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26/11/2021 | FRANCE | N°21PA02075

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 26 novembre 2021, 21PA02075


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 26 février 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2004471 du 18 mars 2021, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 20 avril 2021, le 26 a

vril 2021 et le

2 juillet 2021, M. B..., représenté par Me Hervet, demande à la Cour :

1°) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 26 février 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2004471 du 18 mars 2021, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 20 avril 2021, le 26 avril 2021 et le

2 juillet 2021, M. B..., représenté par Me Hervet, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, pendant cet examen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'une omission à statuer concernant les moyens propres dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français.

Sur la décision de refus de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les dispositions de la circulaire " Valls " du

28 novembre 2012, tant au regard de son intégration professionnelle que de son ancienneté de séjour de treize ans ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors qu'elle se fonde sur une décision de refus de titre de séjour elle-même illégale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Mantz a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant centrafricain né le 23 février 1967 en République centrafricaine, entré en France le 22 septembre 2007 sous couvert d'un visa délivré par les autorités belges, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 26 février 2020, le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 18 mars 2021 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. M. B... soutient que les premiers juges se sont abstenus de répondre aux moyens tenant à " l'illégalité propre " de l'obligation de quitter le territoire français. Il résulte toutefois des écritures de M. B... en première instance qu'il n'a soulevé aucun moyen précis à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, les premiers juges n'ont entaché le jugement d'aucune omission à statuer.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

4. La décision en litige vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment ses articles L. 313-14 et

L. 511-1. Elle précise les raisons pour lesquelles le moyen tiré de l'admission au séjour de l'intéressé sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli et indique que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. La décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, alors que le préfet du Val-de-Marne n'était pas tenu de répondre à tous les arguments relatifs à la situation personnelle de M. B... et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité du moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué, celui-ci doit être écarté.

5. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de la décision contestée ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet du Val-de-Marne n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation personnelle de M. B.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".

7. En présence d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-14, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifie d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si cette promesse d'embauche ou ce contrat de travail, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

8. M. B..., qui invoque les dispositions citées au point 6, se prévaut d'une résidence continue en France depuis 2007 et de son intégration professionnelle. S'agissant de cette dernière, le requérant établit avoir travaillé en qualité d'agent d'exploitation logistique pour la société d'intérim Partnaire Rhône Alpes du 3 décembre 2019 au 25 avril 2020, au moyen de plusieurs contrats d'une durée d'un mois, et produit une proposition d'embauche en contrat à durée indéterminée établie par la société Mediapost le 15 avril 2019. S'il fait valoir en outre qu'il est titulaire d'un contrat à durée indéterminée avec la société Amazone France en qualité d'agent de tri depuis le 9 juin 2020 puis, à compter de septembre 2020, en qualité de superviseur logistique, ce contrat, postérieur à la décision attaquée, est sans incidence sur sa légalité. Dès lors, les éléments ci-dessus invoqués ne constituent pas, eu égard notamment à la nature de l'expérience et des qualifications professionnelles de M. B... ainsi que des caractéristiques des emplois concernés, un motif exceptionnel de nature à justifier son admission exceptionnelle au séjour. En outre, M. B..., qui s'est déclaré célibataire sans enfant dans sa fiche de renseignements déposée à la sous-préfecture de L'Haÿ-les-Roses le 13 janvier 2020, alors qu'il a déclaré par ailleurs, notamment dans son mémoire de première instance du 24 janvier 2021, avoir deux enfants résidant dans son pays d'origine, n'établit aucune vie familiale en France. Dans ces conditions, en admettant même établie la résidence continue en France du requérant depuis à tout le moins 2010 et nonobstant la circonstance que la commission du titre de séjour a émis le 20 juin 2019 un avis favorable à son admission exceptionnelle au séjour, le préfet du Val-de-Marne n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que la situation de M. B... ne répondait pas à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour au titre des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En quatrième lieu, M. B... ne peut utilement se prévaloir des critères de régularisation prévus par la circulaire NOR INTK1229185 C du 28 novembre 2012 dès lors qu'elle se borne à énoncer des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de régularisation des étrangers, est dépourvue de caractère réglementaire et ne comporte pas de lignes directrices dont les administrés pourraient se prévaloir devant le juge administratif.

10. Enfin et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, il résulte des motifs qui précèdent que M. B... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

12. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

13. M. B... affirme que la décision litigieuse méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale, dès lors notamment qu'il est entré en France en 2007 et soutient y résider de manière continue depuis lors. S'il se prévaut de la présence en France de sa compagne, Mme C..., compatriote titulaire d'une carte de résident, il ne justifie pas d'une vie commune avec cette dernière. En outre, il n'allègue pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident notamment ses deux enfants ainsi qu'un frère et une sœur et où il a lui-même vécu au moins jusqu'à l'âge de 40 ans. Par suite et en admettant même sa résidence continue en France établie depuis au moins 2010, le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet du Val-de-Marne n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle de M. B....

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera délivrée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente,

- Mme Briançon, présidente assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2021.

Le rapporteur,

P. MANTZLa présidente,

M. HEERSLa greffière,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA02075 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02075
Date de la décision : 26/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : HERVET

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-11-26;21pa02075 ?
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