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09/12/2021 | FRANCE | N°21PA01327

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 09 décembre 2021, 21PA01327


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 5 août 2019 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2008686/1-2 du 22 septembre 2020 le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 mars 2021, Mme A... B..., repr

ésentée par Me Galindo Soto, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 septembre 2020 p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 5 août 2019 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2008686/1-2 du 22 septembre 2020 le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 mars 2021, Mme A... B..., représentée par Me Galindo Soto, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 août 2019 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 150 euros par jours de retard et, plus généralement, de l'admettre au séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en vue de démarches auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dans le délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'un an portant la mention " malade ", sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- son recours est recevable, ayant été introduit dans le délai de recours ;

- elle ne pourra avoir un accès aux soins en Algérie compte tenu de revenus insuffisants et d'un système de couverture sociale insuffisant ; le refus de titre de séjour méconnaît donc les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'administration s'est abstenue de répondre à sa demande d'examen de l'accessibilité concrète aux soins en Algérie ;

- elle n'a pas eu droit à un recours effectif contre la décision d'éloignement au sens de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination l'expose à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 août 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 janvier 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Renaudin a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante algérienne, née en 1958, est entrée en France le 29 octobre 2013 sous couvert d'un visa touristique. Elle a demandé le 2 février 2019 son admission au séjour en raison de son état de santé sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 5 août 2019, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a prononcé une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... fait appel du jugement du 22 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article 6 l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux demandes de certificats de résidence formées par les ressortissants algériens sur le fondement des stipulations précitées de l'accord franco-algérien : " (...) le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis (...) au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".

3. Alors que l'avis du 18 juin 2019 du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) estime qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, Mme B... pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, et que le préfet, dans la décision contestée, après avoir cité la teneur de cet avis, qu'il s'est donc approprié, mentionne qu'après un examen approfondi de la situation de Mme B..., il ressort qu'elle ne remplit pas les conditions prévues par le 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, et qu'elle n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, Mme B... ne démontre pas que le préfet, n'aurait pas examiné, ni la gravité de sa pathologie, ni l'accessibilité aux soins en Algérie en fonction des éléments qu'elle a pu faire valoir dans le cadre de sa demande de titre de séjour.

4. Il ressort de l'avis précité du 18 juin 2019 du collège de médecins de l'OFII que ces derniers ont estimé que si l'état de santé de Mme B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, cette dernière pouvait toutefois, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, y bénéficier d'un traitement approprié et que son état de santé lui permettait de voyager sans risque vers ce pays. Mme B..., soutient qu'elle souffre, à titre principal, d'une polyarthrite rhumatoïde pour laquelle elle ne pourrait bénéficier des soins nécessaires en Algérie. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment du compte rendu d'hospitalisation de jour à l'hôpital Saint-Joseph à Paris du 8 octobre 2018, que cette pathologie a été diagnostiquée en 2004 en Algérie où elle était suivie, ayant été mise dans ce pays sous traitement par Arava, puis sous Méthotrexate en 2006, ce certificat expliquant que le relais du Méthotrexate per os, à la voie sous cutanée Metoject, avait été pris. Il ressort des autres certificat médicaux produits, que son traitement à la date de la décision contestée consistait en une injection hebdomadaire de Metoject associée à une corticothérapie au long cours. Le Metoject étant la forme injectable du Méthotrexate, il ne ressort donc pas des pièces du dossier, et n'est pas non plus sérieusement allégué, que le traitement suivi par Mme B... ne serait pas disponible en Algérie. Si Mme B... se prévaut d'un certificat du 30 août 2016 établi par un médecin spécialiste libéral, qui mentionne que son traitement " justifie d'une prise en charge adaptée qui n'existe pas dans son pays ", celui-ci est trop ancien par rapport à la décision contestée et ses affirmations ne sont pas reprises par les certificats des praticiens hospitaliers la suivant régulièrement à l'hôpital Saint-Joseph. Il ressort par ailleurs des certificats médicaux émanant de cet hôpital, et en particulier du compte rendu d'hospitalisation de jour du 12 décembre 2018, qu'elle souffre également d'un diabète, mais avec absence de rétinopathie et de néphropathie, ainsi que d'une bronchiolite, traités par voie médicamenteuse, pour lesquels aucune gravité particulière n'est signalée. Mme B... soutient, en outre, que compte tenu de revenus insuffisants et d'un système de couverture sociale insuffisant, elle ne pourra avoir un accès effectif aux soins en Algérie. Toutefois, elle ne démontre pas, alors que le préfet de police produit le passeport de l'intéressée mentionnant qu'elle était fonctionnaire en Algérie, qu'elle serait dépourvue de revenus ou que, si elle allègue qu'elle est prise en charge en France par sa sœur, aucun membre de sa famille, quand bien même sa mère est décédée, ou de son entourage en Algérie où elle a vécu jusqu'en 2013 au moins, ne serait à même de l'aider financièrement. Enfin, si elle prétend qu'elle devrait avoir recours à des soins dans des cliniques privées, et que le système de couverture sociale ne prend pas suffisamment en charge les coûts de ces soins, en s'appuyant sur des seules considérations générales relatives au système de santé en Algérie, le préfet de police soutient, sans être contredit, que des établissements hospitaliers publics sont à même de prendre en charge sa pathologie, citant précisément deux de ceux-ci à Alger et Oran. Les pièces qu'elle produit ne sont donc pas suffisantes pour remettre en cause la pertinence de l'avis du collège de médecins de l'OFII et démontrer qu'elle ne pourrait pas bénéficier en Algérie d'un traitement approprié à son état de santé. La décision contestée en refusant de délivrer le certificat de résidence sollicité par Mme B... n'a donc pas fait une inexacte application des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

5. Si Mme B... soulève le moyen tiré d'une absence de recours effectif contre la décision d'éloignement prise à son encontre, en méconnaissance de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen manque en fait dès lors qu'elle a exercé un recours contre cette décision devant le tribunal administratif de Paris.

6. Aux termes des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".

7. Mme B... ne démontrant pas qu'elle ne pourrait avoir un accès aux soins nécessaires à son état de santé en Algérie, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dirigé contre l'obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

8. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ", et aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

9. Comme il a déjà été dit, Mme B... ne démontre pas qu'elle ne pourrait recevoir les soins adaptés à son état de santé en Algérie, et si elle soutient qu'elle est particulièrement vulnérable et qu'elle a besoin de toute urgence d'une hospitalisation, elle ne l'établit nullement, dès lors elle n'est pas fondée à soutenir que son renvoi dans ce pays l'exposerait à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

11. Mme B... fait valoir que la mesure d'éloignement en Algérie, qui l'empêcherait de venir voir son frère et sa sœur, qui résident en France, viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, cette mesure n'a, en tout état de cause, pas pour effet de la priver de venir en France sous couvert d'un visa et ne méconnaît donc pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

13. L'Etat n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, Mme B... n'est pas fondée à demander le versement d'une somme au titre des frais qu'elle a exposés, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, premier vice-président,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Renaudin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 décembre 2021.

La rapporteure,

M. RENAUDINLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 21PA01327


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01327
Date de la décision : 09/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : GALINDO SOTO

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-09;21pa01327 ?
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