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06/12/2021 | FRANCE | N°20PA02785

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 06 décembre 2021, 20PA02785


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et M. C... D... ont demandé au tribunal administratif de Melun de condamner la commune de Mitry-Mory à leur verser la somme de 80 000 euros chacun en raison des préjudices qu'ils estiment subir du fait de l'installation à proximité de leurs domiciles d'une aire de jeux multisports dénommée " City Stade ".

Par un jugement n° 1808503 du 17 juillet 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enr

egistrés les 24 septembre 2020 et 13 septembre 2021, M. A... et M. D..., représentés par Me ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et M. C... D... ont demandé au tribunal administratif de Melun de condamner la commune de Mitry-Mory à leur verser la somme de 80 000 euros chacun en raison des préjudices qu'ils estiment subir du fait de l'installation à proximité de leurs domiciles d'une aire de jeux multisports dénommée " City Stade ".

Par un jugement n° 1808503 du 17 juillet 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 24 septembre 2020 et 13 septembre 2021, M. A... et M. D..., représentés par Me Medjnah, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1808503 du 17 juillet 2020 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'ordonner une expertise avec mission pour l'expert de mesurer le niveau et la durée des nuisances sonores générées par l'installation de l'aire de jeux multisports dénommée " City Stade " à proximité de leurs propriétés à différents moments de la journée pendant les périodes scolaires et non scolaires, d'évaluer la nature et le coût des mesures qui peuvent être mises en œuvre pour faire cesser les nuisances sonores constatées et donner tous les éléments utiles d'appréciation sur les troubles subis par les riverains, en particulier par les requérants ;

3°) à titre principal, de condamner la commune de Mitry-Mory à leur verser la somme de 80 000 euros chacun en raison des préjudices subis du fait de l'installation à proximité de leur domicile du " City Stade " ;

4°) d'ordonner à la commune de Mitry-Mory de prendre toutes les mesures appropriées afin de faire cesser le bruit et les incivilités à l'intérieur comme à l'extérieur du " City Stade ", dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) à titre subsidiaire, de mettre à la charge de la commune de Mitry-Mory la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la commune de Mitry-Mory a commis une faute en procédant à l'installation de l'aire de jeux multisports " City Stade " en méconnaissance de l'article 17 du cahier des charges de cession des terrains situés à l'intérieur du périmètre de la ZAC de la Reneuse ;

- cet ouvrage public, qui a été installé après l'achat de leurs propriétés, est à l'origine de nuisances sonores et d'insécurité qui présentent un caractère anormal et spécial et la commune de Mitry-Mory n'a pris aucune mesure préventive visant à limiter ces nuisances ;

- les documents qu'ils versent aux débats doivent être regardés comme des commencements de preuve qui justifient que soit ordonnée une expertise afin de déterminer le niveau des nuisances sonores qu'ils subissent et les mesures nécessaires pour y remédier.

Par des mémoires en défense enregistrés les 9 juillet et 30 septembre 2021, la commune de Mitry-Mory, représentée par Me Peru, conclut au rejet de la requête et demande à ce que soit mise solidairement à la charge de M. A... et M. D... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Farrugia, avocat de la commune de Mitry-Mory.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... et M. D... sont chacun propriétaires, respectivement depuis 2009 et 2010, d'une maison dans la zone d'aménagement concerté (ZAC) de la Reneuse, située sur le territoire de la commune de Mitry-Mory. En 2013, la commune a édifié dans ce quartier une aire de jeux multisports dénommée " City Stade ". Estimant subir des préjudices du fait de la proximité de cette aire de jeux, M. A... et M. D... ont adressé au maire de Mitry-Mory une demande indemnitaire préalable le 27 juin 2018 qui a été rejetée le 22 août 2018. Par un jugement du 17 juillet 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Mitry-Mory à leur verser une indemnité en raison des préjudices subis du fait de l'installation de l'aire de jeux " City Stade " à proximité de leurs domiciles. M. A... et M. D... relèvent appel de ce jugement.

Sur la responsabilité pour faute de la commune de Mitry-Mory :

2. Il résulte de l'instruction que ni le règlement du plan local d'urbanisme, ni la convention publique d'aménagement par laquelle la commune de Mitry-Mory a, le 30 juin 2005, confié la réalisation de ZAC de la Reneuse à la société anonyme d'économie mixte de construction et d'aménagement de Mitry-Mory (SEMMY), ni le cahier des charges de cession des terrains situés à l'intérieur du périmètre de la ZAC de la Reneuse, notamment son article 17, conclu entre les acquéreurs des terrains et la SEMMY, n'interdisaient à la commune de Mitry-Mory d'installer une aire de jeux multisports sur un des espaces verts aménagés par la SEMMY, remis à la commune à l'issue de l'aménagement de la ZAC et qui appartient au domaine public de la commune. Dans ces conditions, la commune de Mitry-Mory n'a pas, en tout état de cause, commis de faute en procédant à l'installation du " City Stade " sur un espace vert du Mail des droits de l'homme au sein de la ZAC de la Reneuse.

