 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée à l'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre les infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. (...) ". Et aux termes de l'article L. 316-1-1 de ce code : " Une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale de six mois peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger victime des infractions prévues aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal qui, ayant cessé l'activité de prostitution, est engagé dans le parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle mentionné à l'article L. 121-9 du code de l'action sociale et des familles. La condition prévue à l'article L. 313-2 du présent code n'est pas exigée. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée du parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 316-1 du même code : " Le service de police ou de gendarmerie qui dispose d'éléments permettant de considérer qu'un étranger, victime d'une des infractions constitutives de la traite des êtres humains ou du proxénétisme prévues et réprimées par les articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal, est susceptible de porter plainte contre les auteurs de cette infraction ou de témoigner dans une procédure pénale contre une personne poursuivie pour une infraction identique, l'informe : / 1° De la possibilité d'admission au séjour et du droit à l'exercice d'une activité professionnelle qui lui sont ouverts par l'article L. 316-1 ; / 2° Des mesures d'accueil, d'hébergement et de protection prévues à la section 2 du présent chapitre ; / 3° Des droits mentionnés à l'article 53-1 du code de procédure pénale, notamment de la possibilité d'obtenir une aide juridique pour faire valoir ses droits. (...) ". Aux termes de l'article R. 316-3 dudit code : " Une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée minimale de six mois est délivrée par le préfet territorialement compétent à l'étranger qui satisfait aux conditions définies à l'article L. 316-1 et qui a rompu tout lien avec les auteurs présumés des infractions mentionnées à cet article. (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 316-5-1 de ce code : " Pour l'application de l'article L. 316-1-1, l'étranger doit présenter à l'appui de sa demande, outre les pièces mentionnées aux articles

R. 311-2-2 et R. 311-31, les pièces suivantes : / (...) / 2° Les justificatifs permettant d'apprécier qu'il a cessé l'activité de prostitution ; / 3° Les pièces justifiant qu'il a été autorisé à s'engager dans le parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle conformément à l'article L. 121-9 du code de l'action sociale et des familles. ".

10. Mme E... soutient que le préfet de l'Essonne n'a pas vérifié si elle pouvait bénéficier d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 316-1 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle indique à cet égard qu'elle a déposé plainte, le 10 juillet 2018, pour des faits de proxénétisme, et qu'elle a décrit le fonctionnement du réseau dont elle affirme avoir été victime. Il ressort cependant des pièces du dossier qu'elle a été condamnée à quatre années d'emprisonnement dont un avec sursis par le tribunal judiciaire de Rennes pour proxénétisme aggravé commis en bande organisée, après avoir été placée en détention provisoire à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis le 17 novembre 2018. Dans ces conditions, elle ne peut se prévaloir des dispositions précitées de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui subordonnent notamment la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à l'absence de menace pour l'ordre public.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

12. Mme E... fait valoir qu'elle a noué en France des liens personnels et familiaux intenses, stables et anciens et que son mari réside en France. Elle se prévaut également de la durée de son séjour sur le territoire national, de près de sept ans à la date de l'arrêté litigieux, et de son intégration à la société française et à ses valeurs. Elle soutient enfin qu'elle est inconnue des services de police. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que son mari, incarcéré, est également de nationalité nigériane et en situation irrégulière au regard du séjour, et que ses deux enfants résident au Nigéria auprès du père de la requérante. Elle n'établit par ailleurs aucune intégration à la société française, alors que, comme il a été dit précédemment, elle a été condamnée à quatre années d'emprisonnement dont un avec sursis pour proxénétisme aggravé commis en bande organisée. Dans ces conditions, le préfet de l'Essonne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris l'arrêté attaqué. Il n'a, par suite, méconnu ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni enfin celles de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

13. En sixième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; 2° Si l'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était ou manifestement infondée ou frauduleuse ; / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; / g) Si l'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des Etats avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un de ces Etats ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces Etats sans justifier d'un droit de séjour ; / h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. ".

14. La requérante soutient que la décision par laquelle le préfet de l'Essonne a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire méconnaît les dispositions précitées dès lors qu'elle ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'elle n'a jamais fait l'objet d'une mesure d'éloignement et qu'elle dispose de garanties de représentation suffisantes. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 10 du présent arrêt que le préfet a pu légalement considérer que le comportement de Mme E... constituait une menace pour l'ordre public et refuser ainsi, sur le fondement du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de lui accorder un délai de départ volontaire.

15. En dernier lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / Sauf s'il n'a pas satisfait à une précédente obligation de quitter le territoire français ou si son comportement constitue une menace pour l'ordre public, le présent III n'est pas applicable à l'étranger obligé de quitter le territoire français au motif que le titre de séjour qui lui avait été délivré en application de l'article L. 316-1 n'a pas été renouvelé ou a été retiré ou que, titulaire d'un titre de séjour délivré sur le même fondement dans un autre Etat membre de l'Union européenne, il n'a pas rejoint le territoire de cet Etat à l'expiration de son droit de circulation sur le territoire français dans le délai qui lui a, le cas échéant, été imparti pour le faire.. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Sauf menace grave pour l'ordre public, la durée totale de l'interdiction de retour ne peut excéder cinq ans, compte tenu des prolongations éventuellement décidées. (...) ".

16. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le préfet de l'Essonne n'a pas méconnu les dispositions précitées en prononçant à l'égard de la requérante, compte tenu de la menace que son comportement représente pour l'ordre public, une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par ailleurs, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de celles de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 12 du présent arrêt.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 décembre 2021.

La rapporteure,

G. D...Le président,

I. LUBENLe greffier,

É. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA01353 7


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01353
Date de la décision : 09/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : DE SA - PALLIX

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-09;21pa01353 ?
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