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06/12/2021 | FRANCE | N°21PA00022

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 06 décembre 2021, 21PA00022


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision qui lui a été notifiée le 17 septembre 2019 par laquelle le préfet de police a rejeté la demande de regroupement familial qu'il a présentée au bénéfice de son épouse.

Par un jugement n° 1912381 du 4 décembre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces enregistrées les 4 janvier et 28 juin 2021, M. B..., représenté

par Me Pigot, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1912381 du 4 décembre 2020 du tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision qui lui a été notifiée le 17 septembre 2019 par laquelle le préfet de police a rejeté la demande de regroupement familial qu'il a présentée au bénéfice de son épouse.

Par un jugement n° 1912381 du 4 décembre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces enregistrées les 4 janvier et 28 juin 2021, M. B..., représenté par Me Pigot, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1912381 du 4 décembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler la décision notifiée le 17 septembre 2019 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté la demande de regroupement familial qu'il a présentée au bénéfice de son épouse ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de faire droit à sa demande de regroupement familial dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou à défaut de réexaminer sa demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée n'est pas datée et est entachée d'incompétence ;

- elle est entachée d'une erreur dans l'appréciation de son niveau de ressources au sens des dispositions des articles L. 411-5 et R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation sur la conformité de son logement ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été rendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet,

- et les observations de Me Frydryszak, avocat de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant bangladais, a présenté le 27 avril 2018 une demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse. Cette demande a été rejetée par une décision du préfet de la Seine-Saint-Denis notifiée le 17 septembre 2019. M. B... relève appel du jugement du 4 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. En premier lieu, la circonstance que la décision par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé à M. B... sa demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse ne soit pas datée n'est pas, à elle seule, de nature à l'entacher d'incompétence dès lors qu'à la date de sa réception, le 17 septembre 2019, son auteur bénéficiait d'une délégation de signature régulièrement donnée et publiée antérieurement à cette décision. Or, par arrêté du 1er octobre 2018, régulièrement publié au bulletin d'informations administratives le lendemain, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné à Mme C... A..., adjointe au chef du bureau de l'accueil et de l'admission au séjour, délégation à effet de signer, notamment, les décisions relatives aux demandes de regroupement familial, en cas d'absence ou d'empêchement des agents la précédant dans l'ordre des délégataires. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision en litige ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa numérotation alors en vigueur : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Aux termes de l'article L. 411-5 de ce code dans sa numérotation alors en vigueur : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales, de l'allocation équivalent retraite et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5423-1 et L. 5423-2 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. (...) 2° Le demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ; (...) ". Aux termes de l'article R. 411-4 du même code dans sa numérotation alors en vigueur : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : / - cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes (...) ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le caractère suffisant du niveau de ressources du demandeur est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période, même si, lorsque ce seuil n'est pas atteint au cours de la période considérée, il est toujours possible, pour le préfet, de prendre une décision favorable en tenant compte de l'évolution des ressources du demandeur, y compris après le dépôt de la demande. En outre, en application du décret du 20 décembre 2017 portant relèvement du salaire minimum de croissance, le montant mensuel brut du salaire minimum interprofessionnel de croissance était de 1 498,47 euros pour l'année 2018. Ce montant a été porté à 1 521,22 euros pour l'année 2019 par le décret du 19 décembre 2018 portant relèvement du salaire minimum de croissance.

5. Il ressort des termes de la décision contestée que, pour rejeter la demande de regroupement familial présentée par M. B..., le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur les circonstances que son logement n'est pas conforme à la réglementation en vigueur et ne remplit pas les conditions minimales de confort et d'habitabilité exigées (moisissures sur le plafond d'une des chambres et de la salle de bain, absence de boîtier d'isolation sur le branchement électrique de la cuisinière) et qu'il ne justifie pas de ressources suffisantes pendant la période des douze mois précédant le dépôt de sa demande, permettant de subvenir aux besoins de sa famille dès lors que ses revenus bruts mensuels se sont élevées à 1 447 euros pour une référence de 1 484 euros compte tenu de la composition de sa famille. Si M. B... soutient qu'il disposait de ressources qui s'élevaient à la somme moyenne mensuelle de 1 489,54 euros sur la période allant d'avril 2017 à avril 2018, il ressort des bulletins de salaires versés au dossier que ce dernier, qui était titulaire d'un contrat à durée indéterminée en tant que serveur depuis le 15 avril 2014, disposait sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande, soit, contrairement à ce que soutient le requérant, du mois d'avril 2017 au mois de mars 2018, de ressources d'un montant moyen mensuel brut de 1 447,30 euros, inférieur au montant mensuel brut du salaire minimum interprofessionnel de croissance de 1 498,47 euros pour l'année 2018. Par ailleurs, s'agissant de la période postérieure au 27 avril 2018, date de dépôt de sa demande et antérieure au 17 septembre 2019, date de la décision attaquée, il ne produit qu'un bulletin de salaire au titre du mois d'avril 2018 faisant apparaître un salaire mensuel brut de 1 574,01 euros qui ne permet pas à lui seul d'établir une évolution favorable et stable de ses ressources après le dépôt de sa demande. Enfin, la circonstance qu'il bénéficie d'une augmentation substantielle de ses revenus postérieurement à la décision attaquée qui sont supérieurs au salaire minimum interprofessionnel de croissance mensuel brut de référence est insusceptible d'avoir une influence sur la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis reçue le 17 septembre 2019, dont la légalité s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise. Dans ces conditions, et dès lors que l'intéressé ne justifiait pas des ressources suffisantes sur la période de référence des douze mois précédant le dépôt de sa demande, ni de la stabilité de ses ressources ultérieures jusqu'à la date de la décision en litige, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées des articles L. 411-5 et R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. De plus, dès lors que le préfet pouvait pour ce seul motif refuser la demande de regroupement familial présentée par M. B..., la circonstance qu'il aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation s'agissant de la conformité de son logement est insusceptible d'avoir une incidence sur la légalité de la décision de refus en litige.

6. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

7. M. B... soutient qu'il est entré en France en 2009, qu'il est titulaire d'un titre de séjour depuis 2016, qu'il justifie de plus de trois ans de vie commune avec son épouse, une compatriote avec laquelle il s'est marié le 11 mai 2016 au Bangladesh, qu'il se rend régulièrement au Bangladesh pour voir son épouse, qu'il lui envoie de l'argent tous les mois et que la durée d'instruction de sa demande par la préfecture de Seine-Saint-Denis a rallongé de manière déraisonnable la durée de séparation du couple. Cependant, il n'apporte aucun élément tendant à établir qu'il serait particulièrement intégré à la société française ni ne soutient être dans l'impossibilité de rendre visite à son épouse au Bangladesh. Dans ces conditions et compte tenu de la faculté pour M. B... de faire état d'une amélioration de sa situation au soutien d'une nouvelle demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision notifiée le 17 septembre 2019 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté la demande de regroupement familial qu'il a présentée au bénéfice de son épouse. Par voie de conséquence, doivent être rejetées les conclusions du requérant aux fins d'annulation, d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2021.

La rapporteure,

A. COLLET Le président,

R. LE GOFF

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 21PA00022


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00022
Date de la décision : 06/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

35-03 Famille. - Regroupement familial (voir : Etrangers).


Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : PIGOT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-06;21pa00022 ?
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