Sur la responsabilité sans faute de la commune de Mitry-Mory :

3. Un terrain multisports aménagé par une commune constitue un ouvrage public dont la présence est susceptible d'engager envers les tiers la responsabilité de la personne publique, même en l'absence de faute. Il appartient toutefois aux tiers d'apporter la preuve de l'existence d'un dommage grave et spécial et d'un lien de causalité entre la présence ou le fonctionnement de l'ouvrage et les dommages subis. Ne sont pas susceptibles d'ouvrir droit à indemnité les préjudices qui n'excèdent pas les sujétions susceptibles d'être normalement imposées, dans l'intérêt général, aux riverains des ouvrages publics.

4. Il résulte de l'instruction qu'en 2013, à la demande des habitants du quartier de la ZAC de la Reneuse, la commune de Mitry-Mory a installé sur une bande d'espace vert située Mail des droits de l'homme, comme il a déjà été dit, une aire de jeux multisports dénommée " City Stade " d'une longueur de plus de 24 mètres entourée de barrières et de filets. Les propriétés de M. A... et de M. D... sont séparées de cette aire de jeux par la rue Diderot et une bande d'espace vert. Selon le constat d'huissier établi le 6 septembre 2021, la propriété de M. A... est située à 48 mètres du " City Stade " avec une vue dégagée sur la droite sur cette aire de jeux. A la suite d'une pétition signée par une quarantaine de riverains faisant état de nuisances générées par l'installation du " City Stade ", la commune de Mitry-Mory a pris entre 2014 et 2016 différentes mesures afin d'y remédier. Elle a notamment adopté un règlement intérieur qui est affiché sur la porte de l'aire de jeux, comme en atteste la photographie versée au dossier, prévoyant que cette aire de jeux est accessible au public de 8 heures à 22 heures et interdisant notamment la circulation des deux roues à l'intérieur du " City Stade ", de grimper sur les palissades et de jeter des objets. Elle a également installé un grillage d'une hauteur de deux mètres et une petite haie devant l'impasse du curé Meslier située à proximité immédiate de l'aire de jeux. Les requérants produisent trois attestations datées d'octobre et de novembre 2017 faisant état de la persistance des nuisances sonores et des incivilités malgré ces mesures. Cependant, comme l'a relevé à juste titre le tribunal, ces attestations sont peu circonstanciées et, à défaut de préciser les dates des événements en cause, ne permettent d'établir ni l'intensité, ni la fréquence des nuisances alléguées, ni même leur lien avec la présence ou le fonctionnement du " City Stade ". M. A... et M. D... produisent pour la première fois en appel un constat d'huissier du 8 septembre 2020 décrivant, après leur visionnage, le contenu de sept fichiers vidéos présentés par les intéressés, dont il ressort que trois fichiers attestent de la présence à trois reprises d'un groupe de jeunes individus composé d'une dizaine à une trentaine de personnes pratiquant du sport à l'intérieur du " City Stade " en journée, qu'une seule de ces rencontres sportives est décrite comme étant accompagnée " de hurlements, de cris et d'acclamations " tandis qu'une autre est associée à la pratique du moto-cross par deux personnes à l'extérieur du " City Stade ". Il ressort en outre des constatations de l'huissier que le quatrième fichier concerne la vidéo d'une personne circulant en moto à l'intérieur de l'aire de jeux en faisant " vrombir son moteur ", que le cinquième fichier comporte des images d'une voiture qui traverse bruyamment l'espace vert en se dirigeant vers un groupe d'individus discutant sur le " City Stade " et que le sixième fichier établit la présence, la nuit, d'une vingtaine de personnes dans l'aire de jeux ainsi que celle d'une moto-cross. Toutefois, à supposer même que chacun des fichiers concerne des événements distincts ayant eu lieu à des dates différentes, ces constatations ne permettent pas d'établir que les cris et les bruits inhérents à l'utilisation de l'équipement sportif pouvaient, en journée, être la cause de nuisances sonores atteignant un niveau difficilement supportable eu égard notamment à la fréquence d'utilisation de cette aire de jeux, ni que des réunions de jeunes individus en dehors des heures d'ouverture du " City Stade " et des passages de deux roues ou de véhicules, à supposer qu'ils aient pour origine la présence et le fonctionnement de l'ouvrage public lui-même, sont habituels. Dans ces conditions, les préjudices allégués à raison de ces troubles ne peuvent être regardés comme présentant un caractère anormal - c'est-à-dire grave et spécial - excédant les sujétions susceptibles d'être, sans indemnité, normalement imposées dans l'intérêt général aux riverains des ouvrages publics. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées par M. A... et M. D... doivent être rejetées.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée, que M. A... et M. D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'indemnisation de M. A... et M. D..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de ces derniers tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, à la commune de Mitry-Mory de prendre toutes les mesures appropriées afin de faire cesser le bruit et les incivilités à l'intérieur comme à l'extérieur du " City Stade ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Mitry-Mory, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A... et M. D... demandent au titre des frais liés à l'instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A... et M. D... le versement de la somme que la commune de Mitry-Mory demande au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... et M. D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Mitry-Mory au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à M. C... D... et à la commune de Mitry-Mory.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2021.

La rapporteure,

V. LARSONNIER Le président,

R. LE GOFF

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20PA02785


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02785
Date de la décision : 06/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Notion de dommages de travaux publics - Absence.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : MEDJNAH

Origine de la décision
Date de l'import : 01/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-06;20pa02785 ?
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