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07/12/2021 | FRANCE | N°20PA01112

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 07 décembre 2021, 20PA01112


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Office des postes et télécommunications (OPT) a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de condamner M. B... A... à lui verser la somme de 16 140 413 francs CFP en restitution des rémunérations indument perçues en sa qualité de président du conseil d'administration, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 août 2008.

Par un jugement n° 1900354 du 10 mars 2020, le Tribunal administratif de la Polynésie française a condamné M. A... à verser la somme de 16 1

40 413 francs CFP à l'Office des postes et télécommunications, assortie des intérêts au t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Office des postes et télécommunications (OPT) a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de condamner M. B... A... à lui verser la somme de 16 140 413 francs CFP en restitution des rémunérations indument perçues en sa qualité de président du conseil d'administration, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 août 2008.

Par un jugement n° 1900354 du 10 mars 2020, le Tribunal administratif de la Polynésie française a condamné M. A... à verser la somme de 16 140 413 francs CFP à l'Office des postes et télécommunications, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2011, ainsi que la somme de 150 000 francs CFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 mars 2020, M. A..., représenté par Me Quinquis, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1900354 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'Office des postes et télécommunications devant le Tribunal administratif de la Polynésie française ;

3°) de mettre à la charge de l'Office des postes et télécommunications la somme de 250 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le litige, en tant qu'il concerne les rémunérations qu'il a perçues en qualité de représentant légal des sociétés filiales de l'OPT, relève de la compétence de la juridiction commerciale, en application de l'article L. 721-3 du code de commerce, et pas de celle de la juridiction administrative ;

- la créance litigieuse est prescrite en application de l'article 2277 du code civil ;

- l'établissement public ne disposait que d'un délai de quatre mois pour procéder au retrait de l'avantage financier qui lui a été accordé ;

- les délibérations n° 44 A-2007 et n° 44 F-2007 du 30 octobre 2007 du conseil d'administration de l'OPT sont insuffisamment motivées et ont été prises sans qu'il soit préalablement invité à présenter ses observations ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'exception d'illégalité de ces délibérations était tardive dès lors qu'elles ne lui ont jamais été notifiées avec l'indication des voies et délais de recours, qu'il n'a pas pu se prévaloir de leur illégalité devant le juge judiciaire incompétemment saisi et, qu'en tant que défendeur à l'action en répétition de l'indu, il peut invoquer ce moyen de défense sans condition de délai.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 février 2021, l'Office des postes et télécommunications, représenté par Me Bourion, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 339 000 francs CFP soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code civil ;

- la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

- le code des postes et télécommunications en Polynésie française ;

- l'arrêté n° 1731 CM du 19 novembre 2003 relatif à l'organisation et aux règles de fonctionnement de l'établissement public à caractère industriel et commercial dénommé " Office des postes et télécommunications " (O. P.T) ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jurin,

- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 28 décembre 2006 du président de la Polynésie française, M. A... a été nommé président du conseil d'administration de l'office des postes et télécommunications (OPT). Par une délibération n° 09-207 du 30 août 2007, devant prendre effet à compter du 6 avril 2007, le conseil d'administration de l'OPT a fixé l'indemnité de fonctions de M. A.... Par une délibération n° 44 A-2007 du 30 octobre 2007, le conseil d'administration de l'OPT a déclaré nulle la délibération du 30 août 2007 du fait de l'irrégularité de la séance du conseil d'administration du 30 août 2007 et a décidé que M. A... devait rembourser les sommes perçues en application de cette délibération. Par une délibération n° 44-F du 30 octobre 2007, le conseil d'administration a également décidé que M. A... devait rembourser toutes les sommes reversées par l'OPT au titre de ses fonctions de représentant physique dans les filiales de l'établissement public constituées sous la forme de sociétés par actions simplifiées (SAS). L'OPT, qui, en tant qu'établissement public dépourvu de comptable public, ne peut pas émettre de titre exécutoire, a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de condamner M. A... à lui rembourser les sommes perçues entre le 6 avril 2007 et le 31 août 2007, soit un montant total de 16 140 413 francs CFP. Par un jugement du 10 mars 2020, le Tribunal administratif de la Polynésie française a condamné M. A... à verser cette somme à l'OPT, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2011, ainsi qu'à verser à l'OPT la somme de 150 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. A... interjette appel de ce jugement.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. Les liens existant entre une personne publique et l'organe chargé de son administration sont des rapports de droit public justifiant la compétence de la juridiction administrative, y compris lorsque cette personne publique a la nature d'un établissement public à caractère industriel et commercial.

