Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 13 novembre 2019 par laquelle le préfet de police de Paris lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office.
Par un jugement n° 2014590 du 19 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 11 mars 2021, Mme B..., représentée par Me Marmin, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2014590 du 19 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris.
2°) d'annuler la décision du 13 novembre 2019 par laquelle le préfet de police de Paris a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de Paris de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de deux mois sous astreinte de 80 euros par jour de retard, ou, à défaut, de lui enjoindre de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de refus de séjour est entaché d'erreur de fait, d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu de l'indisponibilité de son traitement en Algérie ;
- l'obligation de quitter le territoire méconnaît les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire, enregistré le 8 juillet 2021, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que la demande de première instance était irrecevable et qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 29 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 modifié par ses avenants ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi sur l'aide juridictionnelle ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Simon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante algérienne, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par arrêté du 13 novembre 2019, le préfet de police de Paris a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Elle demande à la Cour l'annulation du jugement du 19 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté le recours formé contre la décision préfectorale du 13 novembre 2019, ainsi que l'annulation de cette décision.
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :
2. L'arrêté du préfet de police de Paris en date du 13 novembre 2019 a été notifié à Mme B... le 20 novembre suivant. En déposant sa demande d'aide juridictionnelle le 25 novembre 2019, l'intéressée a interrompu le délai de recours qui a recommencé à courir le 26 août 2019, date de la notification à l'avocat de la requérante de la décision du bâtonnier le désignant pour la défendre. Dans ces conditions, la demande de Mme B..., enregistrée au greffe du tribunal le 11 septembre 2020, était recevable. Le préfet de police de Paris n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a statué sur une requête regardée comme recevable.
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
3. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. ". Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une pris en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi.
4. L'arrêté préfectoral attaqué est motivé par la circonstance que l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut l'exposerait à des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement adapté en Algérie. Mme B..., qui a bénéficié d'une greffe de rein en France en 2018, est assujettie à un traitement antirejet immunodépresseur. Elle soutient que le traitement non substituable composé des spécialités Cortancyl, Advagraf et Cell-Cept n'est pas disponible en Algérie. Il ressort à cet égard des pièces du dossier que de nombreuses greffes rénales sont réalisées en Algérie et que les molécules présentes dans ces trois médicaments sont disponibles sous formes de médicaments génériques. La circonstance que le médecin prescripteur a précisé que ces médicaments n'étaient pas substituables ne suffit pas, à elle seule, à établir que l'intéressée ne pourrait pas bénéficier, en Algérie, d'un traitement sur la base de ces derniers, ou de tout autre traitement équivalent. Il en va de même des attestations de médecins ou pharmaciens algériens indiquant que ces spécialités médicales ne sont pas disponibles en Algérie, de même que de l'attestation du laboratoire pharmaceutique relative à la spécialité Advagraf. Par suite, l'intéressée ne peut être regardée comme apportant des éléments susceptibles de remettre en cause l'appréciation à laquelle le préfet, à la suite de l'avis du collège de médecins de l'OFII, s'est livré. Les moyens tirés de l'erreur de droit, de l'erreur de fait et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations précitées de l'article 6 7°) de l'accord franco-algérien visé ci-dessus doivent dès lors être écartés.
En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire français :
5. Mme B... soutient que la mesure méconnaîtrait les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales protégeant le droit à la vie et prohibant les traitements inhumains et dégradants. En tout état de cause, compte tenu des motifs mentionnés au point 4 ci-dessus, elle n'établit pas que la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaîtrait lesdites stipulations à raison des seuls risques qu'elle encourrait faute de pouvoir bénéficier effectivement d'un traitement adapté dans son pays d'origine.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation doivent dès lors être rejetées, ainsi que celles tendant au prononcé de mesures d'injonction sous astreinte et celles relatives aux frais d'instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président de chambre,
- M. Soyez, président assesseur,
- M. Simon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 3 décembre 2021.
Le rapporteur,
C. SIMONLe président,
S. CARRERELa greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA01259