Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société RS Beaubourg a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 30 novembre 2011 au 30 juin 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1819535/2-1 du 6 avril 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 mai et 22 septembre 2020, la société RS Beaubourg, représentée par Me Frédéric Niel, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 6 avril 2020 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) d'ordonner le versement d'intérêts moratoires ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure d'imposition est irrégulière au regard du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ;
- la doctrine administrative référencée Instr. 6 mars 2008 : BOI 13 L-2-08, § 22 ; Dr. fisc. 2008, n° 12, instr. 1386. - BOI-CF-IOR-60-40-30, 13 déc. 2013, § 120 précise expressément que le vérificateur doit décrire la nature des investigations souhaitées ;
- la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'a pas été saisie malgré la demande présentée à cet effet.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 septembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société RS Beaubourg ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société RS Beaubourg, qui exerce une activité de restauration, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 30 novembre 2011 au 30 juin 2015 à l'issue de laquelle ont été établis des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'ensemble de la période vérifiée ainsi que des suppléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercice clos en 2013, 2014 et 2015. Par la présente requête, elle relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ainsi que des pénalités correspondantes.
Sur l'étendue du litige :
2. Par une décision du 22 septembre 2020 postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence d'une somme de 57 804 euros, des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à la charge de la société requérante au titre de l'exercice clos en 2015. Les conclusions de la requête relatives à cette imposition sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. Aux termes du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que le vérificateur qui envisage un traitement informatique sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés est tenu d'indiquer au contribuable, au plus tard au moment où il décide de procéder au traitement, par écrit et de manière suffisamment précise, la nature des investigations qu'il souhaite effectuer, c'est-à-dire les données sur lesquelles il entend faire porter ses recherches ainsi que l'objet de ces investigations, afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions. Le vérificateur n'est, à cet égard et conformément aux dispositions du b du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, tenu de préciser au contribuable la description technique des travaux informatiques à réaliser en vue de la mise en œuvre de ces investigations que si celui-ci a fait ensuite le choix d'effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification.
5. En l'espèce, il résulte de l'instruction que le vérificateur a informé la société RS Beaubourg, par courrier du 6 juillet 2016, de ce qu'il souhaitait mettre en œuvre " les traitements visant à : - s'assurer de la cohérence et de l'exhaustivité des ventes et des prestations de services enregistrées en gestion commerciale ; - s'assurer de la cohérence et de l'exhaustivité des encaissements enregistrés en gestion commerciale ; - vérifier la cohérence du chiffre d'affaires comptabilisé avec le chiffre d'affaires enregistré en gestion commerciale ; - vérifier la cohérence des encaissements comptabilisés avec les règlements enregistrés en gestion commerciale ; - contrôler les taux de TVA appliqués ; - suivre des flux matières par rapprochement entre les stocks, les entrées et les sorties de produits ; - calculer des marges ; - contrôler les procédures de correction et d'annulation utilisées sur le système de caisse, notamment à partir des éléments de traçabilité intégrés ; ainsi que tout traitement destiné à valider la cohérence et l'exhaustivité des données requises pour ces différentes analyses. ". Le courrier présentait ensuite les trois possibilités prévues au II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales. Ce faisant, l'administration a suffisamment précisé les données sur lesquelles elle entendait faire porter ses recherches ainsi que l'objet des investigations qu'elle souhaitait effectuer, afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration aurait méconnu les dispositions précitées du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales doit être écarté. La requérante ne peut se prévaloir à cet égard, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de doctrines administratives relatives à la procédure d'imposition.
6. Aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis soit de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts (...) ". Aux termes de l'article L. 59 A du même livre : " I. La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : 1° sur le montant du résultat industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition ; (...) II. Dans les domaines mentionnés au I, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut, sans trancher une question de droit, se prononcer sur les faits susceptibles d'être pris en compte pour l'examen de cette question de droit. [...] ".
7. Il résulte de l'instruction que, dans sa réponse en date du 31 janvier 2017 à la proposition de rectification du 12 décembre 2016, la société requérante, qui ne saurait être regardée comme ayant refusé globalement les rehaussements notifiés, commentait le rejet par l'administration de sa comptabilité et les rectifications relatives à la reconstitution de son chiffre d'affaires, mais ne présentait aucune contestation formelle à cet égard. Seuls étaient clairement contestés les rehaussements afférents aux écritures de passif injustifié, qui ont donné lieu à des suppléments d'impôts ayant fait l'objet d'un dégrèvement en cours d'instance devant la Cour. Il n'existait donc, à la date de la réponse aux observations du contribuable, aucun désaccord entre l'administration fiscale et le contribuable à l'égard des rehaussements restant en litige à l'issue de ce dégrèvement. En l'absence de désaccord, le moyen tiré de ce que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'a pas été saisie malgré la demande présentée à cet effet ne peut qu'être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société RS Beaubourg n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande s'agissant des impositions restant en litige. Il y a en outre lieu de rejeter les conclusions à fin de versement d'intérêts moratoires, présentées prématurément. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société RS Beaubourg à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance.
Article 2 : L'Etat versera à la société RS Beaubourg la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société RS Beaubourg est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société RS Beaubourg et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Platillero, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2021.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA01331