3. Le litige opposant M. A... et l'OPT porte sur l'obligation de rembourser les indemnités de fonction des mois d'avril à août 2007. Les sommes en litige ont été versées à M. A... dans le cadre de l'exercice de son mandat de président de conseil d'administration et l'action en répétition de l'indu relève donc de la compétence de la juridiction administrative. En outre, si une partie de ces sommes correspond à la rémunération de ses fonctions au sein des filiales de l'OPT constituées sous la forme de sociétés par actions simplifiées, M. A... a perçu ces sommes en qualité de représentant de l'OPT et leur perception était également liée à ses fonctions de président du conseil d'administration de cet établissement public. Par conséquent, l'exception d'incompétence de la juridiction administrative soulevée par M. A... doit être écartée.

Sur le fond du litige :

4. Aux termes de l'article 2277 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, applicable à la Polynésie française : " Se prescrivent par cinq ans les actions en paiement : / des salaires ; (...) et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts ". Aux termes de l'article 2246 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, applicable en Polynésie française : " La citation en justice, donnée même devant un juge incompétent, interrompt la prescription. ".

5. Il résulte de l'instruction que la prescription, qui a commencé à courir à compter du versement des sommes en litige, a été interrompue par la saisine du tribunal de première instance de Papeete le 15 septembre 2011, qui s'est déclaré incompétent territorialement au profit de sa section détachée de Nuku-Hiva. Le délai de prescription a recommencé à courir à compter du jugement du 28 août 2017 par lequel cette dernière juridiction a décliné la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. Ainsi, la saisine du Tribunal administratif de la Polynésie française le 8 octobre 2019 est intervenue moins de cinq ans après le jugement du 28 août 2017. M. A... n'est dès lors donc pas fondé à soutenir que les créances en litige étaient prescrites.

6. M. A... invoque en défense l'illégalité des délibérations du 30 octobre 2007 mentionnées au point 1. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'il a eu connaissance de ces deux délibérations au plus tard le 15 septembre 2011, date à laquelle l'OPT a saisi le tribunal de première instance de Papeete en vue d'obtenir leur exécution. S'il n'est pas établi que ces délibérations ont été régulièrement notifiées à M. A... et qu'il a eu connaissance des voies et délais de recours, le requérant ne pouvait en principe, au-delà d'un délai raisonnable d'un an après sa connaissance de ces délibérations, exciper de leur illégalité. Par conséquent, les délibérations du 30 octobre 2007 présentaient un caractère définitif à la date du premier mémoire en défense présenté en première instance par M. A... le 21 janvier 2020.

7. Toutefois, dans le cadre de l'action en répétition de l'indu engagée par une personne publique dépourvue de la capacité d'émettre un état exécutoire en vue du recouvrement de sa créance, le débiteur poursuivi devant la juridiction administrative peut contester le bien-fondé de la créance, même si la décision constatant et liquidant cette créance est devenue définitive.

8. Dès lors que les délibérations du 30 août 2007 présentent un caractère définitif, ainsi qu'il a été dit au point 6, M. A..., défendeur à l'action en répétition de l'indu, ne peut contester que le bien-fondé de la créance. Les vices propres aux décisions la constatant et à liquidant sont sans incidence sur le bien-fondé de la créance. En conséquence, les moyens de légalité externe tirés de l'insuffisance de motivation des délibérations du 30 octobre 2007 et de la circonstance qu'elles ont été adoptées sans que M. A... ait été mis à même de présenter des observations en défense doivent en tout état de cause être écartés comme inopérants.

9. Sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. Une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage. Il en va de même, dès lors que le bénéfice de l'avantage en cause ne résulte pas d'une simple erreur de liquidation ou de paiement, de la décision de l'administration accordant un avantage financier qui, sans avoir été formalisée, est révélée par les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la situation du bénéficiaire et au comportement de l'administration.

10. Si M. A... soutient que le retrait de l'avantage financier qui lui a été octroyé par la délibération du 30 août 2007 présente un caractère tardif, cette délibération du 30 août 2007 a été retirée dans le délai de quatre mois suivant son adoption. Ce moyen doit dès lors être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de la Polynésie française, par le jugement attaqué, l'a condamné à verser à l'OPT la somme de 16 140 413 francs CFP.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OPT, qui n'est pas la partie perdante dans le présent litige, la somme que demande M. A... à ce titre. Il y a en revanche lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge M. A... la somme de 1 500 euros au titre des conclusions présentées par l'OPT sur le fondement de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera à l'OPT la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à l'office des postes et télécommunications de Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- Mme Jurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2021.

La rapporteure,

E. JURINLe président de chambre,

C. JARDIN

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20PA01112


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01112
Date de la décision : 07/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMPTABILITÉ PUBLIQUE ET BUDGET - CRÉANCES DES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES - RECOUVREMENT - PROCÉDURE - ACTION EN RÉPÉTITION DE L'INDU ENGAGÉE PAR UNE PERSONNE PUBLIQUE DÉPOURVUE DE LA CAPACITÉ D'ÉMETTRE UN ÉTAT EXÉCUTOIRE EN VUE DU RECOUVREMENT DE SA CRÉANCE - MOYEN CONTESTANT LE BIEN-FONDÉ DE LA CRÉANCE ALORS MÊME QUE LA DÉCISION ÉTABLISSANT CELLE-CI SERAIT DEVENUE DÉFINITIVE - (1).

18-03-02-01 Dans le cadre de l'action en répétition de l'indu engagée par une personne publique dépourvue de la capacité d'émettre un état exécutoire en vue du recouvrement de sa créance, le débiteur poursuivi devant la juridiction administrative peut contester le bien-fondé de la créance, même si la décision constatant et liquidant cette créance est devenue définitive. (1). (1).

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GÉNÉRALES - MOYENS - MOYENS IRRECEVABLES - EXCLUSION - ACTION EN RÉPÉTITION DE L'INDU ENGAGÉE PAR UNE PERSONNE PUBLIQUE DÉPOURVUE DE LA CAPACITÉ D'ÉMETTRE UN ÉTAT EXÉCUTOIRE EN VUE DU RECOUVREMENT DE SA CRÉANCE - MOYEN CONTESTANT LE BIEN-FONDÉ DE LA CRÉANCE ALORS MÊME QUE LA DÉCISION ÉTABLISSANT CELLE-CI SERAIT DEVENUE DÉFINITIVE - (1).

54-07-01-04-02 Dans le cadre de l'action en répétition de l'indu engagée par une personne publique dépourvue de la capacité d'émettre un état exécutoire en vue du recouvrement de sa créance, le débiteur poursuivi devant la juridiction administrative peut contester le bien-fondé de la créance, même si la décision constatant et liquidant cette créance est devenue définitive. (1).


Références :

1. Rapp. CE, 3/8 CHR, 28 septembre 2021 Ministre de l'agriculture et de l'alimentation et Agence de services et de paiement c/ M. Burgaud n° 437650, 437686.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Elodie JURIN
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : SELARL PIRIOU QUINQUIS BAMBRIDGE-BABIN

Origine de la décision
Date de l'import : 01/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-07;20pa01112 ?
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